vendredi 13 septembre 2013

Julius Evola : "État traditionnel et État totalitaire"

Le principe d’une autorité centrale inattaquable se « sclérose » et dégénère lorsqu’il est affirmé à travers un système qui contrôle tout, qui enrégimente tout et qui intervient partout selon la fameuse formule « Tout dans l’État, rien hors de l’État, rien contre l’État ». Si l’on ne précise pas en quels termes on doit concevoir cette inclusion, une formule de ce genre ne peut valoir que dans le cadre d’un étatisme de type soviétique, étant donné les prémisses matérialistes, collectivistes et mécanicistes de celui-ci : non pour un système de type traditionnel reposant sur des valeurs spirituelles, sur la reconnaissance du sens de la personnalité et sur le principe hiérarchique.
C’est pourquoi, dans la polémique politique, on a pu concevoir un commun dénominateur en parlant d’un totalitarisme de Droite et d’un totalitarisme de gauche : ce qui est une véritable absurdité. L’État traditionnel est organique, mais non totalitaire. Il est différencié et articulé, il admet des zones d’autonomie partielle. Il coordonne et fait participer à une unité supérieure des forces dont il reconnaît cependant la liberté. Précisément parce qu’il est fort, il n’a pas besoin de recourir à une centralisation mécanique : celle-ci n’est réclamée que lorsqu’il faut contrôler une masse informe et atomique d’individus et de volontés, ce qui fait, d’ailleurs, que le désordre ne pourra jamais être vraiment éliminé, mais seulement contenu provisoirement. Pour reprendre une heureuse expression de Walter Heinrich, l’État authentique est omnia potens, non omnia facens, c’est-à-dire qu’il détient au centre un pouvoir absolu qu’il peut et doit faire valoir sans entraves en cas de nécessité ou dans les décisions ultimes, au-delà du fétichisme de l’ « État de droit » ; mais il n’intervient pas partout, il ne se substitue pas à tout, il ne vise pas à imposer une vie de caserne (au sens négatif), ni un conformisme niveleur, au lieu de la reconnaissance libre et du loyalisme ; il ne procède pas à des interventions impertinentes et imbéciles du domaine public et de l’ « étatique » dans le domaine privé. L’image traditionnelle, c’est celle d’une gravitation naturelle de secteurs et d’unités partielles autour d’un centre qui commande sans contraindre, agit par son prestige, par une autorité qui, certes, peut avoir recours à la force, mais qui s’en abstient le plus possible. La preuve de la force effective d’un État est donnée par la mesure de la marge qu’il peut concéder à une décentralisation partielle et rationnelle. L’ingérence systématique de l’État ne peut être un principe que dans le socialisme d’État technocratique et matérialiste.
Par contraste, la tâche essentielle de l’État authentique est de créer un certain climat général, immatériel en un certain sens, selon ce qui fut propre à tous les régimes de l’époque précédente. Telle est la condition nécessaire afin qu’un système où la liberté est toujours le facteur fondamental prenne forme de manière pratiquement spontanée et fonctionne de façon juste, avec un minimum d’interventions rectificatrices.
Extrait de "Le fascisme vu de Droite" (1964)

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