Il y a
quelques années, lorsqu’on voulait montrer à un étudiant à quel point la
vérité pouvait être éloignée des élucubrations partisanes, on lui
donnait à lire les ouvrages de Pierre Gaxotte. Ceux-ci, à bien des
égards, conservent leur valeur. Toutefois, depuis 1933, date de parution
du Siècle de Louis XV, les historiens ont dépouillé des
milliers de liasses d’archives. En matière d’histoire économique, ils
ont étudié les fluctuations à périodes courtes et longues, et leurs
conséquences sur la vie du continent tout entier, y compris sur sa
démographie. Ils ont avec Roland Mousnier, élaboré le concept de société
d’ordres et étudié son évolution progressive vers la société de
classes. On ne peut plus, de nos jours, comprendre le XVIIIe siècle sans
avoir lu les grands livres de Michel Antoine (1) et d’Emmanuel
Leroy-Ladurie (2). Une mise à jour des brillants essais de Pierre
Gaxotte s’imposait. Elle se trouve réalisée avec ce livre de M. Aimé
Richardt.
Vivants portraits
Il séduit d’abord par ses qualités de style et par la clarté de sa présentation. Il comporte des chapitres courts, subdivisés en paragraphes, coiffés de titres ce qui est commode et on y trouve même, en annexe, deux documents d’histoire économique et sociale extraits d’archives provinciales ; un rappel des opérations militaires de 1756 à 1763 - ce qui allège le récit de noms et de dates de batailles - et enfin, en quelques pages, une claire généalogie, permettant d’éviter toute confusion : la descendance de Louis XV et de son fils le Dauphin Louis. Le livre de M. Richardt est un précis comme l’on disait autrefois, dans lequel les explications accompagnent les faits.
À la différence de l’école dite des Annales, qui a sévi longtemps, il attache beaucoup d’importance aux personnalités. De là de vivants portraits du roi, de son épouse, et bien sûr, de ses maîtresses. On devient indulgent à l’égard de Louis XV, marié trop jeune à une princesse plus âgée que lui, et l’on sait, grâce à une magnifique exposition, qui eut lieu il y a quatre ans, ce que furent le charme et la culture de Mme de Pompadour (3). Très vivantes également, sont les évocations du régent et du cardinal de Fleury, exemple de promotion sociale par la voie cléricale, au demeurant parfaitement justifiée. Tous les événements du règne sont présentés avec exactitude, ainsi la bataille de Fontenoy, mais ils sont accompagnés des critiques formulées notamment dans des chansons ou de petits vers moqueurs.
La révolution royale
S’il ne dissimule nullement les faiblesses et les hésitations de Louis XV, M. Richardt expose avec clarté la grandeur de l’œuvre qu’il ne réalisa malheureusement que sur le tard : la réforme du pouvoir judiciaire. Il expose, et il a raison de le faire de façon à la fois détaillée et très claire, la lutte acharnée qui mit aux prises le duc d’Aiguillon, exerçant depuis 1733, les fonctions de gouverneur de Bretagne, et le procureur général du Parlement de Rennes, La Chalotais, soutenu par ses confrères. L’importance de l’enjeu explique l’acharnement des parlementaires : ils prétendaient contrôler tous les actes, même les plus secrets, de l’administration royale, faire comparaître devant eux les agents du roi, et notamment statuer sur leur conduite. Ils voulaient faire de même des intendants, les meilleurs serviteurs du pouvoir, les rendre responsables devant les juges, comme en Angleterre, des actes effectués dans l’exercice de leurs fonctions.
Il apparut évident qu’il fallait ôter aux parlements et autres cours souveraines leurs pouvoirs touchant aux domaines politique et administratif. Il était de salut public d’opérer une modernisation, de confiner les tribunaux dans leurs fonctions judiciaires, de séparer la justice de l’administration, de libérer l’État pour ses tâches propres.
La révolution royale eu lieu dans la nuit du 19 au 20 janvier 1771, et M. Richardt en précise les grandes lignes. L’Édit du 23 février, portant création des Conseils supérieurs était excellent. Mais, il mécontentera bien du monde, à commencer par les bénéficiaires du régime antérieur, ainsi qu’une opinion aveugle. Et l’on vit partir dans l’opprobre, le 12 mai 1774, ce roi qui avait vu et tenté le bien, et à qui il n’avait manqué, sans doute, qu’une lourde poigne de despote éclairé pour être acclamé et aimé...
Le livre de M. Richardt, bien informé et écrit, constitue une bonne synthèse concernant le règne de ce roi fort injustement mal aimé.
René Pillorget L’Action Française 2000 du 18 au 31 janvier 2007
(1) Michel Antoine : Le cœur de l’État. Surintendant, contrôle général et intendances des finances, 1552-1791. Éd. Fayard, 2003.
(2) Emmanuel Leroy-Ladurie : Histoire des paysans français. De la Peste noire à la révolution. Éd. du Seuil, P.U.F., 2002.
(3) Exposition : Madame de Pompadour. Réunion des Musées nationaux, 2002.
* Aimé Richardt : Louis XV le malaimé. Préface du prince Jean de France, duc de Vendôme ; présentation de Bertrand Renouvin ; postface de Michel Fromentoux. Éd. François-Xavier de Guibert. 384 pages. Disponible à nos bureaux : 29 euros. Franco: 32,77 euros.
Vivants portraits
Il séduit d’abord par ses qualités de style et par la clarté de sa présentation. Il comporte des chapitres courts, subdivisés en paragraphes, coiffés de titres ce qui est commode et on y trouve même, en annexe, deux documents d’histoire économique et sociale extraits d’archives provinciales ; un rappel des opérations militaires de 1756 à 1763 - ce qui allège le récit de noms et de dates de batailles - et enfin, en quelques pages, une claire généalogie, permettant d’éviter toute confusion : la descendance de Louis XV et de son fils le Dauphin Louis. Le livre de M. Richardt est un précis comme l’on disait autrefois, dans lequel les explications accompagnent les faits.
À la différence de l’école dite des Annales, qui a sévi longtemps, il attache beaucoup d’importance aux personnalités. De là de vivants portraits du roi, de son épouse, et bien sûr, de ses maîtresses. On devient indulgent à l’égard de Louis XV, marié trop jeune à une princesse plus âgée que lui, et l’on sait, grâce à une magnifique exposition, qui eut lieu il y a quatre ans, ce que furent le charme et la culture de Mme de Pompadour (3). Très vivantes également, sont les évocations du régent et du cardinal de Fleury, exemple de promotion sociale par la voie cléricale, au demeurant parfaitement justifiée. Tous les événements du règne sont présentés avec exactitude, ainsi la bataille de Fontenoy, mais ils sont accompagnés des critiques formulées notamment dans des chansons ou de petits vers moqueurs.
La révolution royale
S’il ne dissimule nullement les faiblesses et les hésitations de Louis XV, M. Richardt expose avec clarté la grandeur de l’œuvre qu’il ne réalisa malheureusement que sur le tard : la réforme du pouvoir judiciaire. Il expose, et il a raison de le faire de façon à la fois détaillée et très claire, la lutte acharnée qui mit aux prises le duc d’Aiguillon, exerçant depuis 1733, les fonctions de gouverneur de Bretagne, et le procureur général du Parlement de Rennes, La Chalotais, soutenu par ses confrères. L’importance de l’enjeu explique l’acharnement des parlementaires : ils prétendaient contrôler tous les actes, même les plus secrets, de l’administration royale, faire comparaître devant eux les agents du roi, et notamment statuer sur leur conduite. Ils voulaient faire de même des intendants, les meilleurs serviteurs du pouvoir, les rendre responsables devant les juges, comme en Angleterre, des actes effectués dans l’exercice de leurs fonctions.
Il apparut évident qu’il fallait ôter aux parlements et autres cours souveraines leurs pouvoirs touchant aux domaines politique et administratif. Il était de salut public d’opérer une modernisation, de confiner les tribunaux dans leurs fonctions judiciaires, de séparer la justice de l’administration, de libérer l’État pour ses tâches propres.
La révolution royale eu lieu dans la nuit du 19 au 20 janvier 1771, et M. Richardt en précise les grandes lignes. L’Édit du 23 février, portant création des Conseils supérieurs était excellent. Mais, il mécontentera bien du monde, à commencer par les bénéficiaires du régime antérieur, ainsi qu’une opinion aveugle. Et l’on vit partir dans l’opprobre, le 12 mai 1774, ce roi qui avait vu et tenté le bien, et à qui il n’avait manqué, sans doute, qu’une lourde poigne de despote éclairé pour être acclamé et aimé...
Le livre de M. Richardt, bien informé et écrit, constitue une bonne synthèse concernant le règne de ce roi fort injustement mal aimé.
René Pillorget L’Action Française 2000 du 18 au 31 janvier 2007
(1) Michel Antoine : Le cœur de l’État. Surintendant, contrôle général et intendances des finances, 1552-1791. Éd. Fayard, 2003.
(2) Emmanuel Leroy-Ladurie : Histoire des paysans français. De la Peste noire à la révolution. Éd. du Seuil, P.U.F., 2002.
(3) Exposition : Madame de Pompadour. Réunion des Musées nationaux, 2002.
* Aimé Richardt : Louis XV le malaimé. Préface du prince Jean de France, duc de Vendôme ; présentation de Bertrand Renouvin ; postface de Michel Fromentoux. Éd. François-Xavier de Guibert. 384 pages. Disponible à nos bureaux : 29 euros. Franco: 32,77 euros.
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