Sous le pseudonyme de Paul Riche, Jean Mamy, scénariste et producteur réputé des années 1930, réalise en 1942 le moyen métrage Forces occultes,
un film ouvertement anti-maçonnique. Lui-même franc-maçon repenti – il
fut vénérable d’une loge -, Jean Mamy, mobilisé en 1939 – 1940, ne cache
pas son désarroi devant l’inexpérience des soldats français, leur
faible moral, la vétusté du matériel, l’obsolescence de l’armement, la
médiocrité du commandement. La défaite de 1940 ne l’étonne finalement
pas.
Constatant
la portée délétère des idées qu’il a soutenues jusqu’à cette date, cet
ancien syndicaliste cinématographique devient rapidement rédacteur en
chef de deux journaux collaborationnistes de gauche, Le Pilori et L’Appel,
avant de se rapprocher des cénacles de Vichy. Sous l’influence d’un
personnage trouble, probable agent triple, Jean Mamy se fait
l’auxiliaire des services de renseignement allemands contre les
résistants, en particulier si ceux-ci sont d’obédience communiste.
Arrêté
à la « Libération », jugé pour collaboration, condamné à mort, il est
fusillé, après le rejet de sa demande de grâce à Vincent Auriol,
président socialiste de la IVe
République, le 28 mars 1949. On peut penser que ses anciens frères en
loge ne lui pardonnèrent pas d’avoir dévoilé – et donc désacralisé –
secrets et rites maçonniques…
Cette
vie kaléidoscopique est décrite, maints documents (dont de nombreuses
lettres) à l’appui par son fils naturel, Frédéric-Georges, qu’il eut
avec sa maîtresse, Jeanne Roux. L’auteur a peu connu ce père prisonnier.
Il n’en décrit pas moins son incroyable parcours. En ces temps de
repentance systématique quasi-obligatoire, Frédéric-Georges Roux, ne
juge pas, n’absout ni ne blâme : il veut surtout comprendre pourquoi son
père, homme de plume et de cinéma, paya de sa vie alors que d’autres,
plus compromis encore, y échappèrent.
La
partie la plus tonique de l’ouvrage concerne ses cinq années
d’enfermement. Jean Mamy aurait pu se morfondre, se négliger, s’apitoyer
sur son sort. Non, sans craindre le lendemain, il reprend l’écriture
malgré le rationnement difficile en papier et en encre, et son régime de
détenu.
Jean Mamy correspond beaucoup avec la femme qu’il aime, rédige des pièces de théâtre, des scénarii, des poèmes (Les Barreaux d’or), des essais (La Cuve à serpents, propos du sous-sol en 1947) ainsi qu’un ouvrage politique en 1949 (Vers l’altruisme autoritaire).
Il se préoccupe enfin de son procès et de ses appels successifs sans
perdre espoir, sans le moindre fatalisme, il se conforme à sa nature
jusqu’au matin fatidique de l’ultime jour.
Le
comportement du prisonnier Jean Mamy mérite l’admiration de la part de
tous les militants politiques, victimes désignées d’un régime abjecte,
larbin de la ploutocratie oligarchique mondialiste, qui libérera
violeurs, tueurs d’enfants et assassins de personnes âgées pour
embastiller tous ses opposants. Une grande et belle leçon de virtus à méditer !
Georges Feltin-Tracol http://www.europemaxima.com/?p=3466
• Frédéric-Georges Roux, Mon père, Jean Mamy. Le dernier fusillé de l’Épuration, Auda Isarn, 2013, 261 p., 23 €.
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