Commençons
par définir l’absurdité et l’absurde. D’après le dictionnaire Paul
Robert, en six volumes, « absurde » signifie « qui viole les règles de
la logique, de la raison ». Selon Lalande (Vocabulaire de la
Philosophie) : « l’absurde doit être distingué du non-sens ; car
l’absurde a un sens, et est faux, tandis que le non-sens n’est
probablement ni vrai ni faux. » Un
certain nombre d’écrivains ont examiné le monde absurde ou les
situations absurdes. Il faut remonter à la Grèce antique pour trouver
l’absurde dans le mythe de Sisyphe. Un terrible châtiment est infligé à
Sisyphe qui est condamné à faire rouler éternellement un rocher sur une
pente pour atteindre le sommet d’une montagne, alors qu’il sait que dès
qu’il est parvenu à son sommet, le rocher retombera. Et Sisyphe devra recommencer éternellement son ascension jusqu’au sommet.
Selon
Albert Camus, qui a écrit une œuvre intitulée « Le Mythe de Sisyphe »,
le mythe signifie que l’on vit une situation absurde, répétitive, dont
on ne voit jamais la fin ou l’aboutissement. Quatre œuvres de Camus
ont été écrites sur le thème de l’absurde : « Le Mythe de Sisyphe », «
L’étranger », « Caligula » et « La peste ».
Selon
notre grand écrivain d’Algérie, l’homme est le seul vivant à prendre
conscience que le monde est silencieux, et que jamais ce dernier ne
répondra à nos appels de la raison. C’est en cherchant un sens à son existence que l’homme s’est dénaturé, car la nature ne lui répond pas.
D’où ce sentiment de l’absurde, qui résulte d’une séparation de l’homme
et de la nature. « L’absurde nait de cette confrontation entre l’appel
humain et le silence déraisonnable du monde. »
C’est
en prenant conscience de ce silence qu’il ressent un sentiment
d’absurde. Camus nous dit que l’absurde fait partie de la vie et que
chercher à le supprimer conduit à nier la vie, comme c’est le cas pour
le suicide. Il parvient même à penser que Sisyphe arrive à être
satisfait de son destin, par ce qu’il en prend conscience, assume cette
douloureuse épreuve avec courage et lucidité, ce qui lui permet de
surpasser sa douleur. Sisyphe n’est pas celui qui pousse indéfiniment son rocher, mais une personne lucide et courageuse, quelle que soit sa corvée.
Camus arrive même à imaginer Sisyphe heureux. Il refuse le poids de
l’absurde sur la vie. Et ce refus provoque la révolte. « Ce n’est pas la
révolte elle-même qui est noble, mais ce qu’elle exige », a écrit Camus
dans « L’homme révolté ». Dans ce livre, il écrit : « Qu’est-ce qu’un
homme révolté ? C’est un homme qui dit non. Mais s’il refuse, il ne
renonce pas, c’est aussi un homme qui dit oui, dès son premier
mouvement. » Il faut être révolté pour goûter pleinement de la vie.
D’autres écrivains se sont aussi intéressés à l’absurde.
Eugène Ionesco,
né en Roumanie, a écrit des œuvres théâtrales ayant pour sujet
l’absurde : La Cantatrice chauve, Les chaises, Le Rhinocéros et La
Leçon.
Louis Ferdinand Céline
écrivit : Voyage au bout de la nuit, qui révèle l’absurdité du monde,
de la première guerre mondiale qu’il a qualifiée « d’battoir
international en folie ».
Kafka
a aussi écrit des romans traitant de l’absurde, en particulier La
métamorphose, qui est l’histoire absurde d’un homme qui se réveille un
matin transformé en scarabée ; Le Château, où le personnage principal
vient d’un pays lointain pour un emploi de géomètre-arpenteur, et à qui
on répond que l’on a pas besoin de lui puisque toutes les mesures ont
été effectuées ; Le Procès, qui relate l’histoire d’un homme, qui, à la
barre des accusés, ne sait pas pourquoi il est accusé.
Il convient de faire remarquer que Camus a consacré un chapitre du Mythe de Sisyphe à Kafka.
LA SITUATION ABSURDE DE LA FIN DE L’ALGÉRIE FRANÇAISE
L’arrivée
de De Gaulle après la révolution du 13 mai 1958 avait donné un grand
espoir aux Pieds-Noirs et aux Musulmans fidèles à la France. Après avoir
déclaré au monde entier qu’il était partisan de l’Algérie Française «
de Dunkerque à Tamanrasset », il changea sa politique en se déclarant
pour l’indépendance de notre belle Algérie, violant ainsi la
constitution de la 5ème République qu’il avait fait faire pour lui-même.
C’est
à l’époque où le plan Challe obtenait d’excellents résultats sur le
domaine militaire, le FLN étant pratiquement vaincu, qu’il décida
d’établir une rencontre entre les représentants de l’État français et
certains dirigeants du FLN.
Cela
a abouti à ce qu’on a stupidement appelé « les accords d’Évian ». En
effet, ces accords signés par les deux belligérants ne devaient être
respectés que par la France, les terroristes ayant déclaré, dès la
signature de ces accords, qu’ils ne les respecteraient pas.
C’est
à cette époque (1961-1962) que l’absurde situation commença du côté
français, aussi bien dans l’Armée, chez les Pieds-Noirs, et chez les
Harkis et les Musulmans qui étaient pour la France. Cette époque
totalement absurde eut pour résultat de créer une division au sein de
l’Armée, c'est-à-dire entre les troupes d’élite (Parachutistes et
Légionnaires) et les troupes du contingent qui n’avaient qu’un objectif :
la quille, c’est-à-dire rentrer dans leurs foyers en métropole.
La
raison principale de cette absurdité était que l’Armée Française avait
pratiquement vaincu le FLN, et que la France, dans ces « accords » avait
la position d’une armée vaincue. Nous avons tellement été dominés
politiquement à Évian, que de Gaulle accepta de laisser la Sahara à
l’Algérie avec toutes ses réserves d’hydrocarbures, estimées être bien
supérieures à celles du golfe persique. C’était vraiment absurde !
Étant
vainqueurs nous avons agi comme des vaincus. Le Sahara pouvait, si nous
l’avions gardé, nous apporter une indépendance énergétique pour
plusieurs dizaines d’années. Nous aurions même eu un fort excédent, ce
qui nous aurait permis d’exporter du pétrole et du gaz.
Cette
terrible absurdité consécutive à l’attitude stupide de celui qui avait
déclaré à des officiers, lors de la tournée des popotes du 3 au 5 mars
1960 : « Le combat va durer longtemps. Mais il n’y aura pas de Diên Biên
Phu en Algérie. L’indépendance de l’Algérie est une absurdité ». Il
faut signaler aussi cette autre absurdité : après les « barricades »,
200 officiers furent mis aux arrêts de rigueur, plus de 500 furent mis
en congé spécial, 500 furent rayés des cadres de l’armée et 1300
démissionnèrent en 1961.
D’ailleurs, Camus avait écrit : « Les accords d’Évian sont une absurdité. »
Lors
de la seconde tournée des popotes, de Gaulle a déclaré à des officiers :
« Moi vivant, le drapeau vert et blanc ne flottera jamais sur Alger. » Une absurdité de plus, et un mensonge de plus !
Tout
le monde sait que de Gaulle est mort après l’indépendance de l’Algérie.
Comme le dirait Monsieur de la Palice : De Gaulle était donc vivant à
l’indépendance de l’Algérie.
Messmer
n’a pas hésité à dire à de Gaulle que : « La grande majorité (des
officiers) ne comprend pas la politique du général de Gaulle. »
Puis, d’absurdités en absurdités, la révolte se déclencha aussi bien dans l’Armée que chez les Pieds-Noirs.
LA RÉVOLTE
Il y eut d’abord le putsch
des généraux Challe, Salan, Zeller et Jouhaud, qui ne dura que trois
jours, Challe ayant refusé que sang français coule dans un affrontement
entre les putschistes et les gaullistes.
Puis ce fut la révolte de l’OAS qui dut combattre, à la fois, le FLN et les forces gaullistes (gendarmes mobiles et CRS).
Ce fut ensuite une des dernières phases de cette révolte avec les condamnations et exécutions de certains officiers putschistes.
Lorsque
Salan fut condamné à la prison à perpétuité, le 23 mai 1962, de Gaulle a
déclaré : « Nous sommes un pays complètement décadent. N’importe qui
serait condamné à mort en Grande-Bretagne, en Allemagne ou aux États
unis, mais en France, on vous envoie jouer au ballon dans la cour de la
prison de Tulle. »
La
fusillade du 26 mars 1962, que l’on pourrait qualifier de génocide,
vint encore endeuiller notre Algérie. Sur un ordre du pouvoir gaulliste,
des tirailleurs furent installés pour arrêter la marche pacifique et
silencieuse des Algérois qui voulaient soutenir le quartier de Bab el
Oued qui était victime d’une attaque des forces gouvernementales. Des
avions T6 sont même passés à l’offensive en larguant des bombes et en
utilisant des mitrailleuses. J’ai pu observer ces attaques du boulevard
Bru, d’où je voyais toute la ville. Ces attaques m’ont fait penser à l’attaque par les nazis du ghetto de Varsovie.
La
marche des Algérois vers Bab el Oued fut attaquée à la mitrailleuse et
au fusil-mitrailleur par des tirailleurs qui n’avaient pour mission que
de stopper cette marche pacifique, sans utiliser leurs armes.
Il
y eut plus de 100 morts au voisinage de la Grande Poste, et plusieurs
milliers de blessés. Je puis apporter mon témoignage, m’étant trouvé au
voisinage de cette tuerie, mais ayant eu la chance de ne pas me trouver
dans l’axe des tirs. Cette tuerie fut l’un des prémices de la fin de
notre Algérie. De Gaulle voulait nous prouver que nous devions accepter
sa politique.
Puis
ce fut la fin de notre belle Algérie. L’exode de plus d’un million de
Pieds-Noirs et de quelques milliers de Harkis, qui purent être sauvés
grâce à des officiers français qui n’ont pas obéi aux ordres de notre
sanglant dictateur, mais qui ont préféré obéir à leur conscience.
En conclusion, il semble nécessaire de citer encore Albert Camus :
« La vérité jaillira de l’apparente injustice. » (La peste, Albert Camus)
« La liberté, seule valeur impérissable de l’histoire. » (L’homme révolté, Albert Camus)¢
Références
1 – Œuvres complètes, Albert Camus
2 – Eugène Ionesco Wikipédia fr.wikipedia.org/wiki/Eugène_Ionesco
3 – Louis Ferdinand Céline Wikipédia fr.wikipedia.org/wiki/Louis-Ferdinand_Céline
4 – Absurde http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Absurde&oldid=88616606
http://www.francepresseinfos.com/
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