Louis XIII et Richelieu assiégèrent La Rochelle durant un peu
plus d’un an, d’août 1627 à octobre 1628. En octobre 1628, Louis XIII
et Richelieu, vainqueurs, purent entrer dans la ville. Ils trouvèrent
les survivants réduits aux dernières extrémités. Or, avant le siège,
toute l’histoire de la ville n’avait été que prospérité, indépendance
politique et financière face au pouvoir, le tout accompagné d’une
certaine arrogance.
Après la confirmation en 1610 de l’Edit de Nantes par la régente, les
Protestants rochelais avaient en effet toutes les raisons d’espérer.
Après avoir été plutôt épargnés par les troubles religieux du XVIe
siècle, ils pouvaient croire « Dieu à leur côtés » en vertu des
préceptes de leur religion. En fait, devenus « un Etat dans l’Etat », la
ville était en sursis quand Louis XIII reprit les hostilités contre les
Protestants en 1620 en commençant par le Midi de la France. La ville
était armée, c’était l’enjeu politique majeur du parti protestant,
l’Europe du Nord protestante avait les yeux sur elle. Richelieu préféra
un siège sans bombardements afin d’éviter d’en faire une cité martyre.
Il se trompa, le résultat fut terrible, l’ultime clémence royale ne put
effacer la longue agonie de la population et sa conséquence, la ruine de
la cité en tant que puissance.
I. La Rochelle, un lieu idéal pour le développement de la religion réformée
Le contexte politico-économique en premier s’y prêtait. Le
Protestantisme a touché en premier la haute noblesse, le monde des
lettrés et la classe marchande enrichie. Cette religion s’affranchissait
de l’autorité suprême du Pape et par conséquent, de la structure
hiérarchique de l’Eglise catholique, dont au premier chef, les évêques,
le propre du Protestantisme était de permettre un rapport à Dieu direct.
Dans le Catholicisme, outre les évêques, il fallait compter avec le
Roi, « par la grâce de Dieu », dont il était le représentant sur terre.
La situation politico-économique de la ville devenue protestante offrait
donc une parfaite corrélation entre temporel et spirituel. Bénéficiant
d’une charte dès 961 octroyée par le duc Guilllaume d’Aquitaine pour
l’exploitation du port, Guillaume X d’Aquitaine la fit fortifier dès
1130 et l’affranchit des tutelles féodales. Cette franchise fut
confirmée en 1146 par Aliénor d’Aquitaine (fille de Guillaume et
héritière du duché et comtesse du Poitou), et une Charte communale est
accordée en 1175 par Henri II Plantagenêt, époux d’Aliénor. Comme toutes
les communes libres, la ville avait le privilège d’être auto-gérée et
surtout affranchie des impôts dont le peuple des campagnes était
accablé.
Ville, indépendante depuis le XIIe siècle elle était protégée
également de la convoitise de grands féodaux dont le fief se serait
trouvé à proximité. Rappelons qu’au Moyen Age, Bordeaux, Nantes et
Poitiers situées chacune dans un rayon de plus de cent kilomètres autour
de la ville, étaient les capitales de duchés puissants. La Rochelle, à
l’extérieur ouest des axes terrestres reliant ces villes, avec pour
arrière pays la plus petite province de France, l’Aunis, une terre
marécageuse… put se développer tranquillement… grâce à son port
marchand, et elle était devenue très riche…. Un paradis fiscal « heureux
et caché » en quelque sorte…
A cela s’ajoutait la situation géopolitique du Protestantisme. Il a
touché le Nord et tout un arc de communication de Genève à l’Atlantique,
en contournant le Massif Central par le sud. La Rochelle était comme un
interface entre les Nord et Midi protestants français.
Le port avait pris son essor dès la Moyen Age – ce fut un haut lieu
pour les Templiers- mais la découverte de l’Amérique en avait amplifié
l’importance. C’était le seul port en eaux profondes directement ouvert
sur l’Atlantique, contrairement à Nantes au nord et surtout Bordeaux au
Sud présentant le désavantage d’être des ports d’estuaire auxquels on
accède par une lente remontée.
Enfin d’un point de vue humain, la ville fut cosmopolite depuis les
débuts car c’était une étape médiane sur les routes maritimes qui,
partant de Méditerranée remontaient vers le Nord après avoir contourné
la péninsule ibérique. De nombreux négociants Italiens, Flamands,
Anglais, Néerlandais s’y étaient installés. La ville aurait été
surnommée la Nouvelle Amsterdam (premier nom de New York) d’après les
érudits locaux.
II. La ville devint ainsi capitale huguenote
Au départ la cohabitation fut pacifique entre Catholiques et
Protestants. La ville comptait peu d’ordre religieux en ses murs. Les
protestants devinrent majoritaires sans heurts, ils ne recherchaient pas
la guerre, néfaste aux affaires. Mais elle y fut impliquée par les
contrecoups, entre la montée crescendo soit des « zélés », soit des
« modérés ». A chaque fois elle redouta de s’engager afin de ne pas
avoir à y perdre son indépendance.
Mais elle fut amenée à prendre position. Tout d’abord en refusant
d’accueillir des troupes royales comme il lui fut demandé. Ensuite de
1568 à 1571, la ville accueillit des princes protestants pour s’en
prémunir, parmi eux, Condé, Coligny, ainsi que Jeanne d’Albret reine de
Navarre et son fils Henri, ce qui lui valut le nom de « capitale
huguenote ».
Blason de La Rochelle.
En 1572, après la Saint-Barthélemy, elle opposa le même refus, ce qui
entraîna pour elle d’avoir à soutenir un premier siège de 1572 à 1573.
Ses solides remparts résistèrent à neuf assauts mais ce fut en fait la
Providence qu’elle dut son salut. En effet, l’assiégeant était le futur
Henri III, qui leva le siège quand les Polonais, dont la monarchie était
élective, le choisirent comme roi. La ville, à tort, en acquit une
impression d’invincibilité, et ce d’autant plus que sa résistance eut un
grand retentissement.
En 1581, s’y tint le XIe synode national des Eglises Réformés. Enfin
de 1586 à 1589, Henri de Navarre en fait son quartier général après la
mort en 1585 du duc d’Alençon. La Rochelle lui fournit les fonds pour sa
victoire car il était le prétendant légitime en vertu des règles
dynastiques. Après les trois fils d’Henri II, il n’y avait plus de
descendant capétien mâle de la lignée des Valois, et par son père, Henri
de Bourbon, Henri de Navarre descendait en ligne directe masculine de
Saint Louis. Il tenait la Navarre de sa mère Jeanne d’Albret.
III. Une place de sûreté particulièrement privilégiée
L’Edit de Nantes concédait des places de sûreté aux Protestants, qui,
comme leur nom l’indique leur procuraient un espace réservé, sécurisé
où ils pouvaient s’auto-gérer… Toutes n’avaient pas la même importance
ni les moyens militaires de se protéger, mais quand c’était le cas –
comme à La Rochelle – ces places pouvaient selon leur importance,
devenir des Etats dans l’Etat. La ville avait en fait et on peut le lire
dans les textes de l’époque, un statut très particulier après l’Edit de
Nantes. L’Edit comportait des clauses secrètes et elle en bénéficiait.
Elle n’avait ni gouverneur royal, ni garnison.
En 1612, on parle officieusement d’un grand port de mer, qui a pour
gouverneur le Maire et son Conseil. Une petite république indépendante
en quelque sorte. En conséquence, elle fut perçue par le parti
catholique comme « une Amsterdam en puissance » ou comme « la capitale
du vice », et ce d’autant plus qu’elle accueillait les Assemblées
Réformées. A la mort d’Henri IV, Marie de Médicis régente confirme
l’Edit de Nantes. De 1610 à 1620, c’est la paix. Louis XIII est enfant.
Mais une fois devenu roi, en 1617 tout changea. Il rompit avec la
politique de son père que sa mère avait poursuivi. Il se révéla un Roi
très différend de son père. La Rochelle, un enjeu de pouvoir, un exemple
à faire pour le pouvoir.
Louis XIII fut un roi dévot et Richelieu un cardinal politique. Dès
sa prise réelle de pouvoir en 1617, Louis XIII entendit en finir avec
les Huguenots par ferveur religieuse catholique car le parti dévot avait
beaucoup d’influence sur lui.
Les hostilités reprennent en 1620 contre le sud protestant. Rohan
chef des Huguenots, garda toujours un oeil sur La Rochelle tout en
combattant dans le Sud. Le port de La Rochelle sert de liaison avec
l’Europe du Nord. Dès 1622, le roi avance ses positions dans le secteur
en faisant construire un fort en aval du chenal d’accès au port, le Fort
Louis, situé à l’entrée nord de la baie. Aussitôt les Rochelais y
voient un casus belli. En 1625 eurent lieu de première batailles navales, qui furent des premières défaites. La suite devint inéluctable.
Richelieu, arrive auprès du roi en 1624, contre le parti dévot. Cependant il déclara à posteriori avoir toujours eu pour but : « ruiner
le parti huguenot, rabaisser l’orgueil des grands, réduire tous les
sujets en leur devoir et relever le nom du roi dans les nations
étrangères au point où il devait être ». En fait, c’était un fin
politique qui sut tirer parti de l’émergence du Protestantisme en dehors
des frontières du royaume dans la mesure où cela participait à
l’affaiblissement des Habsbourg. Détenteurs du titre d’Empereur du Saint
Empire Romain Germanique, un des leurs sur le trône d’Espagne, la
France ne pouvait – pour préserver sa puissance – que contrer leurs
menées hégémoniques.
La Rochelle fut donc en quelque sorte une caution donnée par le
Cardinal au parti dévot plus qu’une réelle nécessité stratégique. La
ville fut victime de ce qu’elle représentait politiquement plus que de
ce qu’elle était religieusement.
Les déroulement du siège a fait l’objet de nombreux récits. Alexandre Dumas dans Les Trois Mousquetaires
a immortalisé cet épisode de l’histoire de l’Ancien Régime. Tout
commença en juillet 1627, quand une armée navale anglaise conduite par
le duc de Buckingham, mit le pied sur l’île de Ré, juste en face de la
ville. Les troupes royales françaises interceptèrent bien évidemment par
précaution les approvisionnements de la ville. Les Rochelais
consolident alors leurs positions et le 10 septembre tirent un premier
coup de canon vers les troupes royales… La décision d’encercler la ville
est aussitôt mise en oeuvre…
Dès le 15 septembre arrive le duc d’Orléans, suivi le 12 octobre de
son frère Louis XIII en personne… Le 8 novembre, les Anglais sont
défaits à Ré par les troupes royales françaises, Buckingham et ses
troupes doivent plier bagage. On accède au port par un chenal. Une digue
de 1,5 kilomètres est érigée en travers pour fermer la voie d’accès
maritime. Une fois le chenal fermé, la ville est coupée définitivement
du reste du monde. Pour cela, 59 navires lestés de pierre furent coulés
pour servir de base à la digue. Contrairement à Louis XIII qui eut
préféré donner l’assaut, le Cardinal privilégia le siège escomptant sur
une reddition rapide de la ville. Cette stratégie moins coûteuse en vies
humaines le fut davantage matériellement, puisqu’il fallut entretenir
30.000 hommes durant de longs mois. L’Eglise apporta néanmoins un
soutien financier conséquent.
Quelques députés rochelais exfiltrés de la ville avec Buckingham
allèrent quérir l’aide du roi d’Angleterre mais la diplomatie du
Cardinal ayant porté ses fruits, les tentatives anglaises de forcer le
blocus furent plutôt timorées. Durant des mois, les Rochelais
suffisamment organisés pour optimiser la gestion des vivres parvinrent à
tenir le coup. Mais en automne 1628, soit un peu plus d’un an après le
début du siège, le nombre de morts est effarant : 18.00 ! Le 29 octobre
1628, la ville capitule.
Dans les mémoires du Cardinal de Richelieu on peut lire « on
trouva la ville toute pleine de morts, dans les chambres, dans les rues
et dans les places publiques… qu’ils ne pourrissaient ». Les morts
étaient desséchés… La Rochelle comptait 27.000 habitants, 4000 avaient
quitté la ville au début des hostilités. Lors de la reddition il en
restait 1500. La France comptait à peu près 20 millions d’habitants.
Rapporté à la démographie actuelle, c’est 65.000 personnes qui
disparurent.
IV. Un an de siège, une capitulation sans conditions
Le roi accorda sa clémence aux Rochelais et se montra même magnanime,
interdisant à ses troupes le pillage et les viols et faisant distribuer
immédiatement des vivres aux survivants entraînant quelques cas de mort
par … indigestion. Les Rochelais furent mieux traités que les
Protestants du Midi, pour lesquels les destructions et horreurs opérées
par les armées d’Epernon, les « gastadours » sont de sinistre mémoire.
Le roi fit son entrée par la porte de Cougnes, alors entrée
officielle de la route de Paris, et alla entendre un Te Deum en l’Eglise
Sainte Margueritte (actuel Oratoire) que les Protestants avaient
transformée en dépôt de munitions. Surtout, ils durent procéder à un
rite pour eux honni, celui de « faire tendre les principales rues de cette ville »,
en guise d’honneur rendu au Roi une procession d’accueil. Ces rites,
sorte de survivance du paganisme spécifique aux pays catholiques,
avaient été rejetés par les Protestants, de là l’aspect symbolique de
cette obligation qui leur fut faite.
Les survivants, dont le maire Guiton eurent à s’exiler. Guiton, que
le roi refusa de recevoir le rendant responsable de l’agonie de ses
concitoyens, mourut paisiblement dans sa retraite en 1654.
Une fois la clémence accordée à quelques survivants qui ne sont plus
dangereux, le roi en vint au but premier de ce siège, anéantir le
symbole du protestantisme.
Moins symbolique en revanche, il fut, immédiatement après le siège,
procédé à la destruction des remparts de la ville. De cette époque n’est
resté qu’une portion reliant une des tours de l’entée du port, la Tour
de la Chaîne à celle de la Lanterne. Face au chenal d’accès, il
protégeait la ville d’une agression par la mer. Il est à noter que les
autres vestiges de remparts encore visible aujourd’hui sont postérieurs,
ils sont de style Vauban, contrairement au rempart conservé suite au
siège, différent. Située où elle était et non fortifiée, la ville
pouvait offrir une fragilité aux invasions anglaises par la mer, il fut
donc jugé prudent de la protéger à nouveau.
Enfin bien sûr, les privilèges de la ville furent supprimés.
Gouvernée par des officiers royaux, les protestants survivants du siège
seuls eurent seuls le droit de rester, les autres ne pouvaient s’y
installer. A leur place sont arrivés des Catholiques et des ordres
religieux : Oratoriens, Capucins, Minimes (qui ont donné leur nom à
l’actuel Port de Plaisance). Tout d’abord, ce fut une disparition
physique à proprement parler de la population. La quasi-totalité de la
population actuelle n’est aucunement descendante des résistants
protestants du siège… contrairement à ceux qu’ils se complaisent à
laisser croire pour se bâtir une légende.
En outre, le pouvoir royal décida de créer Rochefort, à 30 kilomètres
au sud sur l’estuaire de la Charente, une place importante pour la
marine.
La Rochelle se repeupla lentement. Elle dut attendre le milieu du
XIXe siècle pour retrouver la population initiale. Elle retrouva un peu
de prospérité économique grâce aux liaisons maritimes avec la Nouvelle
France et la Louisiane au XVIIIe, quand des commerçants protestants
venus des alentours (souvent de Saintonge) furent autorisés à venir s’y
installer à nouveau. Et comme Bordeaux et Nantes, ce qu’elle préfère
oublier à présent, elle prit sa part au commerce triangulaire. Dans le
centre historique – médiéval et Renaissance- on trouve aussi quelques
magnifiques hôtels particuliers du XVIIIe qui attestent d’un certain
retour de fortune pour quelques uns à cette époque.
Mais elle ne fut plus jamais une place de première importance. La
Rochelle est passée à côté du destin que sa situation exceptionnelle lui
permettait d’avoir. Les spécialistes de l’évolution démographique
estiment que cette agglomération de 100.000 habitants aujourd’hui
compterait à présent 2 millions si le siège n’avait pas mis un terme à
sa progression. C’est d’ailleurs un exemple type de lecture de
l’histoire sur l’étude de l’urbanisation. Dès que l’on sort du centre
historique, centre plutôt important pour une ville moyenne, on arrive
très vite aux quartiers de la fin du XIXe siècle et XXe comme si
l’histoire s’était arrêtée au début du XVIIe avant de repartir à l’aube
du XXe siècle…
Depuis, le port s’envase perpétuellement à cause des bases de la
digue qui barrait l’entrée du port et dont subsiste aujourd’hui une
petite tour rouge, dite la Tour Richelieu.
V. Les Anglais, acteurs – peu glorieux- et oubliés du drame
Au moment de la reddition, le roi ne connaît que les Rochelais, mais
des négociations étaient en cours à Londres, longues, alors que la ville
agonisait. Les Rochelais comptaient sur une aide anglaise. Quand ils
prirent conscience qu’elle ne viendrait pas ils se rendirent. Les
Anglais avaient été à l’origine du déclenchement du siège en tentant de
débarquer en Juillet 1627 à Ré.
En fait, les Anglais mènent aussi double jeu. Ils auraient surtout
voulu profiter du conflit pour faire main basse sur la ville. L’aider à
rester indépendante du royaume de France pour qu’elle leur fasse
concurrence dans le domaine du commerce maritime n’était évidemment pas
leur but premier (on se demande bien pourquoi). Louis XIII feignit de
croire qu’il n’y avait eu aucune trahison, malgré quelques indices
contradictoires. Des soldats anglais étaient dans la ville durant le
siège, ils purent repartir libres.
VI. Fin de La Rochelle, fin de la puissance politique des Protestants
Le sort des Rochelais augure le sort des protestants tout le long du
XVIIe. Suite au siège, le roi ne toucha pas à l’Edit de Nantes, et il
n’y touchera pas. Louis XIII poussa son avantage pour soumettre le Midi
et finalement Rohan dut traiter avec Richelieu. Ce fut l’Edit d’Alès du
27 juin 1629. Il est à nouveau reconnu aux Protestants la liberté de
culte mais cet édit stipule la destruction de nombreuses forteresses,
c’est surtout pour le pouvoir l’occasion de se débarrasser des places de
sûreté. L’Edit d’Alès, c’est l’Edit de Nantes moins les places de
sûreté.
Le parti protestant privé de ses bastions devait disparaître, l’Edit
d’Alès aurait été suivi plus rapidement de la révocation de l’Edit de
Nantes si Richelieu n’avait pas eu à combattre à l’extérieur. Quand la
Révolution a donné aux Protestants les mêmes droits qu’aux Catholiques
ainsi qu’aux Juifs, c’était trop tard pour qu’ils puissent jamais
reprendre la place qu’ils avaient acquis en quelques décennies au début
de l’époque moderne. A La Rochelle, la France a choisi un camp.
La France, nettement moins ancrée que l’Espagne dans l’attachement au
Catholicisme, s’est montrée incapable d’aller jusqu’au bout de la
tolérance. Mais compte tenu de l’enjeu politique que représentait le
Protestantisme pouvait-elle maintenir l’équilibre ? Là est toute la
question de la tolérance religieuse.
Avant le siège, le parti protestant n’était déjà plus aussi puissant.
Les grands aristocrates avaient déjà lâché la cause (Condé), seuls
restaient Rohan et son frère Soubise. Ils ne demandèrent que le respect
de l’Edit de Nantes.
L’anéantissement du symbole eut un grand retentissement. L’exil des
Huguenots commença après. Il existe une ville à côté de New York
baptisée New Rochelle fondée par des émigrés rochelais. D’autres
partirent en Afrique du Sud. En Hollande, en Allemagne, aux Etats-Unis
un certain nombre de ressortissants appartenant à l’élite sociale
portent des noms français, ce sont des descendants de Protestants qui
ont fui à cette époque. On dit que l’ Europe a basculé économiquement
vers le nord parce que le Nord était protestant. La Rochelle peut être
vue comme le pivot du mécanisme qui a fait basculer la France du moins
bon côté.
In fine, on peut constater qu’un roi pourtant très pieux n’hésita pas
à réduire à une mort atroce ses sujets, et un cardinal réputé grand
homme d’Etat préféra perdre une ville dont la puissance économique était
un atout considérable au lieu de la laisser prospérer dans une autre
foi que celle du roi. Pour les bourgeois rochelais s’agissait-il
vraiment d’un combat pour le triomphe de leur foi ou la lutte éternelle
pour la vie et les moyens de conserver prospérité et richesse, là est
toute la question.
Quel plus bel exemple que le martyre de cette ville pour une certaine
République toujours en quête d’exemple des atrocités de l’absolutisme
royal ? Le sujet a été battu et rebattu, le cardinal sans cœur et les
Rochelais dans le rôle de Sainte Blandine, défendant leur foi jusqu’à la
mort. En fait, ces gens défendaient leur liberté, condition sine qua none
de leur prospérité, ce qui est légitime mais ne légitime peut-être
toutes les récupérations actuelles, de la « cité martyre », « belle et
rebelle » (bien évidemment) à la « cité crucifiée », ou toute autre
référence romantique. Néanmoins, avec l’évolution de ces dernières
années et le lent changement de pouvoir, le politiquement correct a
dissuadé les Rochelais de déclarer leur ville « Belle et Rebelle » pour
préférer « Belle et Généreuse » (…) Il ne fait plus bon donner en
exemple la rébellion, pour une place forte de la Franc-Maçonnerie
triomphante, surtout là où elle accueille tous les ans …. l’Université
d’Eté du PS.
Grandeur et décadence effectivement.
Bibliographie :
Encyclopaedia Universalis, « Catholiques et Protestants en France », « Richelieu », « La Maison de Bourbon ».
LIGOU Daniel, Le protestantisme en France de 1598 à 1715, Paris, SEDES, Regards sur l’histoire, 1968. RICHELIEU Armand Jean du Plessis, Mémoires Le siège de La Rochelle, Tome VII, Clermont-Ferrand, Paleo, 2003.
SAUPIN Guy, L’Edit de Nantes en 30 questions, Geste, La Crèche, 1997.
AUGERON Mickaël, POTON Didier, FAUCHERE Nicolas, BONNIN Jean Claude, RAMBEAUD Pascal, La Rochelle, capitale atlantique, capitale huguenote, Paris, Ed. du Patrimoine, 1998.
CRETE Liliane, La Rochelle au temps du grand siège, 1627-1628, Paris, Perrin, 2001.
VAUX de FOLETIER François (de), Le Siège de La Rochelle, Monein en Béarn, éditions PyréMonde, 2008.