Et si
l’on reparlait des Mérovingiens ? On a coutume de considérer les rois
de France de la première race comme des princes débauchés, cruels,
égorgeurs... Il est vrai qu’à l’époque les hommes, même chrétiens,
étaient encore barbares, que, toujours en guerre, l’on vivait partout
dangereusement et que mourir était pour un prince de sang royal un sort
plus enviable qu’être tondu. En outre, le système de succession était
si aberrant que tout frère ou neveu était un être de trop et que donc
les exterminer était même devenu une condition de l’unité du royaume
hérité de Clovis !
Avec Ivan Gobry, nous avons déjà rencontré Clotaire 1er, fils de Clovis et Clotaire II (petit-fils du précédent), dans leurs raffinements à la fois dignominie et de fine intelligence. Avec Dagobert 1er, le même auteur nous repose un peu des horreurs des prédécesseurs, et surtout, même parfois, nous édifie.
Grand chef d’État
Disons tout de suite que nous sommes très loin du roi débile qui ne savait pas bien mettre sa couronne ou sa culotte dans la chanson populaire anti-royaliste qui date de la veille de 1789 et dont l’auteur, ne pouvant citer nommément Louis XVI, se rabattit sur ce pauvre Dagobert dont il ne savait strictement rien, sans doute pour agencer ses rimes...
Le vrai, fils de Clotaire II et de la bonne Gertrude, né en 604, eut la chance d’hériter de son père (mort en 629) d’un royaume unifié tous les concurrents ayant été occis , installé dans la paix et même dans une certaine prospérité économique. Il avait bien un demi-frère cadet, Charibert (610-632), mais plutôt simple d’esprit, d’intelligence mesurée, de volonté médiocre, celui-ci n’en demandait pas trop et eut l’élégance de mourir jeune.
Dagobert devint donc assez vite roi du Regnum Francorum, c’est-à-dire en fait seul roi de quatre royaumes (Austrasie à l’ouest, Neustrie au centre, Bourgogne, Aquitaine) chacun jaloux de ses prérogatives. Passons sur tout un embrouillamini géographique et généalogique dans lequel Ivan Gobry évolue avec autant de précision que de virtuosité. Très vite Dagobert saffirma énergique et patient, ardent et perspicace à la fois.
On comprend que, dans les conditions de son règne, il ait fallu au jeune roi montrer d’exceptionnelles qualités pour s’entourer d’hommes capables de le servir et de le conseiller, tout en ayant comme lui le souci de l’unité et de la continuité de la dynastie.
L’histoire a retenu surtout le nom du gaulois d’Aquitaine, le grand saint Éloi (588-660) qui fut un maître en orfèvrerie, avant d’être fait par le roi Clotaire maître des monnaies royales, puis par Dagobert le gardien des finances royales, et son principal conseiller, voire parfois son ambassadeur. Grand bienfaiteur des monastères, il finit ses jours comme grand orateur dans son siège épiscopal de Noyon. Sa popularité augmenta encore après sa mort grâce notamment à la biographie que rédigea de lui son ami intime saint Ouen.
Il faut aussi se souvenir de Pépin de Landen (640), grand lettré, dune des plus grandes familles d’Austrasie, maire du palais d’Austrasie, puis de Paris. Deux de ses filles furent portées sur les autels : sainte Gertrude et sainte Beggha, cette dernière ayant pour petit-fils Charles Martel.
Saint Arnoul (641), évêque de Metz, ancien précepteur de Dagobert, et bientôt son conseiller, reste aussi un nom illustre. Par l’un de ses deux fils, dont l’un fut un saint, il allait être un ancêtre de Charlemagne.
Le fondateur de Saint-Denis
On le voit : Dagobert, roi cynique et dévergondé (comme presque tous ses prédécesseurs) vivait au milieu de bien des odeurs de sainteté. « Il gardait la foi chrétienne, explique Ivan Gobry, qui lui inspira la source d’un sage gouvernement de son royaume et un soutien convaincu aux forces spirituelles de la population. » C’est ainsi qu’il œuvra pour un prodigieux développement de la vie monastique. Sa dévotion à saint Denis, éveillée dès l’enfance, le poussa à vouloir édifier un monastère à l’emplacement du tombeau du saint martyr et de ses compagnons Rustique et Éleuthère. Il y établit la louange perpétuelle, un office liturgique permanent. Émerveillé par le succès de cette pieuse entreprise, il choisit ce lieu pour y être inhumé de préférence à Saint-Germain-des-Prés où dormaient ses ancêtres. C’est ainsi que Saint-Denis devint pour les siècles à venir la nécropole des rois de France.
C’est un peu partout en France que Dagobert fonda des monastères. Une floraison de saints alla de pair : saint Eustaise, saint Valéry, saint Léobard, saint Romaric, sainte Fare... Autour de ces maisons de prière et de labeur, vinrent s’installer des ouvriers agricoles, des artisans, des familles. Des bourgades sassemblèrent. « Quand nos rois, écrit Gobry, fondaient ou protégeaient les abbayes, ils ignoraient que, bien souvent, ils créaient de nouvelles villes ». Ainsi se dessinait déjà le paysage français.
Dagobert décéda en 639. Il n’avait régné sur le Regnum Francorum que dix ans, mais cela lui avait suffi à imprimer la marque d’une volonté, dirait-on, presque nationale. La suite, n’étant que mérovingienne, fut hélas moins brillante... La déchéance des rois de nouveaux désunis fit naître la légende ridicule des rois fainéants. En trois générations, de Clovis II (634-657), fils de Dagobert à Chilpéric III (743-755), ces rois furent très jeunes absorbés par les maires du palais, parfois avides et cruels, mais dont certains, après avoir fait tondre et enfermé au monastère ces fantômes royaux trop guidés par leurs caprices surent reprendre en mains ce qui allait devenir la France. Ainsi Pépin d’Herstal, petit-fils de saint Arnoul et de Pépin de Landen, engendra Charles Martel, père de Pépin le Bref, qui offrit à la chrétienté Charlemagne. L’histoire de Dagobert, au sein dune dynastie aussi tempêtueuse, prouve que même dans les périodes obscures, des éléments despérance restent sous-jacents. Merci à Ivan Gobry de nous l’avoir montré.
Michel Fromentoux L’Action Française 2000 du 7 au 20 décembre 2006
* Ivan Gobry : Dagobert 1er. Éd. Pygmalion, 223 p., 20 euros.
Avec Ivan Gobry, nous avons déjà rencontré Clotaire 1er, fils de Clovis et Clotaire II (petit-fils du précédent), dans leurs raffinements à la fois dignominie et de fine intelligence. Avec Dagobert 1er, le même auteur nous repose un peu des horreurs des prédécesseurs, et surtout, même parfois, nous édifie.
Grand chef d’État
Disons tout de suite que nous sommes très loin du roi débile qui ne savait pas bien mettre sa couronne ou sa culotte dans la chanson populaire anti-royaliste qui date de la veille de 1789 et dont l’auteur, ne pouvant citer nommément Louis XVI, se rabattit sur ce pauvre Dagobert dont il ne savait strictement rien, sans doute pour agencer ses rimes...
Le vrai, fils de Clotaire II et de la bonne Gertrude, né en 604, eut la chance d’hériter de son père (mort en 629) d’un royaume unifié tous les concurrents ayant été occis , installé dans la paix et même dans une certaine prospérité économique. Il avait bien un demi-frère cadet, Charibert (610-632), mais plutôt simple d’esprit, d’intelligence mesurée, de volonté médiocre, celui-ci n’en demandait pas trop et eut l’élégance de mourir jeune.
Dagobert devint donc assez vite roi du Regnum Francorum, c’est-à-dire en fait seul roi de quatre royaumes (Austrasie à l’ouest, Neustrie au centre, Bourgogne, Aquitaine) chacun jaloux de ses prérogatives. Passons sur tout un embrouillamini géographique et généalogique dans lequel Ivan Gobry évolue avec autant de précision que de virtuosité. Très vite Dagobert saffirma énergique et patient, ardent et perspicace à la fois.
On comprend que, dans les conditions de son règne, il ait fallu au jeune roi montrer d’exceptionnelles qualités pour s’entourer d’hommes capables de le servir et de le conseiller, tout en ayant comme lui le souci de l’unité et de la continuité de la dynastie.
L’histoire a retenu surtout le nom du gaulois d’Aquitaine, le grand saint Éloi (588-660) qui fut un maître en orfèvrerie, avant d’être fait par le roi Clotaire maître des monnaies royales, puis par Dagobert le gardien des finances royales, et son principal conseiller, voire parfois son ambassadeur. Grand bienfaiteur des monastères, il finit ses jours comme grand orateur dans son siège épiscopal de Noyon. Sa popularité augmenta encore après sa mort grâce notamment à la biographie que rédigea de lui son ami intime saint Ouen.
Il faut aussi se souvenir de Pépin de Landen (640), grand lettré, dune des plus grandes familles d’Austrasie, maire du palais d’Austrasie, puis de Paris. Deux de ses filles furent portées sur les autels : sainte Gertrude et sainte Beggha, cette dernière ayant pour petit-fils Charles Martel.
Saint Arnoul (641), évêque de Metz, ancien précepteur de Dagobert, et bientôt son conseiller, reste aussi un nom illustre. Par l’un de ses deux fils, dont l’un fut un saint, il allait être un ancêtre de Charlemagne.
Le fondateur de Saint-Denis
On le voit : Dagobert, roi cynique et dévergondé (comme presque tous ses prédécesseurs) vivait au milieu de bien des odeurs de sainteté. « Il gardait la foi chrétienne, explique Ivan Gobry, qui lui inspira la source d’un sage gouvernement de son royaume et un soutien convaincu aux forces spirituelles de la population. » C’est ainsi qu’il œuvra pour un prodigieux développement de la vie monastique. Sa dévotion à saint Denis, éveillée dès l’enfance, le poussa à vouloir édifier un monastère à l’emplacement du tombeau du saint martyr et de ses compagnons Rustique et Éleuthère. Il y établit la louange perpétuelle, un office liturgique permanent. Émerveillé par le succès de cette pieuse entreprise, il choisit ce lieu pour y être inhumé de préférence à Saint-Germain-des-Prés où dormaient ses ancêtres. C’est ainsi que Saint-Denis devint pour les siècles à venir la nécropole des rois de France.
C’est un peu partout en France que Dagobert fonda des monastères. Une floraison de saints alla de pair : saint Eustaise, saint Valéry, saint Léobard, saint Romaric, sainte Fare... Autour de ces maisons de prière et de labeur, vinrent s’installer des ouvriers agricoles, des artisans, des familles. Des bourgades sassemblèrent. « Quand nos rois, écrit Gobry, fondaient ou protégeaient les abbayes, ils ignoraient que, bien souvent, ils créaient de nouvelles villes ». Ainsi se dessinait déjà le paysage français.
Dagobert décéda en 639. Il n’avait régné sur le Regnum Francorum que dix ans, mais cela lui avait suffi à imprimer la marque d’une volonté, dirait-on, presque nationale. La suite, n’étant que mérovingienne, fut hélas moins brillante... La déchéance des rois de nouveaux désunis fit naître la légende ridicule des rois fainéants. En trois générations, de Clovis II (634-657), fils de Dagobert à Chilpéric III (743-755), ces rois furent très jeunes absorbés par les maires du palais, parfois avides et cruels, mais dont certains, après avoir fait tondre et enfermé au monastère ces fantômes royaux trop guidés par leurs caprices surent reprendre en mains ce qui allait devenir la France. Ainsi Pépin d’Herstal, petit-fils de saint Arnoul et de Pépin de Landen, engendra Charles Martel, père de Pépin le Bref, qui offrit à la chrétienté Charlemagne. L’histoire de Dagobert, au sein dune dynastie aussi tempêtueuse, prouve que même dans les périodes obscures, des éléments despérance restent sous-jacents. Merci à Ivan Gobry de nous l’avoir montré.
Michel Fromentoux L’Action Française 2000 du 7 au 20 décembre 2006
* Ivan Gobry : Dagobert 1er. Éd. Pygmalion, 223 p., 20 euros.
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