dimanche 8 décembre 2013

Découvrez Jean Mamy ! par Georges FELTIN-TRACOL

Sous le pseudonyme de Paul Riche, Jean Mamy, scénariste et producteur réputé des années 1930, réalise en 1942 le moyen métrage Forces occultes, un film ouvertement anti-maçonnique. Lui-même franc-maçon repenti – il fut vénérable d’une loge -, Jean Mamy, mobilisé en 1939 – 1940, ne cache pas son désarroi devant l’inexpérience des soldats français, leur faible moral, la vétusté du matériel, l’obsolescence de l’armement, la médiocrité du commandement. La défaite de 1940 ne l’étonne finalement pas.
Constatant la portée délétère des idées qu’il a soutenues jusqu’à cette date, cet ancien syndicaliste cinématographique devient rapidement rédacteur en chef de deux journaux collaborationnistes de gauche, Le Pilori et L’Appel, avant de se rapprocher des cénacles de Vichy. Sous l’influence d’un personnage trouble, probable agent triple, Jean Mamy se fait l’auxiliaire des services de renseignement allemands contre les résistants, en particulier si ceux-ci sont d’obédience communiste.
Arrêté à la « Libération », jugé pour collaboration, condamné à mort, il est fusillé, après le rejet de sa demande de grâce à Vincent Auriol, président socialiste de la IVe République, le 28 mars 1949. On peut penser que ses anciens frères en loge ne lui pardonnèrent pas d’avoir dévoilé – et donc désacralisé – secrets et rites maçonniques…
Cette vie kaléidoscopique est décrite, maints documents (dont de nombreuses lettres) à l’appui par son fils naturel, Frédéric-Georges, qu’il eut avec sa maîtresse, Jeanne Roux. L’auteur a peu connu ce père prisonnier. Il n’en décrit pas moins son incroyable parcours. En ces temps de repentance systématique quasi-obligatoire, Frédéric-Georges Roux, ne juge pas, n’absout ni ne blâme : il veut surtout comprendre pourquoi son père, homme de plume et de cinéma, paya de sa vie alors que d’autres, plus compromis encore, y échappèrent.
La partie la plus tonique de l’ouvrage concerne ses cinq années d’enfermement. Jean Mamy aurait pu se morfondre, se négliger, s’apitoyer sur son sort. Non, sans craindre le lendemain, il reprend l’écriture malgré le rationnement difficile en papier et en encre, et son régime de détenu.
Jean Mamy correspond beaucoup avec la femme qu’il aime, rédige des pièces de théâtre, des scénarii, des poèmes (Les Barreaux d’or), des essais (La Cuve à serpents, propos du sous-sol en 1947) ainsi qu’un ouvrage politique en 1949 (Vers l’altruisme autoritaire). Il se préoccupe enfin de son procès et de ses appels successifs sans perdre espoir, sans le moindre fatalisme, il se conforme à sa nature jusqu’au matin fatidique de l’ultime jour.
Le comportement du prisonnier Jean Mamy mérite l’admiration de la part de tous les militants politiques, victimes désignées d’un régime abjecte, larbin de la ploutocratie oligarchique mondialiste, qui libérera violeurs, tueurs d’enfants et assassins de personnes âgées pour embastiller tous ses opposants. Une grande et belle leçon de virtus à méditer !
• Frédéric-Georges Roux, Mon père, Jean Mamy. Le dernier fusillé de l’Épuration, Auda Isarn, 2013, 261 p., 23 €.

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