L'empereur Julien l'Apostat a régné à peine dix-huit mois
sur l'empire romain. Son surnom vient de ce qu'il aurait répudié le
christianime pour revenir à la religion païenne. Cela lui a valu de la
part des historiens une mauvaise réputation, largement imméritée.
Le neveu de Constantin le Grand
Julien a six ans quand, à la mort de son oncle Constantin le Grand,
premier empereur chrétien, des soldats massacrent les membres de la
famille impériale qui ne sont pas issus de Constantin. Son éducation est
confiée à un eunuque qui l'initie aux grands classiques de la culture
grecque et lui donne la passion de la lecture.
En 341, son cousin, l’empereur Constance, envoie Julien et son frère
au fond de l’Anatolie, dans la forteresse de Macellum en Cappadoce. Ils
ont accès à une bibliothèque contenant les classiques de la philosophie
grecque. À partir de 347, Julien est autorisé à revenir à
Constantinople, puis à Nicomédie en 351. En 354 Constance convoque
Julien à la cour impériale de Milan, puis l’envoie plusieurs mois à
Côme. Alors que des courtisans l’accusent de complicité avec son frère
Gallus, qui s’était révolté et avait été exécuté sur ordre de Constance,
c’est l’impératrice Eusébie, épouse de Constance, qui sauve Julien.
Parisien d’adoption
Durant l'été 355, Julien peut suivre des cours de philosophie à
Athènes, où il côtoie Basile de Césarée et Grégoire de Nazianze. Ce
dernier sera plus tard un de ses adversaires les plus féroces. À la fin
de l’année, il est rappelé à Milan où l’empereur lui fait épouser sa
soeur Hélène et le présente à l'armée avec le titre de César,
c'est-à-dire vice-empereur.
Puis il l’envoie en Gaule, où cet intellectuel se révèle excellent
administrateur et stratège efficace. Travailleur acharné, il apprend le
latin et se soumet à un dur entraînement militaire.
Fin
juin 356, il fait lever le siège d'Autun, et prend le contrôle de
Cologne sur le Rhin, dont il relève les fortifications. Impressionnés,
les Francs demandent à traiter avec Julien, qui réside à Sens ; mais
les Alamans profitent de la dispersion de ses forces pour attaquer la
ville, où il l’assiègent pendant un mois.
À partir de 357, Julien s’installe à Lutèce, sur l’île de la Cité,
facile à défendre. Il dit alors que l’eau de la Seine est aussi agréable
à voir qu’à boire.
Seul empereur romain à avoir été parisien, il apprécie tellement
l'endroit qu’il y passe ses hivers. Enceinte, son épouse Hélène rentre
en Italie où elle met au monde un garçon mort-né. Elle décède vers 358,
et Julien, qui ne se remariera pas, s'entoure d’amis païens, tels
Oribase, son médecin personnel et le Gaulois Salutius, qui devient son
plus proche conseiller.
Après une grande victoire à Strasbourg, contre les Alamans, il exerce
un pouvoir incontesté et repousse aussi les attaques des Francs.
Mais en 360, l'empereur Constance, jaloux de son prestige et menacé
par les Perses, exige que Julien lui envoie deux légions en renfort. En
majorité Gaulois, ses soldats refusent de partir et se rassemblent à
Lutèce pour le proclamer Auguste. Julien décide alors d’aller conquérir
Constantinople.
Empereur réformateur
Constance ne l'attend pas et meurt en novembre 361. De son lit de mort, il transmet le pouvoir à Julien.
Aussitôt ce dernier promulgue un édit de tolérance de toutes les
religions, y compris celles des juifs et des chrétiens dissidents.
Mais quelques mois plus tard, en 362, il interdit aux chrétiens
d'enseigner. Puis, il tente de réformer le paganisme sur le modèle de
l’Église catholique et crée une hiérarchie des cultes autour du Dieu
Soleil. Il écrit un pamphlet intitulé Contre les Galiléens, où il
proclame que les Juifs et les Hellènes sont semblables, et il ordonne la
reconstruction du temple de Jérusalem.
Après avoir réorganisé la lourde administration impériale, en
réduisant en particulier le personnel du palais, il va s'installer à
Antioche pour y préparer l’invasion de la Perse. Mais là, il se heurte à
la nombreuse population chrétienne de la ville, qui lui manifeste son
hostilité.
Empereur combattant
Au printemps 363, Julien se lance dans une vaste expédition militaire
qui le mène victorieusement jusqu'à Ctésiphon, la capitale perse. Mais
accablé par la chaleur et la politique de la terre brûlée des Perses, il
doit battre en retraite et, le 26 juin 363, est mortellement blessé au
combat. Selon le philosophe Libanios, il aurait été assassiné par un
soldat romain chrétien. Mais cette version est démentie par l'historien
Ammien Marcellin, qui était présent et rapporte : « Au moment où
Julien, oublieux de toute précaution, se précipitait témérairement au
combat en levant les bras, et à grands cris, pour bien faire entendre
que c'était la débâcle et la panique chez l'ennemi, et pour exciter
ainsi la fureur des poursuivants, ses gardes blancs dispersés par
l'effroi lui criaient de tous cotés d'éviter la masse des fuyards comme
on fait pour l'écroulement incertain d'un toit qui menace ruine ; mais
soudain, une lance de cavalerie (equestris hasta) égratigna la peau de
son bras, lui transperça les côtes, et se ficha dans le lobe inférieur
du foie » (XXV, 3, 6.).
Épitaphe
Julien fut le seul successeur de Constantin 1er à ne pas pratiquer la
nouvelle religion. On lui prête ce mot apocryphe au moment de sa mort :
«Tu as vaincu, Galiléen !», le Galiléen en question n'étant autre que le Christ.
L'empereur mérite mieux que cette mauvaise réputation. Jeune général
toujours victorieux, mort au combat à 33 ans, il fut le plus
intellectuel des empereurs romains, avec Marc Aurèle, son modèle.
Julien a étudié l’astronomie dans les traités de Ptolémée. Il citait
de mémoire Homère, Platon et Plutarque, et savait s’entourer des
meilleurs esprits de son temps : Ammien Marcellin, le dernier grand
historien latin, Libanios, le dernier grand rhéteur grec, Oribase, le
dernier grand médecin de l’Antiquité, et le préfet philosophe Salutius,
qui jouissait d’un tel prestige que l’armée lui proposa deux fois
l’empire, à la mort de Julien, puis à celle de son successeur Jovien.
Claude Fouquet
Julien ou la mort du monde antique
Claude Fouquet est l'auteur d'une passionnante biographie de l'empereur Julien : Julien, La mort du monde antique (1985, réédition : L'Harmattan, 2009, 366 pages, 32,50 euros).«Quand, avec l’aide de Pierre Grimal, j’ai entrepris d’évoquer le destin de l’empereur Julien, c’est parce que, malgré la distance des siècles, je croyais comprendre les sentiments d’un homme qui voyait autour de lui s’effondrer les valeurs qu’il aimait. Mais au fur et à mesure que j’ai lu ses écrits et ceux de ses contemporains, je me suis aperçu que, loin d’être uniquement rétrospective, sa pensée était fortement imprégnée de christianisme, et que l’interprétation qu’il donnait de la pensée antique était proche de celle des Pères de l’Église, ses condisciples à Athènes, tels Grégoire de Nazianze, Basile de Césarée, et aussi de celle de Jean Chrysostome, rencontré à Antioche. Curieusement, il avait les qualités d’un saint chrétien : chasteté comprise. C’est sur le modèle de l’Église qu’il chercha à fédérer les cultes païens, qui avaient toujours été indépendants jusque-là» (Claude Fouquet).
http://www.herodote.net
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