Christian Malbosse, Le soldat traqué, Editions de la pensée moderne, 1971.
La
majeure partie des récits de guerre des anciens engagés de la division
Charlemagne se concentre majoritairement sur leur expérience au feu et
sur les combats qu’ils ont menés. Ce n’est pas le cas pour le présent
ouvrage qui traite pour sa part du parcours d’un soldat français dans
les mois qui suivirent la défaite de l’Axe en mai 1945.
Christian s’est engagé très jeune dans la LVF devenue en 1944 la division de Waffen SS Charlemagne.
En mai 1945, la guerre est terminée et il tente de rejoindre le
Danemark, en vain. Après des mois de combat furieux face aux Russes
commence pour lui une longue période d’errance dans l’Allemagne occupée
par les alliés. Christian pensait au départ gagner clandestinement la
France pour ensuite se réfugier en Espagne mais va vite déchanter devant
la difficulté de la tâche et les nouvelles qui lui parviennent du pays
sur la manière dont on traite les « collabos »... Lui, qui est seul dans
un pays en ruines, lui qui fait partie d’une armée que ceux qui ont
réécrit l’histoire ont qualifié de criminelle, lui qui est marqué, comme
tous les Waffen SS, du tatouage de son groupe sanguin sous l’aisselle…
tatouage si gênant et si recherché lors des contrôles qu’il en arrivera à
se mutiler lui-même au rasoir et au feu pour en effacer la trace…
Ce soldat, traqué,
partout, par un ennemi redoutable va, pendant des mois, survivre dans
des conditions extrêmes. Alternant les périodes de captivité (auxquelles
il arrive souvent à se soustraire avec brio), l’errance et les séjours
dans la forêt, Christian vit comme un paria. Très débrouillard, il se
construit un refuge dans la forêt, trouve un vieux fusil qu’avec
persévérance il répare, chasse sangliers ou chevreuils et construit même
un barrage qui lui permet de disposer d’une « piscine » pour se laver…
Ses talents militaires le font même devenir démineur pour des paysans et
il arrive à subsister un temps en vendant de la poudre extraite d’obus
trouvés ça et là. Il faut dire que l’Allemagne manque de tout et que les
campagnes sont des lieux où de nombreuses personnes de la ville, les
« hamsters », viennent s’approvisionner…
Cette vie à la dure
est heureusement enjolivée par la bonté et l’hospitalité du peuple
allemand envers notre jeune soldat. De nombreuses familles l’hébergent
temporairement, deviennent ses amis, l’aident de toutes les manières
possibles et lui permettent de retrouver, quelques nuits ici, quelques
nuits là, une sociabilité d’autant plus touchante qu’elle se veut
gratuite. Combien de fois est-il hébergé par de pauvres paysans, par des
gens n’ayant pratiquement rien et qui l’accueillent comme un fils parmi
eux ? C’est le même peuple allemand que la propagande nous présente
comme haïssant les Français et habité par le criminel gène nazi ?
Certes, le fait qu’il ait combattu aux côtés des Allemands lui apporte
un capital de sympathie certain de la part d’une bonne partie de la
population mais tout au long de ces longs mois, des rencontres et
situations qu’il connaît, on peut sans aucun doute démontrer à quel
point les Allemands étaient bien intentionnés envers les Français ;
d’ailleurs, certains compatriotes du STO, ayant plutôt bien vécu la
guerre en Allemagne, ne voulaient même plus revenir en France…
Tentant finalement de
rejoindre la France via la Belgique, Christian sera emprisonné dans ce
dernier pays pour y être rentré clandestinement. Ces mois de détention
constituent la seconde partie du livre –non moins passionnante que la
première-. En prison, il rencontre aussi bien d’anciens Waffen SS que
différentes crapules dont il brosse un portrait haut en couleurs. Pris
en amitié par son avocat, il réussira à sortir puis, après quelques
péripéties, à rejoindre clandestinement la France puis l’Espagne, son
but depuis 1945… Il aura mis 3 ans pour cela, 3 ans qui le changèrent
totalement :
« Quand il partit pour
la guerre, Christian était encore adolescent ; lorsqu’il revint,
c’était un homme. Des mois de combat, des années d’errance et de
solitude. Tout accepter pour que survivent la Chrétienté et son pays,
faire par avance le sacrifice de sa vie. Endurer le froid, la faim, la
soif, souffrir dans son âme et sa chair – tels furent sa croyance et son
lot. » peut-on lire dans l’épilogue qui clôture en beauté ce superbe et
fort touchant récit d’aventure mais aussi d’histoire qui demeure, pour
moi, l’un des plus beaux témoignages sur cette époque.
NB
: A noter qu’il existe de cet ouvrage une très belle édition de 1998
chez Gergovie comprenant des planches dessinées par Guy Sajer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire