Le
centenaire de la naissance d'Albert CAMUS, célébré aujourd'hui 7
novembre, est l'occasion de de souvenir des écrits de ce philosophe
originaire d'Algérie. Parmi ceux-ci, "L'Homme révolté", publié en 1951,
avait pour but de comprendre pourquoi l'époque
contemporaine était si horrible: "Les camps d'esclaves sous la
bannière de la liberté, les massacres justifiés par l'amour de l'homme
ou le goût de la surhumanité, désemparent, en un sens, le
jugement. Le jour où le crime se pare des dépouilles de l'innocence,
par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c'est
l'innocence qui est sommée de fournir ses justifications.
L'ambition de cet essai serait d'accepter et d'examiner cet étrange
défi."
Dans cette quête, CAMUS montre
l'importance de l'exécution de Louis XVI, qui a justifié tous les
régimes totalitaires qui ont suivi 1793.
Saint-Just a fait entrer dans
l'histoire les idées de Rousseau. Au procès du roi, l'essentiel de sa
démonstration consiste à dire que le roi
n'est pas inviolable et doit être jugé par l'assemblée, non par un
tribunal. (...) La volonté générale ne peut être citée devant des juges
ordinaires. Elle est au-dessus de toutes choses.
L'inviolabilité et la transcendance de cette volonté sont donc
proclamées. (...)
Au reste, Saint-Just aperçoit
parfaitement la grandeur de l'enjeu: «L'esprit avec lequel on jugera le
roi sera le même que celui avec lequel on établira la
République.»
Le fameux discours de Saint-Just a
ainsi tous les airs d'une étude théologique. «Louis étranger parmi
nous», voilà la thèse de l'adolescent
accusateur. Si un contrat, naturel ou civil, pouvait encore lier le
roi et son peuple, il y aurait obligation mutuelle; la volonté du peuple
ne pourrait s'ériger en juge absolu pour prononcer le
jugement absolu. Il s'agit donc de démontrer qu'aucun rapport ne lie
le peuple et le roi.
Pour prouver que le peuple est en lui-même la vérité éternelle, il faut montrer que la royauté est en elle-même crime éternel. Saint-Just pose donc en axiome que tout roi est rebelle ou usurpateur. Il est rebelle contre le peuple dont il usurpe la souveraineté absolue. La monarchie n'est point un roi, «elle est le crime». Non pas un crime, mais le crime, dit Saint-Just, c'est-à-dire la profanation absolue. C'est le sens précis, et extrême en même temps, du mot de Saint-Just dont on a trop étendu la signification : «Nul ne peut régner innocemment.»
Tout roi est coupable et par le fait qu'un homme se veut roi, le voilà voué à la mort. Saint-Just dit exactement la même chose lorsqu'il démontre ensuite que la souveraineté du peuple est « chose sacrée». Les citoyens sont entre eux inviolables et sacrés et ne peuvent se contraindre que par la loi, expression de leur volonté commune.
Louis, seul, ne bénéficie pas de cette inviolabilité particulière et du secours de la loi, car il est placé hors du contrat. Il n'est point partie de la volonté générale, étant au contraire, par son existence même, blasphémateur de cette volonté toute-puissante. Il n'est pas «citoyen», seule manière de participer à la jeune divinité.
(...)
Pour prouver que le peuple est en lui-même la vérité éternelle, il faut montrer que la royauté est en elle-même crime éternel. Saint-Just pose donc en axiome que tout roi est rebelle ou usurpateur. Il est rebelle contre le peuple dont il usurpe la souveraineté absolue. La monarchie n'est point un roi, «elle est le crime». Non pas un crime, mais le crime, dit Saint-Just, c'est-à-dire la profanation absolue. C'est le sens précis, et extrême en même temps, du mot de Saint-Just dont on a trop étendu la signification : «Nul ne peut régner innocemment.»
Tout roi est coupable et par le fait qu'un homme se veut roi, le voilà voué à la mort. Saint-Just dit exactement la même chose lorsqu'il démontre ensuite que la souveraineté du peuple est « chose sacrée». Les citoyens sont entre eux inviolables et sacrés et ne peuvent se contraindre que par la loi, expression de leur volonté commune.
Louis, seul, ne bénéficie pas de cette inviolabilité particulière et du secours de la loi, car il est placé hors du contrat. Il n'est point partie de la volonté générale, étant au contraire, par son existence même, blasphémateur de cette volonté toute-puissante. Il n'est pas «citoyen», seule manière de participer à la jeune divinité.
(...)
Nous ne sommes pas en droit, nous
sommes en théologie. Le crime du roi est en même temps péché contre
l'ordre suprême. Un crime se commet, puis se
pardonne, se punit ou s'oublie. Mais le crime de royauté est
permanent, il est lié à la personne du roi, à son existence. Le Christ
lui-même, s'il peut pardonner aux coupables, ne peut absoudre
les faux dieux. Ils doivent disparaître ou vaincre. Le peuple, s'il
pardonne aujourd'hui, retrouvera demain le crime intact, même si le
criminel dort dans la paix des prisons. Il n'y a donc
qu'une seule issue : « Venger le meurtre du peuple par la mort du
roi. »
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