Par Jean-Baptiste Noé
S’il fait bombarder la Syrie, François Hollande entre ainsi
en guerre contre un deuxième pays depuis un peu plus d’un an d’exercice
du pouvoir. C’est un fait assez rare dans l’histoire moderne de la
France, fait qui témoigne des liens passionnels que la gauche entretient
avec la guerre.
Depuis la Révolution française, la gauche est belliciste, et la
droite pacifiste. C’est la gauche révolutionnaire qui entre en guerre
contre la Prusse et l’Autriche le 20 avril 1792, alors même que les
monarchistes y sont opposés, au nom du pacte de familles. La guerre se
fait non pas pour des motifs stratégiques ou de conquêtes, mais pour des
raisons idéelles : il s’agit de renverser les tyrans et d’établir des
républiques sœurs. [...]
Après les défaites napoléoniennes, la gauche reste nostalgique de la
grande France, et une part essentielle du programme républicain consiste
à vouloir récupérer les territoires perdus de l’autre côté du Rhin. Les
rois de France doivent alors souffler le chaud et le froid : rester
pacifistes pour ne pas heurter leurs soutiens monarchistes, tenter
quelques combats pour montrer de la bonne volonté à l’aile gauche. [...]
Sous Louis-Philippe, les républicains n’ont cessé de témoigner de
leur pensée belliciste, voulant absolument récupérer la rive gauche du
Rhin. [...] Ce sont les mêmes républicains qui ont œuvré pour l’entrée
en guerre contre la Prusse en 1870, contre la volonté impériale. [...]
Les républicains au pouvoir ne cessèrent de vivifier le mythe de la
revanche. L’école était leur usine, qui devait fabriquer de solides et
sincères républicains, prêts à se faire abattre, et à verser leur sang
dans la guerre future contre l’Allemagne. [...]
[Aujourd'hui] ces guerres sont menées non pas pour des raisons
réalistes et stratégiques, mais pour des causes humanitaires. L’armée
est déployée pour défendre les populations ou la démocratie, au nom du
droit d’ingérence, ou bien au nom des peuples libres à libérer les
peuples asservis.
Nous avons ainsi face à nous un panorama des plus
intéressants : les idéalistes sont des faucons et les réalistes des
colombes. C’est au nom de l’idéal de la démocratie que la guerre est
menée, et c’est au nom d’une réalité dangereuse et complexe que l’on
cherche à faire taire les armes.
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