mercredi 31 juillet 2013

30 juillet… 1940. Création des « Chantiers de Jeunesse »

Le service militaire ayant été aboli dans les clauses de l’armistice, l’Etat français, sous l’égide du Maréchal Pétain, lança cette initiative sous le commandement du général de la Porte du Theil.
Elle se proposait « de donner aux jeunes hommes de France, toutes classes confondues, un complément d’éducation morale et virile qui, des mieux doués fera des chefs et de tous des hommes sains, honnêtes, communiant dans la ferveur d’une même foi nationale ».
Dans un premier temps, les jeunes hommes de la zone libre et de l’Afrique du Nord française en âge (20 ans) d’accomplir leurs obligations militaires y étaient incorporés pour un stage de six mois.
Ils vivaient en camps près de la nature, à la manière du scoutisme et accomplissaient des travaux d’intérêt général, notamment forestiers. L’ambiance était paramilitaire, le sens de la hiérarchie et du respect des chefs très développé, et bien sûr les valeurs de la Révolution nationale imprégnaient cette oeuvre participant à l’effort de redressement national.
Relativement coupés des influences politiques (de la « Résistance » comme des partis collaborationnistes), les Chantiers étaient aussi vus par certains à Vichy comme le fer de lance d’une future armée qui pourrait éventuellement servir à libérer le territoire de l’Occupant. Par la suite, ils fournirent d’ailleurs aux forces alliées de nombreux hommes (pour autant souvent restés maréchalistes).
http://www.contre-info.com

jeudi 25 juillet 2013

La république a menti :

Voici une brève analyse historique, mettant en relief tous les mensonges que l'école républicaine a enseigné et enseigne encore et toujours sur l'Ancien Régime et la misère ouvrière. A travers des analyses historiques par des historiens de renom, cette vidéo vous dévoilera un aspect méconnu des qualités de vie au Moyen-Âge ainsi que les conditions de travail et des ouvriers de l'époque. Sans oublier aussi la naissance du prolétariat et de la misère ouvrière depuis la révolution française et sa fameuse loi Le Chapelier interdisant les corporations, et la naissance du libéralisme économique qui en fut la conséquence et qui engendrera à son tour le socialo-marxisme.
TOUT CE QUE L'EDUCATION NATIONALE NE VOUS ENSEIGNERA JAMAIS ET POUR CAUSE...

mardi 23 juillet 2013

17 novembre 1869 Inauguration du canal de Suez

Le 17 novembre 1869, le canal de Suez est inauguré en présence de l'impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III. Sont également présents l'empereur d'Autriche François-Joseph, les princes Frédéric-Guillaume de Prusse et Hendrik des Pays-Bas ainsi que l'émir Abd el-Kader. L'impératrice est la première à remonter le canal sur le yacht impérial.
Cette réalisation pharaonique manifeste avec éclat l'entrée de l'Égypte dans la modernité. Elle endette aussi le pays et va ruiner ses habitants, au point que, douze ans plus tard, le souverain devra accepter le protectorat britannique.
Joseph Savès
L'ouverture du canal intervient à un moment où l'Occident se prend de passion pour l'Égypte. Il apprécie autant la civilisation pharaonique redécouverte par Champollion que l'Égypte moderne, réformée par le vice-roi Méhémet-Ali et ses successeurs.
En prévision de l'inauguration d'un nouvel Opéra au Caire, le compositeur Giuseppe Verdi écrit Aïda sur une suggestion de l'égyptologue français Auguste Mariette. Les décors ayant été bloqués à Paris du fait de la guerre franco-prussienne de 1870, la première représentation a finalement lieu le 23 décembre 1871.
Le canal des pharaons
L'idée d'une liaison entre Méditerranée et mer Rouge remonte à la plus haute Antiquité. Un bas-relief égyptien montre Séthi 1er, pharaon de la XIXe dynastie (vers 1300 av. J.-C.), qui revient de la guerre et longe ce qui devait être un embryon de canal entre le Nil et la mer Rouge. Ce canal s'interrompait au lac Amer, au milieu de l'isthme de Suez.
Vers 600 av. J.-C., le pharaon Nechao II (XXVIe dynastie) tente de prolonger le canal jusqu'à la mer Rouge mais il doit y renoncer (le même pharaon, plein d'imagination, avait aussi financé une expédition de marins phéniciens autour de l'Afrique).
Le canal est désensablé et remis en état un siècle plus tard par le roi des Perses, Darius 1er. Son fils Xerxès ouvre un modeste chenal jusqu'à la mer Rouge. Le canal est enfin élargi et même doté d'une écluse par le roi d'Égypte Ptolémée 1er (285 à 247 av. J.-C.).
L'empereur romain Trajan, un siècle après Jésus-Christ, le remet à nouveau en état et le canal prend son nom : «fleuve de Trajan». Les conquérants arabes, à leur tour, le réhabilitent. Il est définitivement fermé en 776 par le calife al-Mansour, qui craignait peut-être qu'il ne servît à des opposants ou des infidèles. D'éminents voyageurs de l'Antiquité (Diodore, Strabon, Pline l'Ancien) ont laissé des descriptions de cette infrastructure d'avant-garde.
Une difficile gestation
En 1798, les Français débarquent en Égypte sous le commandement de Napoléon Bonaparte et reprennent l'idée d'un percement de l'isthme de Suez. Bonaparte commande un relevé à Gratien Lepère mais celui-ci conclut à l'impossibilité du projet en raison d'une trop grande différence de niveau entre la Méditerranée et la mer Rouge... Il a fait une erreur de 10 mètres !
Sous le règne du khédive (vice-roi) Méhémet Ali, au pouvoir de 1805 à 1849, l'ingénieur Linant de Bellefonds réétudie le projet sur une base plus réaliste. Il explore le cours du Nil et se voit nommer ingénieur en chef des travaux publics de Haute-Égypte en 1831 mais sans pouvoir faire aboutir son projet.
L'invention des bateaux à vapeur ravive l'intérêt pour une liaison entre l'Europe et les Indes via l'Égypte car ces navires peuvent, plus facilement que les voiliers, remonter la mer Rouge et affronter ses vents contraires. En 1830 est établie une première liaison à vapeur entre Bombay et Suez. En 1836 vient la liaison Alexandrie-Londres.  
Avec une liaison terrestre entre les deux ports égyptiens, les Anglais arrivent ainsi à réduire de cinq mois à quarante jours la durée du voyage entre l'Angleterre et les Indes. Ils occupent Socotra et Aden en 1835 et 1839, car il s'agit de ports stratégiques sur la nouvelle route. Cela leur suffit. Tout au plus aspirent-ils à un chemin de fer entre Alexandrie et Suez... Ils ne veulent pas d'un canal qui profiterait principalement à des ports de la Méditerranée, comme Marseille et Gênes. Aussi le rêve du canal de Suez est-il porté essentiellement par les Français.
En 1833, voilà que débarquent en Égypte 80 saint-simoniens, bientôt rejoints par leur chef spirituel, Prosper Enfantin, surnommé le «Père Enfantin». Ces Français idéalistes sont des adeptes du comte de Saint-Simon, un penseur du début du siècle qui promet un avenir rayonnant grâce aux progrès des techniques et de l'industrie (parmi eux Thomas Urbain, qui inspirera plus tard la politique arabe de Napoléon III). Ils voient dans l'Égypte un terrain d'expérience idéal pour la mise en oeuvre de leurs théories.
Prosper Enfantin est séduit par le projet de canal. Il fonde une société en vue des travaux mais n'arrive pas à emporter l'adhésion du vice-roi.
Lesseps surmonte les obstacles
Les réticences officielles vont finalement tomber grâce à la séduction et au don de persuasion du diplomate Ferdinand de Lesseps, né en 1805. Celui-ci représente la France en Égypte et bénéficie par ailleurs d'une bonne réputation à la cour de Napoléon III.
Vice-consul à 27 ans à Alexandrie, Ferdinand de Lesseps donne des leçons d'équitation à Muhammad Saïd, fils préféré du khédive Méhémet Ali. 
À Alexandrie, il rencontre par ailleurs le saint-simonien Prosper Enfantin et adhère à son projet. En 1849, il quitte la «carrière» (la diplomatie) et s'y consacre pleinement...
Beaucoup plus tard, quand son élève devient khédive le 13 juillet 1854, il lui adresse de Paris ses félicitations.
Invité en Égypte, Ferdinand de Lesseps profite de l'occasion pour le persuader de creuser l'isthme de Suez selon le projet de Linant de Bellefonds. Reste à convaincre l'opinion européenne, à rassurer le sultan et surtout à surmonter l'opposition du gouvernement anglais au projet. Celui-ci craint pour sa domination sur le trafic Europe-Asie et pour son propre projet d'un chemin de fer entre la Méditerranée et l'Océan Indien.
Ferdinand de Lesseps renonce à solliciter les banquiers car ils réclament une part de la future société d'exploitation du canal en échange de leurs prêts. Foin de banquiers ! Lesseps préfère solliciter l'épargne publique et multiplie les conférences en Angleterre et en France en vue de séduire les futurs souscripteurs. Avec l'appui de la jeune impératrice des Français, Eugénie de Montijo, à laquelle sa famille est apparentée, il obtient enfin le 30 novembre 1854 une concession de 99 ans.
On lit dans l'acte de concession du khédive : «Notre ami, M. Ferdinand de Lesseps, ayant appelé notre attention sur les avantages qui résulteraient pour l'Égypte de la jonction de la mer Méditerranée et de la mer Rouge par une voie navigable pour les grands navires, et nous ayant fait connaître la possibilité de constituer, à cet effet, une compagnie formée de capitalistes de toutes les nations, nous avons accueilli ses propositions et nous lui avons donné, par ces présentes, pouvoir exécutif de constituer et de diriger une compagnie universelle pour le percement de l'isthme et l'exploitation d'un canal entre les deux mers...»
Ferdinand de Lesseps fonde donc le 19 mai 1855 la Compagnie universelle du canal maritime de Suez dont le nom est encore porté par un groupe industriel (Suez Lyonnaise des Eaux) en vue de creuser le canal et d'en gérer ensuite l'exploitation. Son capital est fixé à 200 millions de francs (400.000 actions de 500 francs). Ses bénéfices doivent initialement se répartir comme suit : 75% pour les actionnaires, 10% pour les fondateurs, dont Lesseps, 15% pour l'État égyptien. Mais les actionnaires se font prier et seulement la moitié du capital trouve preneur à la Bourse de Paris...
Les travaux débutent le 25 avril 1859, avec le concours de vingt mille fellahs égyptiens mis à disposition par Saïd Pacha, mais Lesseps n'est pas au bout de ses peines. Voilà que le khédive se rétracte. Craignant de s'attirer la colère du sultan de Constantinople, allié des Anglais, il interdit l'emploi de main-d'oeuvre égyptienne sur le chantier. Ferdinand de Lesseps fait appel à l'intercession de Napoléon III.
Le 18 janvier 1863, la mort de Saïd Pacha et l'avènement de son neveu Ismaïl, fervent modernisateur, lèvent définitivement tous les obstacles. Ferdinand de Lesseps convainc son nouvel ami de souscrire au capital de sa compagnie pour le montant restant dû. C'est ainsi que l'Égypte se retrouve en possession de 44% des actions avec la promesse de toucher 48% des bénéfices jusqu'en… 1968 !
Enfin, en 1866, le sultan de Constantinople reconnaît officiellement la concession du canal. Plus rien ne s'oppose à l'achèvement des travaux, d'autant que le khédive, bien imprudemment, va mettre le crédit de son État au service du canal.
Comme le capital de la Compagnie de Suez est loin de suffire aux besoins de financement, il emprunte huit millions de livres, soit l'équivalent du capital de la Compagnie, en contrepartie desquels il ne doit recevoir que 15% des bénéfices futurs !
Une voie prometteuse
Au terme des travaux, le canal, d'une longueur de 162 kilomètres, sur 54 mètres de largeur et 8 mètres de profondeur, traverse l'isthme de part en part.
Des villes nouvelles naissent dans le désert : Port-Saïd sur la Méditerranée (ainsi nommée en l'honneur de l'ancien khédive) et Suez sur la mer Rouge, ainsi qu'Ismaïla, entre les deux. La jonction des eaux a lieu le 15 août 1869. Lesseps proclame à cette occasion : « Au nom de son Altesse Mohammed Saïd, je commande que les eaux de la Méditerranée soient introduites dans le lac de Timsah, par la grâce de Dieu !»
Hélas, le héros du jour, Ferdinand de Lesseps, tentera dix ans plus tard de renouveler son exploit en ouvrant l'isthme de Panama mais il n'aboutira qu'à un désastre financier et politique.
L'Angleterre rafle la mise
Le canal de Suez permet d'abréger de 8000 kilomètres la navigation entre Londres et Bombay en évitant de contourner le continent africain. Désireuse de protéger cette nouvelle route maritime qui mène à sa principale colonie, l'Angleterre s'installe en 1878 à Chypre, avec l'accord du sultan. Dans le même temps, elle grignote l'influence française en Égypte.
L'exploitation du canal connaît des débuts laborieux. Les bénéfices escomptés ne sont pas au rendez-vous de sorte qu'en 1871, les actions ne valent plus que 208 francs au lieu de 500. C'est un coup terrible pour Ismaïl Pacha. En 1875, le souverain, en quasi-banqueroute, est obligé de vendre ses actions du canal de Suez pour combler une partie de ses dettes. Le Premier ministre Benjamin Disraeli se porte immédiatement preneur au nom de l'Angleterre pour quatre millions de livres. Sur le long terme, son investissement se révèlera extrêmement juteux avec une rentabilité de 8 à 9% par an jusqu'à la nationalisation du canal en 1956.
Quelques mois plus tard, le 8 avril 1876, l'État égyptien se déclare en faillite, ruiné par les investissements dispendieux d'Ismaïl Pacha et la voracité des créanciers occidentaux. Il doit se placer sous la tutelle d'une commission franco-anglaise en attendant que l'armée britannique occupe le pays.

Hannibal, le plus grand ennemi de Rome

dimanche 21 juillet 2013

Jean Haudry - Les indo-européens

Matriarcat indo européen : les guerrières amazones d'Asie centrale (Scyt...

1628 : La ruine de La Rochelle signe la fin des Huguenots

Louis XIII et Richelieu assiégèrent La Rochelle durant un peu plus d’un an, d’août 1627 à octobre 1628. En octobre 1628, Louis XIII et Richelieu, vainqueurs, purent entrer dans la ville. Ils trouvèrent les survivants réduits aux dernières extrémités. Or, avant le siège, toute l’histoire de la ville n’avait été que prospérité, indépendance politique et financière face au pouvoir, le tout accompagné d’une certaine arrogance.
Après la confirmation en 1610 de l’Edit de Nantes par la régente, les Protestants rochelais avaient en effet toutes les raisons d’espérer. Après avoir été plutôt épargnés par les troubles religieux du XVIe siècle, ils pouvaient croire « Dieu à leur côtés » en vertu des préceptes de leur religion. En fait, devenus « un Etat dans l’Etat », la ville était en sursis quand Louis XIII reprit les hostilités contre les Protestants en 1620 en commençant par le Midi de la France. La ville était armée, c’était l’enjeu politique majeur du parti protestant, l’Europe du Nord protestante avait les yeux sur elle. Richelieu préféra un siège sans bombardements afin d’éviter d’en faire une cité martyre. Il se trompa, le résultat fut terrible, l’ultime clémence royale ne put effacer la longue agonie de la population et sa conséquence, la ruine de la cité en tant que puissance.
I. La Rochelle, un lieu idéal pour le développement de la religion réformée
Le contexte politico-économique en premier s’y prêtait. Le Protestantisme a touché en premier la haute noblesse, le monde des lettrés et la classe marchande enrichie. Cette religion s’affranchissait de l’autorité suprême du Pape et par conséquent, de la structure hiérarchique de l’Eglise catholique, dont au premier chef, les évêques, le propre du Protestantisme était de permettre un rapport à Dieu direct.
Dans le Catholicisme, outre les évêques, il fallait compter avec le Roi, « par la grâce de Dieu », dont il était le représentant sur terre. La situation politico-économique de la ville devenue protestante offrait donc une parfaite corrélation entre temporel et spirituel. Bénéficiant d’une charte dès 961 octroyée par le duc Guilllaume d’Aquitaine pour l’exploitation du port, Guillaume X d’Aquitaine la fit fortifier dès 1130 et l’affranchit des tutelles féodales. Cette franchise fut confirmée en 1146 par Aliénor d’Aquitaine (fille de Guillaume et héritière du duché et comtesse du Poitou), et une Charte communale est accordée en 1175 par Henri II Plantagenêt, époux d’Aliénor. Comme toutes les communes libres, la ville avait le privilège d’être auto-gérée et surtout affranchie des impôts dont le peuple des campagnes était accablé.
Ville, indépendante depuis le XIIe siècle elle était protégée également de la convoitise de grands féodaux dont le fief se serait trouvé à proximité. Rappelons qu’au Moyen Age, Bordeaux, Nantes et Poitiers situées chacune dans un rayon de plus de cent kilomètres autour de la ville, étaient les capitales de duchés puissants. La Rochelle, à l’extérieur ouest des axes terrestres reliant ces villes, avec pour arrière pays la plus petite province de France, l’Aunis, une terre marécageuse… put se développer tranquillement… grâce à son port marchand, et elle était devenue très riche…. Un paradis fiscal « heureux et caché » en quelque sorte…
A cela s’ajoutait la situation géopolitique du Protestantisme. Il a touché le Nord et tout un arc de communication de Genève à l’Atlantique, en contournant le Massif Central par le sud. La Rochelle était comme un interface entre les Nord et Midi protestants français.
Le port avait pris son essor dès la Moyen Age – ce fut un haut lieu pour les Templiers- mais la découverte de l’Amérique en avait amplifié l’importance. C’était le seul port en eaux profondes directement ouvert sur l’Atlantique, contrairement à Nantes au nord et surtout Bordeaux au Sud présentant le désavantage d’être des ports d’estuaire auxquels on accède par une lente remontée.
Enfin d’un point de vue humain, la ville fut cosmopolite depuis les débuts car c’était une étape médiane sur les routes maritimes qui, partant de Méditerranée remontaient vers le Nord après avoir contourné la péninsule ibérique. De nombreux négociants Italiens, Flamands, Anglais, Néerlandais s’y étaient installés. La ville aurait été surnommée la Nouvelle Amsterdam (premier nom de New York) d’après les érudits locaux.
II. La ville devint ainsi capitale huguenote
Au départ la cohabitation fut pacifique entre Catholiques et Protestants. La ville comptait peu d’ordre religieux en ses murs. Les protestants devinrent majoritaires sans heurts, ils ne recherchaient pas la guerre, néfaste aux affaires. Mais elle y fut impliquée par les contrecoups, entre la montée crescendo soit des « zélés », soit des « modérés ». A chaque fois elle redouta de s’engager afin de ne pas avoir à y perdre son indépendance.
Mais elle fut amenée à prendre position. Tout d’abord en refusant d’accueillir des troupes royales comme il lui fut demandé. Ensuite de 1568 à 1571, la ville accueillit des princes protestants pour s’en prémunir, parmi eux, Condé, Coligny, ainsi que Jeanne d’Albret reine de Navarre et son fils Henri, ce qui lui valut le nom de « capitale huguenote ».
blason La Rochelle
Blason de La Rochelle.
En 1572, après la Saint-Barthélemy, elle opposa le même refus, ce qui entraîna pour elle d’avoir à soutenir un premier siège de 1572 à 1573. Ses solides remparts résistèrent à neuf assauts mais ce fut en fait la Providence qu’elle dut son salut. En effet, l’assiégeant était le futur Henri III, qui leva le siège quand les Polonais, dont la monarchie était élective, le choisirent comme roi. La ville, à tort, en acquit une impression d’invincibilité, et ce d’autant plus que sa résistance eut un grand retentissement.
En 1581, s’y tint le XIe synode national des Eglises Réformés. Enfin de 1586 à 1589, Henri de Navarre en fait son quartier général après la mort en 1585 du duc d’Alençon. La Rochelle lui fournit les fonds pour sa victoire car il était le prétendant légitime en vertu des règles dynastiques. Après les trois fils d’Henri II, il n’y avait plus de descendant capétien mâle de la lignée des Valois, et par son père, Henri de Bourbon, Henri de Navarre descendait en ligne directe masculine de Saint Louis. Il tenait la Navarre de sa mère Jeanne d’Albret.
III. Une place de sûreté particulièrement privilégiée
L’Edit de Nantes concédait des places de sûreté aux Protestants, qui, comme leur nom l’indique leur procuraient un espace réservé, sécurisé où ils pouvaient s’auto-gérer… Toutes n’avaient pas la même importance ni les moyens militaires de se protéger, mais quand c’était le cas – comme à La Rochelle – ces places pouvaient selon leur importance, devenir des Etats dans l’Etat. La ville avait en fait et on peut le lire dans les textes de l’époque, un statut très particulier après l’Edit de Nantes. L’Edit comportait des clauses secrètes et elle en bénéficiait. Elle n’avait ni gouverneur royal, ni garnison.
En 1612, on parle officieusement d’un grand port de mer, qui a pour gouverneur le Maire et son Conseil. Une petite république indépendante en quelque sorte. En conséquence, elle fut perçue par le parti catholique comme « une Amsterdam en puissance » ou comme « la capitale du vice », et ce d’autant plus qu’elle accueillait les Assemblées Réformées. A la mort d’Henri IV, Marie de Médicis régente confirme l’Edit de Nantes. De 1610 à 1620, c’est la paix. Louis XIII est enfant. Mais une fois devenu roi, en 1617 tout changea. Il rompit avec la politique de son père que sa mère avait poursuivi. Il se révéla un Roi très différend de son père. La Rochelle, un enjeu de pouvoir, un exemple à faire pour le pouvoir.
Louis XIII fut un roi dévot et Richelieu un cardinal politique. Dès sa prise réelle de pouvoir en 1617, Louis XIII entendit en finir avec les Huguenots par ferveur religieuse catholique car le parti dévot avait beaucoup d’influence sur lui.
Les hostilités reprennent en 1620 contre le sud protestant. Rohan chef des Huguenots, garda toujours un oeil sur La Rochelle tout en combattant dans le Sud. Le port de La Rochelle sert de liaison avec l’Europe du Nord. Dès 1622, le roi avance ses positions dans le secteur en faisant construire un fort en aval du chenal d’accès au port, le Fort Louis, situé à l’entrée nord de la baie. Aussitôt les Rochelais y voient un casus belli. En 1625 eurent lieu de première batailles navales, qui furent des premières défaites. La suite devint inéluctable.
Richelieu, arrive auprès du roi en 1624, contre le parti dévot. Cependant il déclara à posteriori avoir toujours eu pour but : « ruiner le parti huguenot, rabaisser l’orgueil des grands, réduire tous les sujets en leur devoir et relever le nom du roi dans les nations étrangères au point où il devait être ». En fait, c’était un fin politique qui sut tirer parti de l’émergence du Protestantisme en dehors des frontières du royaume dans la mesure où cela participait à l’affaiblissement des Habsbourg. Détenteurs du titre d’Empereur du Saint Empire Romain Germanique, un des leurs sur le trône d’Espagne, la France ne pouvait – pour préserver sa puissance – que contrer leurs menées hégémoniques.
La Rochelle fut donc en quelque sorte une caution donnée par le Cardinal au parti dévot plus qu’une réelle nécessité stratégique. La ville fut victime de ce qu’elle représentait politiquement plus que de ce qu’elle était religieusement.
Les déroulement du siège a fait l’objet de nombreux récits. Alexandre Dumas dans Les Trois Mousquetaires a immortalisé cet épisode de l’histoire de l’Ancien Régime. Tout commença en juillet 1627, quand une armée navale anglaise conduite par le duc de Buckingham, mit le pied sur l’île de Ré, juste en face de la ville. Les troupes royales françaises interceptèrent bien évidemment par précaution les approvisionnements de la ville. Les Rochelais consolident alors leurs positions et le 10 septembre tirent un premier coup de canon vers les troupes royales… La décision d’encercler la ville est aussitôt mise en oeuvre…
Dès le 15 septembre arrive le duc d’Orléans, suivi le 12 octobre de son frère Louis XIII en personne… Le 8 novembre, les Anglais sont défaits à Ré par les troupes royales françaises, Buckingham et ses troupes doivent plier bagage. On accède au port par un chenal. Une digue de 1,5 kilomètres est érigée en travers pour fermer la voie d’accès maritime. Une fois le chenal fermé, la ville est coupée définitivement du reste du monde. Pour cela, 59 navires lestés de pierre furent coulés pour servir de base à la digue. Contrairement à Louis XIII qui eut préféré donner l’assaut, le Cardinal privilégia le siège escomptant sur une reddition rapide de la ville. Cette stratégie moins coûteuse en vies humaines le fut davantage matériellement, puisqu’il fallut entretenir 30.000 hommes durant de longs mois. L’Eglise apporta néanmoins un soutien financier conséquent.
Quelques députés rochelais exfiltrés de la ville avec Buckingham allèrent quérir l’aide du roi d’Angleterre mais la diplomatie du Cardinal ayant porté ses fruits, les tentatives anglaises de forcer le blocus furent plutôt timorées. Durant des mois, les Rochelais suffisamment organisés pour optimiser la gestion des vivres parvinrent à tenir le coup. Mais en automne 1628, soit un peu plus d’un an après le début du siège, le nombre de morts est effarant : 18.00 ! Le 29 octobre 1628, la ville capitule.
Dans les mémoires du Cardinal de Richelieu on peut lire « on trouva la ville toute pleine de morts, dans les chambres, dans les rues et dans les places publiques… qu’ils ne pourrissaient ». Les morts étaient desséchés… La Rochelle comptait 27.000 habitants, 4000 avaient quitté la ville au début des hostilités. Lors de la reddition il en restait 1500. La France comptait à peu près 20 millions d’habitants. Rapporté à la démographie actuelle, c’est 65.000 personnes qui disparurent.
IV. Un an de siège, une capitulation sans conditions
Le roi accorda sa clémence aux Rochelais et se montra même magnanime, interdisant à ses troupes le pillage et les viols et faisant distribuer immédiatement des vivres aux survivants entraînant quelques cas de mort par … indigestion. Les Rochelais furent mieux traités que les Protestants du Midi, pour lesquels les destructions et horreurs opérées par les armées d’Epernon, les « gastadours » sont de sinistre mémoire.
Le roi fit son entrée par la porte de Cougnes, alors entrée officielle de la route de Paris, et alla entendre un Te Deum en l’Eglise Sainte Margueritte (actuel Oratoire) que les Protestants avaient transformée en dépôt de munitions. Surtout, ils durent procéder à un rite pour eux honni, celui de « faire tendre les principales rues de cette ville », en guise d’honneur rendu au Roi une procession d’accueil. Ces rites, sorte de survivance du paganisme spécifique aux pays catholiques, avaient été rejetés par les Protestants, de là l’aspect symbolique de cette obligation qui leur fut faite.
Les survivants, dont le maire Guiton eurent à s’exiler. Guiton, que le roi refusa de recevoir le rendant responsable de l’agonie de ses concitoyens, mourut paisiblement dans sa retraite en 1654.
Une fois la clémence accordée à quelques survivants qui ne sont plus dangereux, le roi en vint au but premier de ce siège, anéantir le symbole du protestantisme.
Moins symbolique en revanche, il fut, immédiatement après le siège, procédé à la destruction des remparts de la ville. De cette époque n’est resté qu’une portion reliant une des tours de l’entée du port, la Tour de la Chaîne à celle de la Lanterne. Face au chenal d’accès, il protégeait la ville d’une agression par la mer. Il est à noter que les autres vestiges de remparts encore visible aujourd’hui sont postérieurs, ils sont de style Vauban, contrairement au rempart conservé suite au siège, différent. Située où elle était et non fortifiée, la ville pouvait offrir une fragilité aux invasions anglaises par la mer, il fut donc jugé prudent de la protéger à nouveau.
Enfin bien sûr, les privilèges de la ville furent supprimés. Gouvernée par des officiers royaux, les protestants survivants du siège seuls eurent seuls le droit de rester, les autres ne pouvaient s’y installer. A leur place sont arrivés des Catholiques et des ordres religieux : Oratoriens, Capucins, Minimes (qui ont donné leur nom à l’actuel Port de Plaisance). Tout d’abord, ce fut une disparition physique à proprement parler de la population. La quasi-totalité de la population actuelle n’est aucunement descendante des résistants protestants du siège… contrairement à ceux qu’ils se complaisent à laisser croire pour se bâtir une légende.
En outre, le pouvoir royal décida de créer Rochefort, à 30 kilomètres au sud sur l’estuaire de la Charente, une place importante pour la marine.
La Rochelle se repeupla lentement. Elle dut attendre le milieu du XIXe siècle pour retrouver la population initiale. Elle retrouva un peu de prospérité économique grâce aux liaisons maritimes avec la Nouvelle France et la Louisiane au XVIIIe, quand des commerçants protestants venus des alentours (souvent de Saintonge) furent autorisés à venir s’y installer à nouveau. Et comme Bordeaux et Nantes, ce qu’elle préfère oublier à présent, elle prit sa part au commerce triangulaire. Dans le centre historique – médiéval et Renaissance- on trouve aussi quelques magnifiques hôtels particuliers du XVIIIe qui attestent d’un certain retour de fortune pour quelques uns à cette époque.
Mais elle ne fut plus jamais une place de première importance. La Rochelle est passée à côté du destin que sa situation exceptionnelle lui permettait d’avoir. Les spécialistes de l’évolution démographique estiment que cette agglomération de 100.000 habitants aujourd’hui compterait à présent 2 millions si le siège n’avait pas mis un terme à sa progression. C’est d’ailleurs un exemple type de lecture de l’histoire sur l’étude de l’urbanisation. Dès que l’on sort du centre historique, centre plutôt important pour une ville moyenne, on arrive très vite aux quartiers de la fin du XIXe siècle et XXe comme si l’histoire s’était arrêtée au début du XVIIe avant de repartir à l’aube du XXe siècle…
Depuis, le port s’envase perpétuellement à cause des bases de la digue qui barrait l’entrée du port et dont subsiste aujourd’hui une petite tour rouge, dite la Tour Richelieu.
V. Les Anglais, acteurs – peu glorieux- et oubliés du drame
Au moment de la reddition, le roi ne connaît que les Rochelais, mais des négociations étaient en cours à Londres, longues, alors que la ville agonisait. Les Rochelais comptaient sur une aide anglaise. Quand ils prirent conscience qu’elle ne viendrait pas ils se rendirent. Les Anglais avaient été à l’origine du déclenchement du siège en tentant de débarquer en Juillet 1627 à Ré.
En fait, les Anglais mènent aussi double jeu. Ils auraient surtout voulu profiter du conflit pour faire main basse sur la ville. L’aider à rester indépendante du royaume de France pour qu’elle leur fasse concurrence dans le domaine du commerce maritime n’était évidemment pas leur but premier (on se demande bien pourquoi). Louis XIII feignit de croire qu’il n’y avait eu aucune trahison, malgré quelques indices contradictoires. Des soldats anglais étaient dans la ville durant le siège, ils purent repartir libres.
VI. Fin de La Rochelle, fin de la puissance politique des Protestants
Le sort des Rochelais augure le sort des protestants tout le long du XVIIe. Suite au siège, le roi ne toucha pas à l’Edit de Nantes, et il n’y touchera pas. Louis XIII poussa son avantage pour soumettre le Midi et finalement Rohan dut traiter avec Richelieu. Ce fut l’Edit d’Alès du 27 juin 1629. Il est à nouveau reconnu aux Protestants la liberté de culte mais cet édit stipule la destruction de nombreuses forteresses, c’est surtout pour le pouvoir l’occasion de se débarrasser des places de sûreté. L’Edit d’Alès, c’est l’Edit de Nantes moins les places de sûreté.
Le parti protestant privé de ses bastions devait disparaître, l’Edit d’Alès aurait été suivi plus rapidement de la révocation de l’Edit de Nantes si Richelieu n’avait pas eu à combattre à l’extérieur. Quand la Révolution a donné aux Protestants les mêmes droits qu’aux Catholiques ainsi qu’aux Juifs, c’était trop tard pour qu’ils puissent jamais reprendre la place qu’ils avaient acquis en quelques décennies au début de l’époque moderne. A La Rochelle, la France a choisi un camp.
La France, nettement moins ancrée que l’Espagne dans l’attachement au Catholicisme, s’est montrée incapable d’aller jusqu’au bout de la tolérance. Mais compte tenu de l’enjeu politique que représentait le Protestantisme pouvait-elle maintenir l’équilibre ? Là est toute la question de la tolérance religieuse.
Avant le siège, le parti protestant n’était déjà plus aussi puissant. Les grands aristocrates avaient déjà lâché la cause (Condé), seuls restaient Rohan et son frère Soubise. Ils ne demandèrent que le respect de l’Edit de Nantes.
L’anéantissement du symbole eut un grand retentissement. L’exil des Huguenots commença après. Il existe une ville à côté de New York baptisée New Rochelle fondée par des émigrés rochelais. D’autres partirent en Afrique du Sud. En Hollande, en Allemagne, aux Etats-Unis un certain nombre de ressortissants appartenant à l’élite sociale portent des noms français, ce sont des descendants de Protestants qui ont fui à cette époque. On dit que l’ Europe a basculé économiquement vers le nord parce que le Nord était protestant. La Rochelle peut être vue comme le pivot du mécanisme qui a fait basculer la France du moins bon côté.
In fine, on peut constater qu’un roi pourtant très pieux n’hésita pas à réduire à une mort atroce ses sujets, et un cardinal réputé grand homme d’Etat préféra perdre une ville dont la puissance économique était un atout considérable au lieu de la laisser prospérer dans une autre foi que celle du roi. Pour les bourgeois rochelais s’agissait-il vraiment d’un combat pour le triomphe de leur foi ou la lutte éternelle pour la vie et les moyens de conserver prospérité et richesse, là est toute la question.
Quel plus bel exemple que le martyre de cette ville pour une certaine République toujours en quête d’exemple des atrocités de l’absolutisme royal ? Le sujet a été battu et rebattu, le cardinal sans cœur et les Rochelais dans le rôle de Sainte Blandine, défendant leur foi jusqu’à la mort. En fait, ces gens défendaient leur liberté, condition sine qua none de leur prospérité, ce qui est légitime mais ne légitime peut-être toutes les récupérations actuelles, de la « cité martyre », « belle et rebelle » (bien évidemment) à la « cité crucifiée », ou toute autre référence romantique. Néanmoins, avec l’évolution de ces dernières années et le lent changement de pouvoir, le politiquement correct a dissuadé les Rochelais de déclarer leur ville « Belle et Rebelle » pour préférer « Belle et Généreuse » (…) Il ne fait plus bon donner en exemple la rébellion, pour une place forte de la Franc-Maçonnerie triomphante, surtout là où elle accueille tous les ans …. l’Université d’Eté du PS.
Grandeur et décadence effectivement.
Bibliographie :
Encyclopaedia Universalis, « Catholiques et Protestants en France », « Richelieu », « La Maison de Bourbon ».
LIGOU Daniel, Le protestantisme en France de 1598 à 1715, Paris, SEDES, Regards sur l’histoire, 1968. RICHELIEU Armand Jean du Plessis, Mémoires Le siège de La Rochelle, Tome VII, Clermont-Ferrand, Paleo, 2003.
SAUPIN Guy, L’Edit de Nantes en 30 questions, Geste, La Crèche, 1997.
AUGERON Mickaël, POTON Didier, FAUCHERE Nicolas, BONNIN Jean Claude, RAMBEAUD Pascal, La Rochelle, capitale atlantique, capitale huguenote, Paris, Ed. du Patrimoine, 1998.
CRETE Liliane, La Rochelle au temps du grand siège, 1627-1628, Paris, Perrin, 2001.
VAUX de FOLETIER François (de), Le Siège de La Rochelle, Monein en Béarn, éditions PyréMonde, 2008.

samedi 20 juillet 2013

L'oeuvre de Seyyed Hossein Nasr: Islam, connaissance, nature et sacré

Peu connu du public francophone, parce peu de ses ouvrages ont été traduits en français (bien que les éditions L'Age d'Homme de Lausanne préparent la traduction de l'un de ses livres, L'Islam traditionnel face au monde moderne), Seyyed Hossein Nasr est né à Téhéran, a fait ses études au Massachusetts Institute of Technology et à l'Université d'Harvard. En 1958, il est retourné à Téhéran, où il est devenu directeur de l'Académie impériale iranienne de philosophie en 1974 et professeur de philosophie à l'Université de sa ville natale. Aujourd'hui, il enseigne les sciences religieuses à la Temple University de Philadelphie. Notons aussi que Seyyed Hossein Nasr a été le collaborateur du célèbre islamologue français Henri Corbin dans la rédaction de son Histoire de la philosophie islamique, parue chez Gallimard en 1964. 
Le premier livre de Seyyed Hossein Nasr que j'ai lu en 1979 était Man and Nature. The Spiritual Crisis of Modern Man   (Mandala Books/Unwin, London, 1968/76). Le propos de cet ouvrage était à la fois religieux et "écologique", bien avant que ce vocable n'ait été à la mode. Seyyed Hossein Nasr, avant tout le monde, nous demandait de ne pas penser séparément la crise spirituelle de l'homme, provoquée par les assauts de la modernité, et la crise écologique, subie par la nature, à cause de la logique accumulatrice et exploitante, inaugurée par cette même modernité. Le tour de force du Prof. Nasr a été d'aborder la double problématique de l'homme et de la nature en se référant au taoïsme, à l'hindouïsme, au bouddhisme, au christianisme et à l'islam.
Vaste panorama des doctrines traditionnelles, présenté dans une optique qui pose comme axiome, en toute bonne logique traditionaliste et à la suite de Frithjof Schuon, l'"unité transcendante des religions", les travaux de Seyyed Hossein Nasr visent, en fait, à recomposer cette harmonie entre l'homme et la nature qu'a brisée la modernité. La connaissance des doctrines traditionnelles, énoncées avec beaucoup de pédagogie par le Prof. Nasr, doit servir à reconstituer, pièce par pièce, l'unité perdue. La négligence des principes traditionnels a conduit à la crise (morale, politique, écologique). L'omniprésence des effets de cette crise dans la vie quotidienne moderne signale l'absence de "quelque chose". Et ce sentiment d'absence est dû au bannissement de la nature hors de l'environnement quotidien moderne. Dépourvue de toute signification spirituelle, la nature déchoit: elle n'est plus qu'une "chose", exploitable, pillable, instrumentalisable, qui est à la disposition de tous et d'un chacun.
Parallèlement à cette désacralisation généralisée, à cette triste choséification de l'espace physique naturel, l'expérience religieuse, désormais débarrassée de tout ancrage fécond, n'est plus ouverte sur le cosmos; elle n'est plus qu'une expérience strictement privée entre un homme et son Dieu. Dans un tel appauvrissement de l'expérience religieuse, le cosmos, le monde, ne sont plus perçus comme les oeuvres de Dieu. Contrairement aux autres religions traditionnelles, le christianisme est, dans une certaine mesure, responsable de cette désacralisation, parce qu'il prêche le renoncement au monde et ne lui accorde, par conséquence, aucune importance métaphysique. Il ne s'agit évidemment pas du christianisme médiéval qui a su conserver relativement intactes les grandes doctrines ésotériques, notamment dans les gildes de bâtisseurs de cathédrales, chez les Fedeli d'amore (auxquels appartenait Dante; cf., à ce propos, René Guénon, Aperçus sur l'ésotérisme chrétien, Editions traditionnelles, Paris, 1988), dans les cercles hermétiques de tradition pythagoricienne. Ce christianisme européen médiéval possédait sa science sacrée des objets matériels, capables de conduire l'âme, depuis les ténèbres de la materia prima,  vers la luminosité du monde intelligible.
Mais cette science sacrée a sans cesse été refoulée par la tentation chrétienne de refuser le monde, d'une part, par la théologie trop rationaliste de l'Occident, d'autre part. Pour Seyyed Hossein Nasr, c'est le contact entre la chrétienté et l'Islam, pendant les croisades, par l'intermédiaire de l'Ordre du Temple notamment, qui réveille les éléments dormants de l'ésotérisme religieux en Europe, après le rejet, au XIième siècle des thèses néo-platoniciennes. En effet, en Islam comme en Chine taoïste, l'observation de la nature et l'expérimentation ont toujours conservé leur attachement aux traditions gnostiques et mystiques, empêchant du même coup que ne s'opère là-bas le divorce complet entre science et sacré, survenu dans l'Europe du XVIIième siècle. En refusant de séparer totalement l'homme de la nature, l'Islam préserve une vision intégrale de l'Univers, non fragmentée, à l'instar de celle de Hugues de Saint-Victor et de Joachim de Flore au Moyen Age, ou de Swedenborg, après la Renaissance. Dans cette perspective cosmique, intégrale, dépourvue de césure, l'homme cherche la transcendance et le surnaturel, non pas en s'opposant à la nature, mais en prenant appui sur cette même nature. Ce n'est qu'en étant ancré dans la nature que l'homme peut correctement la dépasser. L'homme doit apprendre à contempler la nature, non comme si elle était un domaine du réel tout-à-fait indépendant de lui, mais comme si elle était un miroir réfléchissant une réalité supérieure.
Seyyed Hossein Nasr réhabilite également les traditions animistes ou païennes qui ne véhiculent pas de césure entre l'homme et la nature. D'abord, les traditions des Amérindiens, surtout ceux des Plaines, qui n'ont évidemment pas développé une métaphysique bien articulée mais en possédaient néanmoins les fondements dans leur intériorité et les exprimaient par des symboles très parlants. L'Indien des Plaines était une sorte de monothéiste primordial, écrit Seyyed Hossein Nasr, et voyait dans la nature vierge, les forêts, les arbres, les fleuves et le ciel, les oiseaux et les bisons, les symboles immédiats du monde spirituel. Raison pour laquelle l'Indien refuse que l'on meurtrisse la nature, qu'on la sollicite outrancièrement.
Ensuite, le paganisme nord-européen, différent du paganisme méditarranéen, urbanisé et dénaturé, attribue également, selon Seyyed Hossein Nasr, une signification symbolique et spirituelle à la nature.
L'unité entre l'homme et la nature, présente dans les doctrines traditionnelles, dans le christianisme ésotérique, dans la vision du cosmos des Indiens des Plaines et des Nord-Européens, disparaît avec Descartes, qui réduit le réel à l'esprit et à la matière, appauvrissant pendant plusieurs générations la perception occidentale de la nature. Celle-ci n'est plus perçue que sous l'angle d'une physique quantitative et mécanique, qui, d'abord, n'est pas la seule physique possible et qui, ensuite, ne rend compte, justement, que des aspects quantitatifs et mécaniques du monde, laissant de côté une myriade de facettes, d'harmonies, de formes, qui ne sont nullement accidentelles ou négligeables, mais, au contraire, étroitement liées à la racine ontologique des choses. Cette négligence et cette réduction conduisent à un déséquilibre dangereux, au désordre généralisé et à la laideur des productions artistiques et architecturales des hommes, surtout dans un monde comme le monde occidental où il n'y a plus d'autres sciences de la nature et où toute sapientia  a été refoulée. L'Occident en vient ainsi à oublier que les phénomènes participent tous de plusieurs niveaux cosmiques différents et que leur réalité ne s'épuise pas dans un et un seul niveau d'existence. De la même façon qu'un tissu vivant peut être objet d'étude pour le biologiste, le chimiste ou le physicien, ou qu'une montagne peut être objet d'études pour le géologue, le géophysicien ou le géo-morphologue, tout phénomène, quel qu'il soit, doit être observé, analysé et contemplé sous différents angles ou points de vue.
L'Occident a du mal à se dégager de cette gangue physiciste/mécaniciste. L'attitude romantique envers la nature, première réaction contre le paradigme newtonien et cartésien, est demeurée plus sentimentale qu'intellectuelle, écrit Seyyed Hossein Nasr. Il poursuit: "Cette attitude passive n'a pu inaugurer un nouveau savoir. Quels que soient les services que le mouvement romantique a rendu à l'esprit en rédécouvrant l'art médiéval ou la beauté de la nature vierge, il n'a pu influencer le cours de la science ni ajouter une nouvelle dimension à l'intérieur même de la science...". Plus tard, la théorie de l'évolution, bien que biologisante et non plus unilatéralement mécanicisante, ne reflète que le Zeitgeist  accumulateur, écrit Seyyed Hossein Nasr, sans "ré-organiciser" de fond en comble les sciences physiques, tout en parodiant l'historicisme inhérent à la vulgate chrétienne.
Et quand la physique newtono-cartésienne s'effondre à la fin du XIXième siècle, l'Occident se retrouve sans aucune force spirituelle capable de ré-interpréter la nouvelle physique et de l'intégrer dans une perspective plus générale et universelle. Par ailleurs, l'effondrement du paradigme mécaniciste ouvre la voie à toutes sortes de mouvements pseudo-spirituels ou occultistes, tandis que les théologiens, maladroits et éloignés de toute véritable sapientia, ne parviennent pas à donner une réponse satisfaisante ou élaborent des corpus boîteux, comme celui de Teilhard de Chardin, qui, écrit Seyyed Hossein Nasr, "est une absurdité sur le plan de la métaphysique et une hérésie sur le plan de la théologie".
Dans un second ouvrage de Seyyed Hossein Nasr, paru en traduction allemande en 1990
Seyyed Hossein Nasr, Die Erkenntnis und das Heilige,  (Knowledge and the Sacred) Eugen Diederichs Verlag, München, 1990, 438 S., ISBN 3-424-01031-6
notre auteur récapitule ses arguments, tout en opposant la connaissance sapentiale et les processus involutifs de désacralisation, l'homme pontifical (de pontifex, pontem-facere, faire de soi un pont entre le ciel et la terre) à l'homme prométhéen. Le propos de Seyyed Hossein Nasr vise à réhabiliter le sacré dans la science, à réouvrir la science aux perspectives métaphysiques, c'est-à-dire aux plans qualitatifs ignorés par le paradigme newtono-cartésien, mais présents dans l'Islam traditionnel, par exemple.
Pour Seyyed Hossein Nasr, en Islam, religion qui, comme le judaïsme, repose sur la spiritualité abrahamique, le message de la révélation s'adresse essentiellement aux facultés de connaissance; en effet, la révélation islamique s'adresse à l'homme en tant qu'intelligence, capable de faire la distinction entre le réel et l'irréel, de reconnaître et de vénérer l'Absolu. Ce message, écrit Seyyed Hossein Nasr, a été déterminé dans l'histoire par son premier conteneur, c'est-à-dire la mentalité sémitique-arabe, qui lui a conféré une certaine émotionalité, une propension à l'inspiration exaltée, qui, sur le plan théologique, se traduit par une forme d'"anti-intellectualisme" volontaire/volontariste. Il n'en demeure pas moins que cette émotionalité anti-intellectualiste de facture sémitique-arabe n'est qu'un aspect circonstantiel de l'Islam. Son noyau essentiel demeure le primat de la connaissance, auquel émotions, inspirations et exaltations doivent rester subordonnées. Le premier article de la foi islamique Lã ilãha illa¹ Llãh (Il n'y a point d'autre divin que le Divin) s'adresse en premier lieu à la connaissance et non au sentiment ou à la volonté. Le principe de connaissance est le moteur de l'Islam et tous les noms traditionnels relatifs aux écrits sacrés ont un rapport avec la connaissance: al-qur¹ãn (exposé, discours), al-furqãn (distinction), etc. En terre d'Islam, tout au long de l'histoire, nous repérons un véritable culte de la connaissance.
Culte de la connaissance qui est lié, écrit Seyyed Hossein Nasr, à cette sapientia, cette sophia, qui dépasse la dichotomie conventionnelle entre l'intellectualisme grec et l'"inspirationalisme" hébraïque. La sophia, en effet, n'est ni pure intellectualité ni pure foi. Elle est les deux, à la perfection. Les néo-platoniciens l'ont mise en valeur, mais leur message n'a pas été entièrement compris, du moins dans le contexte chrétien et européen. La tradition chrétienne ne se veut pas a priori un chemin de la connaissance, mais un chemin de l'Amour, ce qui a conduit, dès l'aube de l'ère moderne, à négliger la sagesse/sophia, comme si elle était un corps étranger au sein d'une religion purement éthique, dont le socle serait l'amour pour Dieu et pour le prochain et l'élément central la foi. Certes, écrit Nasr, le christianisme est une religion qui privilégie la voie de l'Amour, mais son histoire révèle tout de même des pistes qui ont valorisé les voies de la connaissance et de la sagesse. Notamment, dans les traditions johannites, qui affirment le primat du logos, source de la révélation et de la connaissance ("Au commencement était le Verbe"). Cette attention moindre du christianisme au primat de la connaissance à conduit à la surévaluation contemporaine de l'éthique, au détriment de la naturalité, du politique et du travail (cf. Sigrid Hunke, Vom Untergang des Abendlandes zum Aufgang Europas. Bewußtseinswandel und Zukunftsperspektiven, Horizonte Verlag, Rosenheim, 1989).
Ce "chemin de la sagesse", nous le retrouvons à Byzance, où se dresse la construction sacrée la plus belle du christianisme primitif, la Hagia Sophia, dédiée à la Sagesse, représentée par ailleurs sous les traits d'une belle jeune femme, qui sera, tour à tour, la Vierge Marie ou la Béatrice de Dante ou Fatima, la fille du Prophète. Mais ce culte de la sophia et de la gnosis sera graduellement refoulé, si bien qu'en Occident le concept de connaissance sera entièrement sécularisé. Pourtant la dimension sapientiale a été présente dans le christianisme, surtout chez Denys l'Aréopagyte, que le grand métaphysicien indien A. K. Coomaraswamy appelle le plus grand des Européens à côté de Dante. Son message est revenu au IXième siècle grâce aux traductions et aux travaux de l'Irlandais Jean Scot Erigène (810-877), dans le De divisione naturae, écrit entre 864 et 866. Pour Denys l'Aréopagyte et Jean Scot Erigène, la connaissance est centrale, elle est le moteur permanent de tout et non pas le simple moteur premier (à la phrase latine "in principio erat verbum", soit "au commencement était le Verbe", Scot Erigène substitue "in principio est Verbum", "au commencement est le Verbe", signalant par ce présent, qui est au fond intemporel, que le commencement de toute chose réside dans la connaissance). Cette vision du divin renoue avec l'émanatisme néo-platonicien: tout procède du moteur premier, c'est-à-dire du principe supérieur, thèse radicalement différente de celle de l'évolutionnisme, où tout part des êtres les plus bas de l'échelle.
Jugé hérétique et condamné par le Pape Honoré III en 1225, Jean Scot Erigène est compté parmi les philosophes panthéistes; les penseurs et philosophes islamiques, surtout ceux qui sont marqués par le soufisme, aiment son ¦uvre, comme celle de tous les néo-platoniciens, panthéistes et mystiques européens (Pélage, Maître Eckhart, Nicolas de Cues) car elle correspond à la théorie soufique de la Création que l'on désigne par "le renouvellement de la Création en chaque instant" ou "à chaque souffle" (Tajdîd al-khalq bilanfas), théorie proche de celle qui posent les archétypes se projettant dans l'existence par émanation à chaque instant, émanation qui traverse les hommes, anéantissant leur passé au même moment où elle les renouvelle. Les "expirs" (anfãs) du Clément sont dilatations du divin, c'est-à-dire déploiement de "possibilités relatives" à partir des archétypes; la surabondance de l'Etre "déborde" (afãda) sur les essences limitées. Ibn Arabî identifie l'"Expir" divin à la Nature universelle (at-Tabî'ah), attribuant à celle-ci une fonction cosmogonique analogue à celle que les Hindous désignent comme la Shakti, l'"énergie productive" de la Divinité (source de ce §: Titus Burckhardt, Introduction aux doctrines ésotériques de l'Islam, Dervy-Livres, Paris, 1969).
L'Occident n'a pas approfondi cette veine mystique et néo-platonicienne, contrairement à l'Inde et à l'Islam. Il a préféré les "synthèses théologiques" de Saint-Bonaventure, de Saint Thomas d'Aquin ou de Duns Scot, mettant l'accent sur la contemplation, le silence contemplatif ou la volonté. Pour Seyyed Hossein Nasr, ces synthèses scolastiques  surtout celle de Thomas d'Aquin, enferment leurs intuitions métaphysiques, qui sont justes, dans le corset étouffant de catégories syllogistiques, dans un rationalisme étroit. La sophia, dans ses avatars christianisés, est ainsi voilée; la connaissance, la sapience, perd son caractère sacré, et un divorce s'instaure entre la philosophie et la sagesse/sophia. Cette théologie et cette philosophie du voilement, amorçant la désacralisation généralisée du savoir et de la connaissance, donne le ton en Occident et refoule dans la marginalité les traditions mystiques (dont celle de Maître Eckhart). Le thomisme a donc été la forme la plus achevée et la plus mûre de la théologie chrétienne: mais il n'était pas pure sapientia et médiatisait dangereusement le rapport entre l'entendement humain et la raison divine.
Pour comprendre ce processus d'occultation de la sophia et de désacralisation, il faut signaler l'influence exercée par les doctrines d'Ibn Sînâ (Avicenne) et Ibn Rushd (Averroës) dans le monde où le latin était langue savante. La traduction en latin a gommé une bonne part des potentialités scientifiques et sapientiales de ces doctrines: en effet, en Islam, avec Suhrawardî, l'interprétation des travaux d'Avicenne et d'Averroës renforce la scientificité de la science islamique pré-moderne, sans scotomiser le fond sapiential, tandis qu'en Occident latin, les fragments épars les plus rationalistes de ces philosophies s'imposent. L'Occident opte dès lors pour une interprétation rationaliste de l'avicennisme et de l'averroïsme; l'Islam, lui, proclame la primauté de l'intellectio sur la ratiocinatio. Suhrawardî parle d'illumination immédiate par la nature aux dimensions sacrées; l'Occident privilégie les mécanismes médiats du discours.
La présence de ces doctrines émanatistes, où la nature est respectée en tant que véhicule des grâces divines, dans toutes les traditions islamiques, christianisées, hindoues, chinoises, néo-platoniciennes, etc. permet de parler d'une philosophia perennis ou d'une sanatâna dharma (A.K. Coomaraswamy) ou de "religion pérenne" (F. Schuon; cf. Sur les traces de la religion pérenne, Le Courrier du Livre, Paris, 1982) ou de "vraie religion de l'Europe" (Sigrid Hunke, La vraie religion de l'Europe, Le Labyrinthe, Paris, 1985; le livre de Sigrid Hunke se limite géographiquement à l'Europe). Seyyed Hossein Nasr nous rappelle que l'expression de philosophia perennis remonte au XVIième siècle et se retrouve dans l'oeuvre d'un hébraïsant et arabisant italien, bibliothécaire du Vatican, Agostino Steuco (1497-1548), notamment dans son De perenni philosophia, un ouvrage clef, marqué par les pensées de Marcille Ficin (qui parlait de philosophia priscorium ou de prisca theologia), Pic de la Mirandole et Nicolas de Cues. Dans De pace fidei, Steuco plaide pour une réconciliation ou du moins pour une coexistence harmonieuse des grandes religions, qui s'opérerait par le haut, précisément sur base de la philosophia perennis. Ce recours à la philosophia perennis permet de renouer avec les traditions grecques païennes (Platon, Pythagore, Empédocle, etc.) et celles de l'Iran pré-islamique. La Sophia perennis précède donc les révélations du Livre, ce qui permet de parler de Tradition (primordiale) ou, en arabe, d'al-dîn.
[Synergies Européennes, Vouloir, Juillet, 1992] http://robertsteuckers.blogspot.fr/

vendredi 19 juillet 2013

Lénine la fin d'un mythe

L’impasse d’une économie sans racines

Insidieusement le libéralisme et son avatar socialiste ont entraîné l’économie dans un « nouvel âge » : l’économie sans racine. Le libre-échange, que défendaient les grands auteurs classiques, est aujourd’hui dépassé par la conjonction de trois phénomènes : politique - le renversement de la souveraineté des nations -, économique - la « financiarisation » des activités productives - et technique - l’explosion des systèmes de communications et de transports. Cette focalisation d’événements, fortement recherchée par les défenseurs de la « pensée unique », se traduit par l’avènement d’une « économie éthérée » (ou peut-être « éterrée », c’est-à-dire sans terre...) à l’heure où l’homme n’a jamais autant eu besoin d’Identité nationale depuis que le nihilisme ambiant a désenchanté le monde.
À l’origine, le libéralisme classique défendait le principe d’une économie monde. Ce système était construit sur la complémentarité. Chaque nation avait intérêt à se spécialiser dans une ou plusieurs branches précises pour exporter ses spécialités et importer les produits que le pays ne pouvait fabriquer, ses facteurs de production ayant été entièrement utilisés par sa branche d’excellence. Au XVIIIe Adam Smith défendait donc le principe des « avantages absolus », au XIXe son disciple David Ricardo le compléta avec la théorie des « avantages relatifs » et au XXe trois économistes développèrent le « théorème HOS » qui porte les initiales de ces éminents professeurs Hechscher, Ohlin et le prix Nobel d’économie de 1970 Samuelson.
Ces derniers, à travers leur loi sur la spécialisation des économies en fonction de « la proportion des facteurs disponibles » insistaient sur l’importance de la combinaison des facteurs classiques de production que chaque nation se doit d’exploiter pour exporter : le travail, le capital (au sens économique du terme, c’est-à-dire : machines, outils, usines, etc.) et surtout... « la Terre ».
La souveraineté des multinationales
Au XXIe la « pensée inique » libéralo-socialiste développe une nouvelle conception : « la mobilité absolue des moyens de production ». Pour imposer ce nouveau principe économique dominateur, trois processus parallèles ont été mis en œuvre au cours des dernières décennies.
Premier processus : éliminer les rigidités politiques. Pour « déblayer » le terrain économique il fallait préalablement supprimer les freins au libre-échange en renversant le principe de souveraineté nationale. Universellement et historiquement, jusqu’au milieu du XXe siècle, les États étaient les dépositaires de la souveraineté, les entreprises comme les citoyens subissaient leurs lois. Depuis la fin du siècle précédent, par la force ou par l’invention d’un « nouveau droit supranational » la souveraineté est transmise progressivement aux multinationales. Les détenteurs des pouvoirs étatiques ne font qu’exercer une action de syndic de copropriété au profit des grands intérêts privés. Les récentes visites de Jacques Chirac en Asie ne sont que la énième confirmation de la transformation de la présidence de la République en agence commerciale.
La C.I.A. est à cet égard très active pour supprimer toute forme de droit souverain lorsque ses commanditaires considèrent qu’elles peuvent être gênantes pour leurs opérations de délocalisation. Construite sur la négation de l’existence de toute forme de légalité nationale, elle se joue des frontières, comme viennent de le confirmer les récentes révélations sur ses agissements dans le transport et l’incarcération des personnes soupçonnées d’être ses ennemis. Le 11 septembre...1973 elle a donc renversé le président chilien Salvador Allende pour permettre au géant américain I.T.T de mieux exploiter « ses » mines de cuivre. En 2003 elle a monté un dossier mensonger sur les armes de destructions massives irakiennes pour permettre à Halliburton de mieux profiter des puits de pétroles mésopotamiens. En 2004 elle a installé un de ses anciens agents à la tête de la Commission Européenne pour mieux imposer les directives, qui favoriseront, au nom du droit supranational, la disparition des législations qui nuisent au libre échange des grandes firmes (petite précision sur les nouvelles règles étymologique du langage économique : l’expression « droit supra-national » n’utilise pas le terme « supra » pour ses liens avec le mot « supérieur » mais pour sa proximité avec « suppression » ... du droit national).
Le primat de la finance
Le deuxième processus est, lui, purement économique. Toutes les conceptions économiques, jusqu’au triomphe des monétaristes lors de la remise du prix Nobel au fondateur de cette nouvelle école de pensée Milton Friedman en 1976, partaient d’une approche philosophique de cette science. L’économie était destinée à favoriser le bonheur du genre humain en recherchant les meilleurs moyens pour assurer la félicité sur terre.
Depuis les premières expériences d’application de cette nouvelle doctrine au Chili et en Israël, à partir de 1973, les priorités économiques ne sont plus centrées sur cet objectif. Seuls les intérêts financiers doivent primer. Tout doit être construit pour défendre la valeur de la monnaie, en commençant par les fondements de la Banque Centrale Européenne qui vient de relever une nouvelle fois ses taux d’intérêts bancaires pour s’assurer du strict respect de ses principes monétaristes. La finance a pris la place de la production. Les facteurs de production, en particulier les travailleurs, doivent être au service des résultats financiers et non l’inverse. Pour assurer le succès de ce nouveau principe la mobilité des facteurs se doit d’être absolue. Usines, machines, terres et travailleurs doivent pouvoir déménager là où les coûts de fabrication seront les plus faibles et les perspectives de marges bénéficiaires les plus fortes.
La complémentarité économique des origines classiques du libéralisme est balayée par le principe de délocalisation. L’attachement aux facteurs de production, à la terre, disparaît. Les productions agricoles peuvent même être produites hors sol. Les espèces animales (y compris l’espèce humaine) et végétales sont transplantées en fonction des calculs de rentabilité. La nouvelle carte des vins est très symbolique de ces « cépages français » qui au Chili et ailleurs viennent concurrencer nos plus grands crus après avoir été extraits de la Terre de France.
Planétarisation
Mais ces deux processus n’auraient jamais été pleinement possibles sans la révolution technologique que les transports et les télécommunications ont connue au cours des dernières décennies. Le « container » et le « World Wild Web » (le triple w d’internet) ont réduit la planète à la taille d’une simple province. Un porte-containers de plusieurs milliers de tonnes permet de relier Cherbourg à Boston en quatre jours. Un produit américain fabriqué le lundi aux U.S.A. peut être livré le samedi en Europe. Les liaisons aériennes marchandes sont encore plus véloces. Les avions sont vidés de leurs sièges passagers montés sur rails en fin de journée, pour mettre à bord des containers qui coulissent à la place des précédents habitacles. Aucun point de la planète n’est à moins de 24 heures de n’importe quel autre point géographique.
Le « triple w » a le mérite de la franchise de ses ambitions : ce nouveau monde (world) unique sera sauvage (wild), et son symbole l’araignée prendra dans sa toile (web) tous les consommateurs nécessaires pour faire fonctionner ce système de course perpétuelle à la surconsommation.
Ces révolutions technologiques sont utilisatrices de produits et de matières fondamentales, que les grandes firmes ne sauraient laisser aux mains de n’importe qui : le pétrole pour les transports et le cuivre pour le téléphone dont le Chili est toujours le premier producteur mondial. Vous comprendrez ainsi pourquoi l’interventionnisme américain ne se fait pas selon les lois du hasard. Vous comprendrez aussi pourquoi les campagnes des élections présidentielles « françaises », ne commencent plus à Lille ou à Avignon, comme un ringard qui confond encore la souris et le mulot, les avaient engagées, mais au ...Chili !
Avance masquée
Pour avancer dans cette mondialisation, ses promoteurs français préfèrent agir masqués. Au lieu de rechercher la traduction du vocabulaire anglo-saxon il préfèrent comme avec « www » donner une note d’exotisme à ces anglicismes qui nous envahissent pour ne pas révéler leurs significations. Un mot échappe pourtant à cette règle : « délocalisation ». La raison en est simple. Le terme anglo-saxon « outsourcing » est trop révélateur des ambitions que révèle cette nouvelle ère économique : « implanter la source ailleurs » ! Il ne s’agit plus de sous-traiter quelques composants dans une usine étrangère mais d’aller jusqu’à l’origine du produit. De couper toutes les racines de la production. Mais attention c’est avec des racines que l’on soigne les malades, c’est par les airs que la grippe aviaire voyage !
Yves LENORMAND L’’Action Française 2000– du 16 mars au 5 avril 2006

mardi 16 juillet 2013

Français, voici ce que vous fêtez en ce 14 juillet :

Art républicain : les tanneries de peau humaine :
« Une demoiselle jeune, grande et bien faite, s’était refusée aux recherches de Saint-Just ; il la fit conduire à l’échafaud. Après l’exécution il voulut qu’on lui présentât le cadavre et que la peau fût levée. Quand ces odieux outrages furent commis, il la fit préparer (la peau) par un chamoiseur et la porta en culotte. »
Ci-dessous une petite étude sur les tanneries de peau humaine sous la Révolution française, dont se réclame la totalité de la classe politique et qu’elle fête tous les 14 juillet...
Préambule
« La Révolution est un bloc » affirmait Georges Clemenceau. Il ne faisait que constater une réalité car il est évident à tout esprit réfléchi et indépendant que la Terreur est sortie tout droit de 1789, de même que la Révolution est le fruit pernicieux du XVIIIe siècle libertin aux mœurs relâchées et au dérèglement de la morale, ce siècle abusivement appelé le “siècle des lumières”.
Au demeurant la période sanglante de la Révolution ne commença point en septembre 1792, mais dès les 26 et 27 janvier 1789 à Rennes, marqués par les premières émeutes sur lesquelles chacun a en mémoire la réflexion de Chateaubriand. Cette sanglante “émotion” populaire fut suivie les 27 et 28 avril par la mise à sac de la manufacture Reveillon, au faubourg Saint-Antoine à Paris, par des émeutiers soudoyés par le duc d’Orléans. Il y eut 25 morts et 22 blessés.
Il est donc mal venu de prétendre, que la Révolution des “Droits de l’Homme”, celle de 1789, était la seule dont on devait se réclamer et condamner la Révolution sanglante qui la suivit. Subtile argutie ! Tout se tient, tout s’enchaîne : 1792 fut la conséquence logique, inéluctable de 1789. On ne peut séparer de la Révolution aucune partie de son ensemble : elle constitue bel et bien un bloc, comme l’a dit Clemenceau.
Qui prône la Révolution doit endosser la responsabilité de tous ses massacres, de toutes ses turpitudes, telles les tanneries de peau humaine sur lesquelles existent trop de témoignages pour qu’on les révoque en doute.
Le conventionnel Harmand témoigne
Citons d’abord le témoignage du conventionnel Harmand (de la Meuse) qu’il a consigné dans un livre paru en 1820 chez Maradan, à Paris, et intitulé Anecdotes relatives à quelques personnes et à plusieurs événements remarquables de la Révolution. Voici ce qu’il apporte :
Une demoiselle jeune, grande et bien faite, s’était refusée aux recherches de Saint-Just ; il la fit conduire à l’échafaud. Après l’exécution il voulut qu’on lui présentât le cadavre et que la peau fût levée. Quand ces odieux outrages furent commis, il la fit préparer (la peau) par un chamoiseur et la porta en culotte. Je tiens ce fait révoltant de celui-même qui a été chargé de tous les préparatifs et qui a satisfait le monstre ; il me l’a raconté avec des détails accessoires que je ne peux pas répéter en présence de deux autres personnes qui vivent encore. Il y a plus : c’est que, d’après ce fait, d’autres monstres, à l’exemple de Saint-Just, s’occupèrent des moyens d’utiliser la peau des morts et de la mettre dans le commerce. Ce dernier fait est encore constant. Il ne l’est pas moins que, il y a environ trois ans, on mit aussi dans le commerce de l’huile tirée des cadavres humains ; on la vendait pour la lampe des émailleurs.
Arrêtons-nous un instant sur cette dernière accusation pour dire qu’il ne s’agit pas d’un racontar : il est établi par des faits notoires, en particulier à Clisson où, le 6 avril 1794, des soldats de la compagnie de Marat dressèrent un bûcher sous lequel ils placèrent des barils et, dans une seule nuit, ils firent fondre les cadavres de cent cinquante femmes pour se procurer de la graisse. Ces barils furent transportés à Nantes pour être vendus aux hôpitaux et dans le registre de Carrrier on lit que « cette opération économique produisait une graisse mille fois plus agréable que le saindoux. »
La tannerie de Meudon
Le conventionnel Saint-Just
Saint-Just, dans son rapport du 14 août 1793 à la Commission des moyens extraordinaires, écrit : « On tanne à Meudon la peau humaine. La peau qui provient d’hommes est d’une consistance et d’une bonté supérieure à celle du chamois. Celle des sujets féminins est plus souple mais elle présente moins de solidité. »
Aimée de Coigny
On ne peut négliger le témoignage d’une personne qui vécut sous la Révolution et était bien placée pour recueillir des confidences : c’est Aimée de Coigny qui écrit, dans le chapitre sur la Convention de son Journal :
Trois tanneries de peaux humaines, aux Ponts de Cé (près d’Angers), à Étampes, à Meudon, ont été identifiées ; à la fête de l’Être Suprême plusieurs députés en portèrent des culottes. Après Thermidor Galetti le prouva au péril de sa vie.
L’abbé de Montgaillard
L’abbé de Montgaillard corrobore les dires d’Aimée de Coigny dans le troisième (p. 290) des neuf tomes de son Histoire de France depuis la fin du règne de Louis XVI jusqu’en 1825 ; il a vu cette tannerie de Meudon et il confirme que :
on y tannait la peau humaine, et il est sorti de cet affreux atelier des peaux parfaitement préparées. Le duc d’Orléans (Égalité) avait un pantalon de peau humaine. Les bons et beaux cadavres des suppliciés étaient écorchés et leur peau tannée avec un soin particulier. La peau des hommes avait une consistance et un degré de bonté supérieur à la peau de chamois ; celles des femmes présentait moins de solidité à raison de la mollesse du tissu.
Le citoyen Dusaulchoy de Bergemont
Dusaulchoy de Bergemont, qui avait été l’ami de Camille Desmoulins et son collaborateur, publia en 1818 chez Rosa, à Paris, un livre en deux volumes portant pour titre Mosaïque historique, littéraire et politique, ou glanage instructif et divertissant d’anecdotes inédites ou très peu connues, de recherches bibliographiques, de traits curieux, de bons mots et de médisances. La concision n’était pas la qualité de cet auteur ! À la page 140 du premier volume, sous le titre « Tannerie de peau humaine », on lit :
Quel est le peuple d’Europe qui ne prend pas pour une fable l’établissement de la tannerie de peau humaine de Meudon ? On se souvient cependant qu’un homme vint à la barre de la Convention annoncer un procédé simple et nouveau pour se procurer du cuir en abondance ; que le Comité de Salut public lui accorda l’emplacement de Meudon dont les portes furent soigneusement fermées et qu’enfin plusieurs membres de ce Comité furent les premiers qui portèrent des bottes faites de cuir humain. Ce n’était pas au figuré que Robespierre écorchait le peuple, et comme Paris fournissait des souliers aux armées, il a pu arriver à plus d’un défenseur de la patrie d’être chaussé avec la peau de ses parents et amis.
L’homme en question s’appelait Seguin, « inventeur de nouveaux procédés pour le tannage des cuirs », auquel le Comité de Salut public procura « toutes espèces possibles de facilités » pour la fondation des Tanneries de Sèvres, et non de Meudon comme dit notre chroniqueur qui confond avec une usine de munitions de guerre fondée à Meudon.
L’accusation de Dusaulchoy de Bergemont, jointe à maintes autres du même genre, ne laisse pas d’être troublante, comme l’est l’émotion qui saisit les thermidoriens chargés de la surveillance de l’établissement de Meudon devant les bruits persistants et de plus en plus fournis sur l’existence d’une tannerie de peau humaine. Ils la manifestèrent près de la Convention par une démarche que nous fait connaître le Moniteur. Les représentants du peuple envoyés à Meudon adressent à la Convention une lettre par laquelle ils réclament contre un bruit calomnieux, inséré dans plusieurs journaux, qu’on tannait à Meudon des peaux humaines pour en faire des cuirs. « La Convention passe à l’ordre du jour ».
On tanne les peaux humaines en pays rebelle
Les tanneries d’Angers
À Angers, le fondateur d’une tannerie de peau humaine fut le major Péquel qui chargea le tanneur Langlais de les préparer. Le manchonnier Prudhomme put ainsi confectionner trente-deux culottes en peau de Vendéens que portèrent certains officiers Bleus.
Dans un ouvrage impartial et s’appuyant sur des documents irréfutables, le professeur Raoul Mercier, professeur honoraire de l’École de Médecine de Tours, membre correspondant de l’Académie des Sciences, publia en 1939 chez Arrault et Cie, à Tours, Le Monde médical dans la guerre de Vendée où il donne des précisions sur le chirurgien-major Péquel du 4e bataillon des Ardennes qui « s’est acquis, dit le Pr Mercier, une triste célébrité en dirigeant l’atelier de tannerie de peaux des Vendéens fusillés près d’Angers. »
Le rôle de Péquel est certifié par deux témoins :
- l’un, Poitevin, agent national de la commune des Ponts-de-Cé, interrogé le 15 brumaire an III (6 novembre 1794), affirme avoir vu Péquel écorcher au bord de la Loire une trentaine de Vendéens fusillés.
- l’autre, un Angevin, Robin, raconta le 31 mai 1852, les scènes dont il fut témoin dans sa jeunesse : « J’avais, dit-il, l’âge de treize à quatorze ans, je puis affirmer avoir vu, sur les bords du fleuve (la Loire), les corps des malheureux Vendéens dont les cadavres avaient été écorchés. Il étaient écorchés à mi-corps parce qu’on coupait la peau au-dessous de la ceinture, puis le long des cuisses jusqu’à la cheville, de manière qu’après son enlèvement le pantalon se trouvait en partie formé. Il ne restait plus qu’à tanner et à coudre. » Les peaux étaient envoyées à la tannerie de Langlais, aux Ponts-Libres, ci-devant les Ponts-de-Cé, où elles étaient travaillées par des soldats, les ouvriers refusant de faire ce travail.
D’autres témoignages
Poursuivons notre quête de témoignages. L’existence de ces tanneries d’un nouveau genre est établie en Vendée pendant les années cruelles de 1793-1794.
Le général Beysser, rapporte Crétineau-Joly (Histoire de la Vendée militaire, T1, p. 165, Ed. de 1851), osa être le premier à porter un pantalon fait avec la peau préparée et tannée des Vendéens qu’on écorchait après la bataille.
En 1829, la comtesse de la Bouëre, qui préparait la rédaction de ses Mémoires, se trouvait à passer par La Flèche, a l’idée de recueillir, si possible, de quelqu’un du pays des renseignements sur le passage des Vendéens dans cette ville pendant la Virée de Galerne. Aux abords de la diligence elle s’adresse au hasard à un homme qui flâne par là et lui pose des questions. « Vous ne pouviez mieux vous adresser, Madame, répond-il. J’ai servi sous les généraux Kléber, Canclaux, Turreau, Cordelier… » Et cet ancien Bleu donne à Mme de la Bouëre de terribles précisions ; il se vante même d’avoir écorché des “brigands” pour en faire tanner la peau à Nantes. Et il conclut le récit de ses exploits par ce satisfecit personnel : « Ah ! je bûchais bien. Aussi, on m’appelait “le boucher des Vendéens”. Et si cela revenait, je recommencerais encore. Je le ferais encore, si j’avais à le faire. »
Continuons nos recherches. Paul Lacroix, plus connu sous le nom de Bibliophile Jacob, avait fait la connaissance d’un nommé Souterre, ancien Hussard de la Mort, lequel lui assura avoir porté une culotte de peau humaine. Il recueillit un aveu identique de la bouche d’un architecte qui était, en 1823, un des plus terribles exécuteurs de la Bande Noire : il rasait les châteaux avec une impitoyable malerage. Cet architecte lui confia que, se trouvant à l’armée, il avait porté une culotte de peau humaine « fort bien tannée, fort souple et fort convenable. »
Des objets en peau humaine
La peau humaine exposée au Muséum des Sciences Naturelles de Nantes
Des objets en peau humaine existent dans des collections privées ; mais l’on peut voir au Muséum des Sciences Naturelles de Nantes, une peau humaine tannée [photo d'illustration ci-dessus]. Ce n’est pas celle d’un Vendéen, c’est celle d’un Bleu, tué à la défense de Nantes, en juin 1793, qui avait légué sa peau pour en faire un tambour soi-disant ! Selon sa volonté elle fut préparée dans une tannerie des bords de la Sèvre nantaise ; malheureusement son épaisseur insuffisante ne convint pas à un tel usage…
Un exemplaire de la Constitution du 24 juin 1793 reliée en peau humaine Louis Combe a fait connaître le texte du placard, copié sur l’original même, dans ses Épisodes et curiosités révolutionnaires et l’a fait suivre de sa Réponse à l’affiche de Billaud-Varenne, Vadier, Collot et Barère dans laquelle il dit ceci :
Plusieurs journaux avaient parlé avant nous des prétendues tanneries. Le fait nous parut si hasardé que nous le reléguâmes dans les on-dit, et nous nous contentâmes, dans un mémoire suivant, de rapporter littéralement les détails que donnait à ce sujet une feuille accréditée. Billaud-Varenne, Vadier, Collot et Barère ont cru bon et utile de signer une grande affiche bleue contre nous seuls. À la première explication que nous venons de donner, nous ajouterons que le fait de la tannerie humaine a certainement existé, puisqu’un de nos abonnés nous envoie, comme un digne monument des decemvirs, une Constitution de 1793, imprimée à Dijon chez Causse, sur un papier vélin et reliée en peau humaine qui imite le veau fauve. Nous offrons de la montrer à tous ceux qui seraient curieux de la voir…
Cet exemplaire de la Constitution a une histoire. Il devint plus tard la propriété d’un historien de la Révolution, Villeneuve, qui y joignit un exemplaire de l’affiche et une note destinée à l’authentifier. Muni de telles références, le livre fut mis en vente et acquis en 1849 par un libraire parisien. On en perd ensuite la trace jusqu’en 1864 où, le 13 février de cette année, il était vendu par les soins de M. France, le père d’Anatole, le maître styliste et délicieux conteur, pour la coquette somme de 231 F or. Cet exemplaire, après avoir eu plusieurs possesseurs, dont le marquis de Turgot, fut acheté en 1889 par le musée Carnavalet. C’est un in-12, joliment relié avec filets sur les plats et doré sur tranches.
Conclusion
Plusieurs mémorialistes et écrivains, se posant en historiens, rapportent encore l’existence de ces tanneries de peau humaine : Georges Duval dans ses Souvenirs de la Terreur, Granier de Cassagnac dans son Histoire des Girondins et des massacres de septembre, ou encore l’Histoire impartiale des Révolutions de Prud’homme, Les brigands démasqués de Danican, etc.
L’intermédiaire des chercheurs et curieux du 30 mars 1936 révélait qu’il s’était tout de même trouvé un tribunal pour condamner l’officier de santé Morel et le bourreau, coupables d’avoir détourné la peau de l’abbé Thomas, de Guebwiller, guillotiné à Colmar.
Il reste que l’utilisation de sous-produits des massacres constitue une forme achevée du sadisme terroriste.
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