mardi 12 novembre 2013

Okinawa : la « bataille Ragnarök » (1er avril – 21 juin 1945) par Rémy VALAT

En mémoire du soldat Tsukamoto Sakuichi, mort au combat à Okinawa (1945)
塚本作一氏を偲んで
Il y a 68 ans s’est déroulée sur l’île d’Okinawa une des batailles les plus sanglantes de la Seconde Guerre mondiale. Les habitants de l’île, retournée sous la souveraineté du Japon en 1972, vivent dans le souvenir de cette bataille et subissent au quotidien les conséquences de celle-ci : présence de l’armée américaine d’occupation, à la fois fardeau financier et source de crimes sexuels, un sol miné par 2 100 tonnes d’obus encore intacts, des séquelles psychologiques et morales. En un mot, le Japon paye encore le prix de la défaite face aux forces alliées en septembre 1945.
Une île martyre…
L’île est encore occupée par un fort contingent de troupes de marine américaines, bien que 9 000 soldats vont être prochainement déplacés sur l’échiquier de la zone Pacifique, en application des accords bilatéraux nippo-américains, récemment révisés, sur le redéploiement des forces américaines stationnées à Okinawa (2006). Les États-Unis vont relocaliser une partie de leurs unités à Guam et à Darwin (Australie). Ces mouvements sont une réponse à la montée en puissance de la flotte de guerre chinoise au sud et à l’est de la Mer de Chine, flotte qui mène d’audacieuses actions de déstabilisations près des îlots dont ils revendiquent la souveraineté (les îles japonaises Senkaku). La stratégie navale chinoise aurait pour ambition de prévenir la présence de porte-avions américains, par la construction de bâtiments de la même catégorie et l’amélioration de son équipement en missiles balistiques anti-navires : la dispersion des unités américaines aurait pour objectif de multiplier les cibles potentielles et de créer une nouvelle donne stratégique. Les unités restantes (9 000 hommes environ) aurait pour zone d’intervention l’Asie du nord-est (péninsule coréenne et façade orientale de la Chine comprise), celle de Guam la zone du Pacifique ouest, et enfin, celle de Darwin, le sud de la Mer de Chine et l’Océan Indien. La présence de la 3e force expéditionnaire du corps des Marine (IIIrd Marine Expeditionary Force) (1) et d’une formation équivalente à un régiment (les 2 200 hommes du 31st Marine Expeditionary Unit) est jugé indispensable par les autorités américaines qui considèrent l’île comme une « position clé de la ligne de front (key frontline base) face à la Chine et à la Corée du Nord. Washington a aussi argué que cette nouvelle répartition faciliterait les interventions humanitaires américaines en cas de catastrophe naturelle majeure dans la zone du Pacifique, ce qui ne peut laisser le gouvernement japonais indifférent après le désastre du 11 mars 2011.
Or la population tolère de moins en moins le coût financier et la présence de l’armée américaine dans l’île, dont 10 % du territoire est affecté aux installations militaires. La soldatesque commet régulièrement des actes de délinquance et les habitants subissent les nuisances des entraînements, et aussi un certain mépris des autorités états-uniennes pour leur sécurité. 24 Osprey MV-22, appareils destinés au remplacement des hélicoptères de transport de troupes CH-46 ont été officiellement choisis pour leurs meilleures capacités techniques comparativement aux hélicoptères CH-46 (vitesse double et capacité de portage triple). Leur rayon d’action (3 900 km) permettrait une rapide projection de troupes sur la péninsule coréenne. Mais, les déficiences techniques à répétition ayant occasionné le décès des personnels embarqués (Maroc, Floride et le 5 août 2013 sur une base américaine d’Okinawa) inquiètent les habitants et autorités locales qui se sont opposés vigoureusement à leur arrivée. Les Okinawaiens font également obstacle au déménagement de la base aéronavale de Futenma (qui doit être réinstallée dans la la baie de Henoko). Cette résistance passive, qui rappelle sur la forme celui du « Mouvement d’opposition à l’extension du camp du Larzac » des années 1970 : un noyau de militants, soutenus par la population, se relaient en permanence sur le chantier pour empêcher la progression des travaux. S’ajoute à cela le fléau des viols perpétrés régulièrement et en quasi-impunité (en raison de l’extra-territorialité des polices militaires) depuis 1945 par des soldats américains (118 viols ont été commis par des GI’s entre 1972 et 2008, selon un décompte de l’association des femmes d’Okinawa contre la violence militaire, réalisé à partir de rapports de police et de la presse locale (2). Ce phénomène récurrent (deux marins américains ont été condamnés cette année par un tribunal japonais à 9 et 10 ans de prison pour le viol en octobre 2012 d’une habitante de l’île) a obligé l’état-major des marines a décrété un couvre-feu pour ses hommes.
L’actualité entretient le souvenir douloureux de la Seconde Guerre mondiale, la bataille est ancrée dans les mémoires, et aussi souvent dans les chairs. L’année dernière (le 23 juin 2012, en marge des cérémonies officielles) des contemporains de l’affrontement ont relaté leur histoire. « Maman, je suis encore venue te voir cette année », susurre une habitante de Naha, Keiko Oshiro (68 ans). Nourrisson en 1945, Oshiro ne se souvient pas du visage de sa jeune mère, Tomi, âgée de 21 ans, atteinte à l’épaule par une balle alors qu’elle l’alimentait au sein. Selon le témoignages de proches, Tomi serait décédée dans une des grottes servant d’abris et d’hôpitaux aux militaires et aux civils. Lorsque le nom de sa mère a été gravé sur l’un des murs du Mémorial en 1995, Oshiro a pu commencer à faire le deuil de cette disparition… Fumi Nakamura (79 ans), une habitante du village de Nakagusuku est également venue rendre hommage à son père, mort de la malaria dans un camp des prisonniers. Résidant à proximité d’un aérodrome militaire américain, Nakamura déclare se crisper lorsqu’elle entend le rugissement du moteur des avions…
On comprend, à la lecture des récits de ces témoins que les habitants de l’île souffrent encore des conséquences de cet épisode de leur histoire : la guerre est restée quelque part en eux. En août 2012, 40 résidents de l’île (survivants ou membres de la famille des victimes) ont décidé d’ester contre le gouvernement : ils réclament un dédommagement financier et moral (une compensation financière de 440 millions de yen et des excuses officielles) pour les souffrances endurées pendant la Seconde Guerre mondiale, soulevant au passage la douloureuse question de l’implication des civils dans la bataille. Cette réclamation s’insère dans un mouvement plus large de reconnaissance des excès de l’armée impériale commis à l’encontre des habitants pendant la guerre.
Okinawa est une île marquée par l’Histoire… De par sa position géostratégique, et les derniers développements dans la région le confirment, l’île reste et restera une pièce maîtresse de l’« échiquier nord-américain» dans la région, notamment en raison de l’importance militaire des îles Nansei, passage obligé pour la marine de guerre chinoise voguant vers le Pacifique. Okinawa est un « porte-avion fixe » et une base avancée de l’armée américaine faisant face au continent est-asiatique. Pour ces raisons, les États-Unis ne sont pas prêts de retirer leurs troupes d’une position aussi importante, de surcroît acquise par la mort au combat de milliers de GI’s et de marines, au cours de ce qui a probablement été la bataille la plus sanglante de la bataille du Pacifique. Bataille ayant eu également pour conséquence (même si ce n’était pas la raison première), les bombardements atomiques de Hiroshima et de Nagasaki… Position qui cependant pourrait légitimement défendue par les forces japonaises elles-mêmes, si l’article 9 de la Constitution venait enfin à être modifié et redonnerait au Japon (troisième puissance économique mondiale) sa dignité et sa place comme grande puissance à part entière. De grands espoirs sont portés sur le Premier ministre Abe Shinzô qui œuvre en ce sens dans un contexte international devenu favorable (3).
La bataille : enjeux, unités engagées, déroulement des opérations et bilan des pertes humaines
Okinawa est une bataille majeure de la guerre Asie – Pacifique : l’ « Opération Iceberg », nom de code donné à l’automne 1944 par l’état-major américain au plan d’invasion des îles Ryûkyû, est l’opération amphibie ayant mobilisé le plus de moyens humains et matériels sur le front Pacifique depuis 1941. Pour la seconde fois, l’armée impériale japonaise va défendre le sol national avec opiniâtreté et courage (Iwo Jima est tombée le 26 mars). Surtout, il s’agit d’empêcher l’armée américaine de contrôler les deux bases aériennes de l’île (Yontan et Kadena), autant de facilités pour les flottes de bombardiers stratégiques d’atteindre les îles principales du Japon et sa capitale (550 km environs séparent les deux archipels). Okinawa prise, les troupes américaines pourraient y stationner en prévision de l’invasion du Japon, programmée pour le printemps 1946 (Opération DownFall).
Les troupes alliées, très majoritairement américaines (la contribution britannique et des pays du Commonwealth, plus modeste, est navale et logistique) sont appuyées par une importante marine de guerre. L’armée d’invasion (la Xe armée), de plus de 180 000 hommes ayant une expérience du feu inégale, a été subdivisée en deux corps d’armée et en unités de réserve : le IIIe corps amphibie, composé de deux divisions de marines (1re et 6e divisions); le XXIVe corps d’infanterie (7e et 96e divisions d’infanterie), et en réserve la 2e division de marines ainsi que les 27e et 77e divisions d’infanterie. Cette armée est dirigée par le général Raymond A. Spruance.
L’armée japonaise (la 32e armée, composée de deux divisions d’infanterie  – 24e, 62e divisions – et d’une brigade mixte indépendante), d’un effectif avoisinant 70 000 combattants. La 62e division est une unité aguerrie ayant combattu en Chine. Ce corps principal a été renforcé par des unités à terre de la marine (9 000 hommes), des habitants des îles Ryûkyû réquisitionnés comme combattants ou comme auxiliaires du génie (39 000 individus) et des formations plus modestes composées de lycéens servant de coursiers, de miliciens ou affectés aux hôpitaux de campagne. Les forces navales sont inexistantes ou presque et les forces aériennes reposent sur les unités de Tokubetsu kôgeki-tai (特別攻撃隊), les kamikaze. Comme le firent les officiers commandant les positions de Tarawa ou d’Iwo Jima, les troupes japonaises se sont fortifiées et cantonnées dans des positions souterraines aménagées, construites le plus souvent avec les seuls outils individuels du fantassin (pelle, pioches), un éclairage sommaire et dans des conditions sanitaires pénibles d’un sous-sol volcanique (chaleur et humidité). Les soldats-ouvriers ont ainsi creusé un dense réseau de tunnels de communication et d’installations connectés entre-eux et équipés de discrets systèmes de ventilation. Cette défense a été conçu pour compenser la nette supériorité de la puissance de feu de l’armée d’invasion (aviation, marine et infanterie). D’un point de vue tactique, les fantassins japonais, outre leur valeur intrinsèque, disposent de lance-grenades à tir courbe, très utiles en défense.
Avant les opérations terrestres du printemps 1945, l’île a été intensément bombardée : lors du raid du 10 octobre 1944, l’aviation stratégique américaine procède à 1 400 sorties et a lancé 600 tonnes de bombes sur les installations portuaires de Naha et les positions de l’armée. 65 000 civils périrent. Le Jour J, le principal débarquement américain (1er avril 1945) se déroule sans opposition et fait suite aux attaques des îles Kerama et des îlots de Keise prises d’assaut respectivement les 26 et 31 mars.
Sur mer, les unités déployées le long de la côte subissent, à partir du 6 avril, des attaques massives et répétées des unités aériennes de kamikaze : entre le 26 mars et le 30 avril, 20 bâtiments lourds sont coulés et 157 unités ont été endommagées; l’armée de l’air japonaise perd 1 100 appareils… Du début des raids massifs au 22 juin, 1 465 unités de kamikaze ont été engagées avec pour cibles privilégiées : les porte-avions. Dans le même esprit, le cuirassé Yamato (le bâtiment était escorté par 8 destroyers), lancé dans une attaque suicide contre l’U.S. Navy, est coulé par l’aviation embarquée américaine (7 avril) sans avoir pu faire le moindre dégât à la flotte de débarquement alliée. Sur une échelle stratégique générale (période du 3 mars au 16 août 1945), les forces aériennes de l’armée de terre et de la marine japonaises ont perdu 2 571 pilotes et aéronefs; la flotte américaine recense 13 navires coulés (dont 9 destroyers) et un grand nombre de navires sérieusement endommagés (9 cuirassés, 10 porte-avions, 4 croiseurs, 58 destroyers et 93 navires de différentes catégories).
Sur terre, les unités américaines ont lancé l’offensive sur deux axes après leur débarquement sur les plages de Hagushi (au nord de Naha). La partie nord de l’île est tombée assez rapidement : les aérodromes, enjeux de la bataille, ont été capturés peu après le débarquement (Kadena et Yomidan); le 21 avril, un aérodrome est rendu opérationnel sur l’île de Ie. Le 18 avril, la résistance nippone n’est plus que sporadique et locale dans cette partie de l’île.
Mais, comme à Iwo Jima, Ushijima a concentré et fortifié ses unités sur un terrain difficile et c’est dans la partie sud de l’île que va se livrer une sanglante guerre d’usure, proche des combats de la Grande Guerre en Europe. Les positions méridionales de l’île d’Okinawa ont été renforcées et les unités japonaises défendent le terrain pied à pied, avec l’énergie du désespoir et au prix de pertes humaines importantes. Le 12 avril, les unités japonaises contre-attaquent nuitamment avant d’être repoussées et récidivent le 14 avril avec un même résultat. L’offensive américaine reprend, après une relève des unités les plus marquées par l’attrition. La dernière contre-attaque japonaise, le 4 mai, échoue également : mise à découvert, l’artillerie mise en batterie pour appuyer l’assaut a été partiellement anéantie par les canons lourds américains. En juin, sous une pluie continuelle (le phénomène de « mousson japonais », le « tsuyu »), la bataille fait rage autour de la position dite du « Shuri Castle »; celle-ci tombée, la 32e armée se replie, fin mai, encore plus au sud et se positionne sur sa dernière ligne de défense, dans la péninsule de Kiyan. Le dernier carré japonais (environ 40 000 hommes) se bat avec l’énergie du désespoir : face à l’attaque de la 6e division de marines, 4 000 marins japonais (dont l’amiral Minoru Ota) se suicident dans les constructions souterraines leur servant de quartier-général (13 juin).
Le 21 juin se livrent les derniers combats d’importance : les généraux Ushijima et Chô se donnent la mort par éventration dans leurs quartiers généraux de la cote 89. Jusqu’en août 1945, des éléments isolés poursuivaient encore le combat contre l’armée américaine en différents points de l’île.
Les pertes humaines sont sans précédent sur le front du Pacifique : l’armée américaine déplore 62 000 hommes mis hors de combat (dont 12 500 tués ou portés disparus), à titre de comparaison 58 000 GI’s trouveront la mort au Vietnam entre 1967 et 1973… L’armée japonaise déplore 95 000 morts au combat ou s’étant donné la mort par seppuku ou à l’aide d’une grenade à main (voir l’épisode poignant du film de Clint Eastwood, Letters from Iwo Jima, montrant la mort de soldats japonais selon ce procédé). 7 400 soldats japonais ont été faits prisonniers. Les pertes humaines au sein de la population civile sont estimées être entre 42 000 et 150 000 tués; mais les statistiques officielles de l’armée américaine – qui prennent en considération les civils réquisitionnés – avancent le chiffre de 142 058 victimes (soit ? de la population).
Suicides volontaires ou sacrifice programmé ? Un phénomène d’implication totale de l’individu impliquant les militaires…
La bataille d’Okinawa frappe encore les imaginations par les suicides de masse de combattants et de civils, mais aussi par la détermination des combattants (attaques nocturnes au corps-à-corps, collision volontaire de pilotes kamikaze sur les bâtiments de la flotte américaine, flottilles de bateaux suicides, sortie du cuirassé Yamato).
L’histoire des kamikaze a fait coulé beaucoup d’encre. Les morts volontaires de pilotes japonais (et américains) dans le Pacifique étaient avant cela des actes héroïques et isolés, d’hommes aux commandes d’un engin sérieusement endommagé et se trouvant dans une situation sans issue. Dès 1942, des pilotes japonais se sacrifient dans de semblables situations et l’idée d’attaques suicides massives chemine dans les esprits en raison du renversement de la situation militaire. La 201e escadrille est la première formation de volontaires a avoir été formée dans ce but et engagée pendant la bataille de Leyte (la première mission se déroule le 25 octobre 1944). Selon Raymond Lamont-Brown, les pilotes auraient eu différents profils à différents moments de leur implication dans la guerre; des profils qui auraient évolués dans le temps. Dans un premier temps se seraient engagés uniquement des volontaires, patriotes fervents, romantiques et inspirés par l’esprit de la chevalerie japonaise : ce sont eux qui instituent les pratiques et les rituels attribués aux kamikaze (écriture de testaments et de poèmes, port d’attributs patriotiques et faisant référence à l’esprit guerrier japonais, la consommation de la dernière coupe de saké, etc.). Les générations suivantes de volontaires auraient eu des motivations plus « rationnelles » : ces jeunes hommes sont souvent des étudiants dont la formation a été interrompue par la guerre ou plus généralement des individus ayant reçu une excellente éducation (85 % étaient lycéens ou étudiants). La lettre de Sasaki Hachirô ci-dessus témoigne d’une grande maturité, mais aussi et surtout d’une forme de résignation : on se sacrifie par devoir, par nécessité… À l’extrême fin de la guerre, toujours selon Raymond Lamont-Brown, d’autres jeunes pilotes auraient été recrutés parmi les délinquants ou des personnes dont le comportement les mettaient en marge de la société. Il est difficile de prendre pour argent comptant une telle catégorisation, mais il est probable qu’il y ait eu une « dépréciation » de la qualité morales des pilotes (des volontaires éduqués aux exclus de la société) en raison du manque de candidats à la mort… La jeunesse (17 ans pour certains) et le niveau d’éducation élevé des kamikaze montre la volonté consciente ou non des autorités militaires à priver la nation d’un futur… Il témoigne aussi peut-être d’une forte intériorisation des valeurs patriotiques apprises, notamment (mais pas seulement) en milieu scolaire. Pendant la bataille d’Okinawa les pilotes étaient aux commandes de chasseurs de combats ou de bombardiers-torpilles (ohka). Ils ont été engagés dans 10 raids majeurs contre la flotte américaine (6 avril – 2 juin 1945). Sur mer, des navires-torpilles, basés dans l’île de Kerama, n’ont pu être engagés et ont été détruits dans leurs installations par les soldats de la 77e division américaine et le cuirassé Yamato, nous l’avons vu, a été coulé avec 4 destroyers de son escorte.
Enfin, sur terre, l’armée impériale se livre à des attaques nocturnes ayant pour objectif d’engager l’ennemi en limitant les effets ravageurs de sa puissance de feu. On constate pendant la bataille que, comme pendant la Grande Guerre, l’usage d’une puissance de feu considérable ne peut empêcher la confrontation directe et rapprochée des infanteries ennemies. Celle-ci est souvent d’une brutalité multipliée, parce que fondée sur la recherche du corps-à-corps en réponse à la volonté d’annihilation par les armes de destructions massives (exemple des Stosstruppen de la Première Guerre mondiale). Le soldat japonais s’est bâti une solide réputation de combattant résolu autant pour cette raison que pour sa valeur intrinsèque. Toutefois, la détermination des soldats nippons est une composante de la stratégie des armées alliées qui a pris en considération ce « facteur ». Le maréchal William Slim, commandant des forces alliées en Inde aurait déclaré : « Tout le monde parle de se battre jusqu’au dernier homme, mais actuellement seuls les Japonais le font ». Si les « charges banzai » ont eu un impact moral sur les combattants alliés, les moteurs psychologiques de celles-ci sont plus complexes qu’il n’y parait. Dans son ouvrage, Joanna Bourke (4) souligne l’importance de l’action de « tuer ». Sans minorer l’importance des facteurs et effets psychologiques collectifs (camaraderie, propagande, diabolisation de l’ennemi) et individuels, essentiellement la peur de la mort, cette étude apporte un éclairage significatif l’« intimité » de l’homicide en temps de guerre, la mort donnée au contact de l’ennemi. Les représentations de l’acte de tuer, bâtie souvent sur une éducation, une vision romantique de la guerre ou instrumentalisée par la propagande, tiennent une place importante; et bien souvent l’attaque à la baïonnette ou à l’arme blanche, est considérée être la plus virile et prend une dimension mythique (au Japon le « mythe du samurai »), que renforce le « culte de l’offensive » prôné par l’état-major (qui rappelle la doctrine française des premiers mois de la Grande Guerre). L’entraînement et la discipline (très difficiles dans l’armée impériale japonaise) stimulent le sentiment d’agressivité tout en se mariant aux représentations positives (le mythe du guerrier/« nous ») et négatives (dévalorisation de l’ennemi/« eux ») : l’accent est mis sur les comportements instinctifs et les pulsions primales. Ces facteurs « théoriques » prennent une ampleur plus importante avec l’enchaînement des violences et le sentiment de livrer un combat désespéré.  Ces facteurs sont des pistes utiles à la compréhension des moteurs psychologiques externes et généraux sous-jacents aux attaques suicides, conduites dans un contexte militaire ayant pour horizon la défaite.
Le suicide individuel ou collectif à la grenade était une pratique de l’armée impériale en campagne, souvent le fait de soldats épuisés, grièvement blessés et d’aucune « utilité » militaire. Le sergent Nishiji Yasumasa, décrit une scène de mort collective dans la jungle birmane : « Il arrivait souvent que les soldats prennent leur propres vies par paires. Ils s’étreignaient et plaçaient une grenade entre eux. Nous appelions cela un suicide double. »
Les officiers supérieurs pratiquaient généralement l’éventration au sabre (exemple sus-mentionné des généraux Ushijima et Chô) ou livraient le dernier combat avec leurs hommes.
Les modes opératoires pourraient être divisés en deux catégories : celui du combattant en pleine potentialité (et correspondant aux normes admises par le groupe) et les autres. Les premiers se donnent la mort avec « noblesse » (seppuku, suicide des pilotes kamikaze) ou au combat avec des armes nobles et viriles (arme blanche, baïonnette); un combat visant au corps-à-corps. Concernant les pilotes d’avion, il pourrait s’agir ici d’une importation des valeurs martiales occidentales qui assimile le combat aérien à un duel chevaleresque (constatations de Joanna Bourke). Que se soit l’arme blanche ou les commandes d’un avion, l’« arme » (avion, sabre, baïonnette) est un prolongement de la main de l’homme : la mort est donnée par la volonté et l’aptitude du combattant à tuer. Il s’agit d’un acte jugé authentique. Les armes de projection (fusils, fusils-mitrailleurs, mitrailleuses, etc.) ou projetées (grenade à main) sont moins valorisantes (parce que utilisées à distance par un tireur susceptible d’atteindre sa cible à l’insu de celle-ci), c’est pourquoi, elles sont utilisées par les combattants ne se trouvant plus en mesure de se battre. Il y a peut-être, au regard de ces constatations, une dimension culturelle et symbolique dans ces actes. Une dimension que nous replacerons dans un contexte général, en infra.
Il est surtout intéressant de constater le phénomène de contagion de la pratique et des méthodes suicidaires des militaires aux civils.
… Et, par contagion, les populations civiles
C’est surtout l’implication directe des civils dans la bataille, phénomène majeur de la Seconde Guerre mondiale (et déjà constaté pendant la Grande Guerre) qui marque encore les esprits, même si en cela la bataille d’Okinawa ne constitue pas un précédent : celle de Saipan (15 juin – 9 juillet 1944), la préfigurait déjà. Pourquoi ? Parce que la prise de cette île signifiait le bombardement régulier du sol national… Le général Saito n’a fait aucune distinction entre civils et militaires dans les derniers moments de la bataille (préconisant que les premiers s’arment de lances en bambou) qui s’est conclue par une attaque suicide de grande ampleur. Dans le cas de la bataille de Saipan également, des civils se sont jetés du haut de falaises…
À la différence de la population d’Iwo Jima, qui a été évacuée sur l’ordre du général Kuribayashi, les habitants d’Okinawa ont dû rester sur place et ont été mobilisés pour des travaux de terrassement et comme combattants. D’ailleurs une population aussi nombreuse aurait-elle pu être déplacée, compte tenu de l’état de délabrement de la flotte japonaise, après plus de trois années de guerre dans le Pacifique ?
La population a souffert des excès de militaires (confiscation de nourriture, exécution d’habitants soupçonnés d’espionnage en raison de la différence de leur dialecte) et des conditions sanitaires. Si une frontière perméable exista entre le statut de civil et de combattant (Jean-Louis Margolin les qualifient de « civils militarisés »), c’était autant pour des motifs opérationnels qu’idéologiques (une nation unie contre l’envahisseur) : les habitants de l’île sont des auxiliaires précieux en raison de leur connaissance du terrain, mais aussi, pratique peu honorable, comme chair à canons : si des soldats porteurs d’une charge d’explosif ont pu se faire passer pour des civils pour commettre des attaques suicides, les civils étaient souvent utilisés pour cette mission ou comme boucliers humains pour couvrir une attaque… Sur l’île d’Ie, des femmes armées de lances se sont opposées aux troupes américaines. Ailleurs, des collégiens ont été enrôlés dès l’âge de 13 ans et divisés en escouades, souvent armés de sabres, voire d’explosifs : leur mission dans ce cas était de se précipiter sur les chars américains ou d’aller au contact de l’ennemi. Imamine Yasunabu témoigne : « Il y eut un cas où le groupe avec qui j’étais aperçut 40 ou 50 militaires américains à peu près à 100 mètres. Nous priâmes notre professeur de nous permettre d’ouvrir le feu. À ce moment, nous disposions de fusils. Il refusa, et l’ennemi finit par disparaître sans que nous ayons eu une chance d’agir. Je fus à cette époque stupéfait du comportement du professeur. Maintenant, je le comprends. Il réalisait que le Japon était en train de perdre, et il ne voulait pas sacrifier ses élèves. Nous n’avions que 6 balles chacun. Si nous avions ouvert le feu, les Américains, bien équipés, nous auraient aisément anéantis. »
La similitude des décisions et du comportement des officiers supérieurs à l’endroit des populations civiles à Saipan et à Okinawa laissent supposer la possible existence de directives de l’état-major général à l’endroit des populations civiles (ce qui a été partiellement admis par le ministère de l’ Éducation japonais en 2006), mais il ne fait aucun doute que celles-ci étaient considérées comme des « combattants ».
Enfin, sur ordre de l’armée, les habitants auraient été incités ou contraints de se suicider sur le modèle des militaires. Les suicides se sont produits par vagues, tout au long de la bataille : la première a eu lieue au moment du débarquement, voire dans certains cas, avant celui-ci, par crainte des représailles et des exactions américaines. Les circonstances ont été décrites par l’historien Jean-Louis Margolin : les responsables, civils ou militaires, organisèrent des regroupements communautaires (familles, voisins); les participants après un toast d’adieu se donnaient la mort (une personne dégoupillait une grenade au milieu d’un petit groupe de participants). Des témoins auraient assistés à des scènes d’horreur entre membres d’une même famille : assassinat à l’arme blanche, matraquages à mort, lapidations…
Komine Masao (77 ans en 2007), un survivant des suicides compulsifs de l’île de Tokashiki, raconte (propos recueillis par Kamata Satoshi, le narrateur dans l’extrait qui suit) : « Monsieur Komine m’a montré une grotte d’évacuation [des populations] construite à flanc de colline. Il avait 15 ans au moment de la bataille, et avec l’aide de son jeune frère (qui avait atteint le premier grade [sic]), il l’a creusé pour que sa famille puisse y trouver refuge. La cavité était large de 3 mètres et profonde de 10 mètres. À l’intérieur, Masao, sa grand-mère , tantes et autres parents y ont trouvé refuge des attaques aériennes et des tirs de l’artillerie de marine, mais le 28 mars, le jour suivant le débarquement américain dans l’île, ils se rendirent à Nishiyama, désigné comme un “ point de rassemblement ”. Ce jour-là, des grenades ont été distribuées aux personnes réunies. Massao et ses parents s’assirent en cercle. Sa mère et sa sœur, qui étaient allées chercher du ravitaillement, à leur retour se joignirent au cercle. Sa mère étreignit ses enfants comme s’ils étaient deux jeunes oisillons. Alors le cercle de chaque famille se resserra, se pressant les uns contre les autres et les grenades détonnèrent. Des explosions assourdissantes se firent écho et les gens crièrent. À cet instant, un feu de mortier américain s’abattit sur eux. Comme il était un enfant, Masao n’a pas reçu de grenade, mais le milicien (“ local defense soldier ” dans le texte, ou bôeitai) près de lui en avait une et elle explosa. Sur le sol gisaient des gens recouverts de sang. Les corps allongés les uns sur les autres. Ce jour-là, 315 personnes moururent sur l’île de Tokashiki, soit le tiers de la population du village de Awaren. Les personnes en familles qui ne parvinrent pas à faire exploser leurs grenades s’entre-tuèrent à la faucille ou au rasoir, en se frappant avec des battes ou des rochers ou s’étranglèrent avec des cordes…Ceux qui encore en vie se pendirent eux-mêmes ».
Dans d’autres cas, les militaires accompagnent en les contraignant peut-être les civils dans la mort, comme en témoigne notamment le récit de Frank Barron, combattant de la 77e division d’infanterie. L’action se déroule à Kerama Retto, le 26 mars 1944 : « Comme nous atteignions le sommet du premier repli de terrain, j’ai réalisé que les fantassins autour de moi étaient pétrifiés. Aussitôt mon attention a été attiré par un groupe de civils. Sur notre droite, sur le rebord du précipice, une jeune femme portant un nourrisson dans ses bras, avec derrière elle, une autre jeune femme, précédée d’un enfant de 2 ou 3 ans. Elles étaient à 30 ou 40 pieds de moi, toutes les deux nous regardant fixement comme de petits animaux apeurés. À cet instant, apparu la tête d’un homme derrière les épaules de la femme (sic). Je n’ai pu seulement voir que sa tête et son cou, mais il avait un collet d’uniforme. Si cet homme a une arme, à savoir une grenade, nous serions réellement en situation périlleuse, à moins que nous n’ouvrions le feu et tuions l’ensemble des individus se trouvant sur cette colline. J’ai fait signe à l’homme de s’approcher de moi, tandis que je me déplaçai de quelques pas pour voir si il avait quelque chose à aux mains. En un instant, ils étaient tous évanouis. Si j’avais  fait quelques pas de plus, j’aurais pu voir leurs corps rebondir le long de la paroi jalonnant leur chute. »
Ailleurs, les suicides en masse se firent avec de la mort-au-rat, quand les grenades vinrent à manquer (île de Zamami, en ce lieu 358 civils trouvèrent la mort). Il y eu des cas, où des officiers poussèrent la population au suicide, puis se rendirent aux troupes américaines (îles de Tokashiki et de Zamami).
Cet ensemble de témoignages illustre le contexte d’extrême tension nerveuse dans laquelle se trouvait les habitants. Si il est impossible de connaître les mobiles exacts des personnes à s’entre-tuer ou à commettre l’acte suprême d’autodestruction. Les actes perpétrés par les uns et les autres sont révélateurs d’un contexte : il existe probablement une étude sur ces questions, mais pour saisir ces mécanismes, je renvoie à la lecture du livre d’Alain Corbin (Le village des cannibales), une analyse du massacre d’Hautefaye en 1870.
En définitive, cette tactique délibérée ou non a eu pour effet de raidir l’affrontement : les soldats américains préférant souvent ouvrir le feu, et même sur des enfants, que d’être victimes d’une potentielle attaque suicide.
Okinawa : une « bataille Ragnarök » dans une guerre totale ?
Nous pourrions qualifier l’affrontement d’Okinawa de « bataille Ragnarök », une bataille ultime, eschatologique (nous signalons au passage que cette dimension n’apparaît pas dans la mythologie japonaise). Pourquoi ?
Tout d’abord parce qu’elle se déroule sur le sol national, comme à Iwo Jima. Il ne s’agit plus d’îles lointaines comme auparavant. Nous sommes dans le contexte des bombardements de Tôkyô, celui de la nuit du 9 au 10 mars (20 jours avant l’attaque générale sur Okinawa), surpasse en victimes et en intensité celui de Dresde (100 000 victimes de bombes incendiaires lancées de manière à provoquer un maximum de dégâts sur la population et leurs habitations, 30 km2 de surface urbaines ont été détruits). En cette fin de conflit (commencé en 1937), la violence devient quasi-paroxystique et le nombre des pertes humaines augmente sensiblement (186 000 combattants jusqu’en 1941, puis 2 millions, dont 400 000 civils entre 1942 et 1945).
Les officiers supérieurs (et probablement une large partie de la population) ont conscience de livrer une bataille perdue d’avance… Le capitaine Koichi Itoh a déclaré, lorsqu’il a été interrogé sur ces événements plusieurs années après : « Je n’ai jamais envisagé, après le commencement de la guerre, que nous puissions la gagner. Mais après la chute de Saipan, je me suis résolu à admettre que nous l’avions perdue. »
Quelque puisse être le mobile, l’honneur, la défense de la patrie, différer l’invasion américaine, etc., la guerre est perdue et l’on redoute la ire du vainqueur (le sentiment de peur est entretenu par la propagande) et peut-être la fin d’une vision du Japon.
À cela s’ajoute des facteurs internes, tout d’abord le rôle de la propagande. Si cette dernière a pu être intériorisée par les combattants japonais (et en particulier sur les officiers) et peut-être les plus jeunes habitants d’Okinawa, son impact est difficile à déterminer, mais les acteurs ont dû se positionner par rapport à elle. De la lucide méfiance (dans sa lettre Sasaki Hachirô qualifie de « litanies creuses » les discours des « chefs militaires ») à l’adhésion sincère et naïve (dans son journal personnel un jeune habitant d’Okinawa de 16 ans qualifie les Américains de « Bêtes démoniaques », plusieurs passages du texte répète son patriotisme et son attachement au Japon au point de donner sa vie), la palette des motivations a pu varier dans le temps. Les femmes et les enfants qui se donnent la mort « à chaud » dans la bataille n’ont probablement pas suivi le même « raisonnement » qu’un pilote de kamikaze qui « à froid » décide de se porter volontaire pour une mission sans retour.
Ces suicides marquent aussi un refus de la réalité, de la défaite et de ses possibles conséquences. D’autant et bien qu’occulté par l’ampleur du nombre des suicides parmi les civils, il apparaîtrait aujourd’hui que, comme sur le sol français (et à une échelle moins importante que l’armée russe en Allemagne au printemps 1945), des soldats américains aient violé des habitantes de l’île (peut-être 10 000 cas).
Cette bataille (par un phénomène déjà constaté dans d’autres engagements nippo-américains dans le Pacifique et en particulier à Saipan) prend une dimension symbolique : le Japon offre la valeur (et les valeurs traditionnelles) de ses combattants aux moyens impersonnels et techniques de l’armée américaine… Cette interprétation paraît résulter autant d’une décision pragmatique sur le champ de bataille que d’une interprétation dépréciative sur la combativité du soldat américain. L’exemple des femmes armées de lance (à l’instar des « fédérés » de la Révolution française, mais aussi parce que les armes longues sont généralement l’apanage des femmes au Japon, par exemple le naginata) symbolise l’engagement total d’un peuple (les femmes étant généralement tenues éloignées du métier des armes) pour défendre son sol, teintés de la part de quelques officiers d’une forme de mépris de la vie humaine. La dimension symbolique se retrouve peut-être également dans les suicides de mères et de leurs enfants du haut des falaises d’Itoman, peut-être un répétition involontaire et inconsciente du sacrifice du jeune empereur Antoku, précipité dans les flots par sa grand-mère Nii qui l’accompagne dans la mort lorsque la bataille navale de Dan-no-Ura (1185) a été perdue pour le clan Taira (face aux Minamoto qui instaureront le premier shôgunat).
Si ces facteurs ont motivés les suicides compulsifs (coercition des militaires, propagande et l’éducation données aux jeunes habitants de l’île dans le cadre d’une politique d’assimilation), on recherche aussi échapper à l’ennemi et la mort paraît être le seul refuge, comme pour les défenseurs de Massada… On redoute la culpabilité et l’infamie pour avoir préféré le déshonneur de vivre et d’endosser une partie de la responsabilité de la défaite… On retrouve un écho de cet état d’esprit (notamment dans la littérature et les mangas) dans la jeune génération n’ayant pas pris les armes de l’après-guerre… Les arguments culturels ont été avancés, le code de l’honneur du « bushidô » (en réalité une construction intellectuelle à destination des Occidentaux) notamment… Mais que penser de la lettre de Ichizu Hayashi, pilote de confession chrétienne ? On se rend bien compte qu’il est quasi-impossible de comprendre totalement le phénomène.
En 1944, le Japon était entré, selon l’expression de Maurice Pinguet, dans l’« engrenage du sacrifice » : « Dans la guerre du Pacifique, l’armée japonaise avait mis son existence en jeu, la défaite serait sa mort – ce serait donc aussi la mort du Japon : elle s’identifiait trop étroitement à la nation pour imaginer une autre conclusion. » Cela, je pense, résume bien ce qui s’est déroulé à Okinawa à une échelle ayant atteint quasiment son paroxysme.
Notes
1 : L’accord initial prévoyait, selon une source rendue disponible par la marine américaine en 2009, le départ de l’état-major du IIIrd M.E.F. pour Guam. Cette structure est un élément singulier des forces américaines outre-mers : elle est dirigé par un lieutenant-général qui commande les forces américaines sur l’île et sert de coordinateur pour la « zone d’Okinawa ».
2 : Cf. http://japon.aujourdhuilemonde.com/au-japoncontre-les-viols-des-soldats-americains-les-femmes-lancent-un-cri-dalarme
3 : Le 28 août dernier, le ministre de la Défense japonais, Itsunori Onodera et le secrétaire d’État à la Défense nord-américain, Chuck Hagel, ont entamé une discussion en faveur d’une possibilité pour les forces aériennes d’autodéfense japonaise d’effectuer des frappes préventives sur des bases ennemies (c’est-à-dire contre la Corée du Nord).
4 : Joanna Bourke, Intimate Story of Killing. Face-to-Face Killing in Twentieth-Century Warfare, Londres, Granta, 1999. Cette étude aborde aussi la guerre du Pacifique, bien que centrée sur la Première Guerre mondiale.
Bibliographie
• Astor Gerald, Operation Iceberg. The invasion and conquest of Okinawa in World War II, World War II Library, 1995.
• Daily Yomiuri (The), 24 juin et 16 août 2012.
• Kakehashi Kumiko, Lettres d’Iwo Jima. La plus violente bataille du Pacifique racontée par les soldats japonais, Les Arènes, 2011.
• Lamont-Brown Raymond, Kamikaze. Japan’s suicide samurai, Cassell Military Paperbacks, 1997.
• Margolin Jean-Louis, Violences et crimes du Japon en guerre (1937 – 1945), Hachette, Pluriel, 2007.
• Pinguet Maurice, La mort volontaire au Japon, Tel – Gallimard, 1984.
• Rabson Steve, The Politics of Trauma. Compulsory Suicides During the Battle of Okinawa and Postwar Retrospectives, http://intersections.anu.edu.au/issue24/rabson.htm.
• U.S. Army in the World War II. The War in the Pacific. Okinawa The last battle,www.ibiblio.org/hyperwar/USA/USA-P-Okinawa/USA-P-Okinawa.
Concernant les violences et leur dimension psychologiques en temps de guerre, voici quelques pistes de lectures :
— Alain Corbin, Le village des cannibales, Aubier, 1990.
— Christopher R. Browning, Des hommes ordinaires, le 101e bataillon de réserve de police allemande et la solution finale en Pologne, Belles Lettres, 1994, (chapitre « Des hommes ordinaires »).
— Louis Crocq, Les traumatismes de guerre, Odile Jacob, 2006.
— Jacques Sémelin, Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et des génocides, Le Seuil, 2003.
— Rémy Valat, Les calots bleus et la bataille de Paris. Une force de police auxiliaire pendant la guerre d’Algérie, Michalon, 2007 (chapitre « Salah est mort ! Les moteurs psychologiques d’une unité en guerre »).

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