Le Massacre des Lucs-sur-Boulogne, vitrail de l’église paroissiale.
L’historien Alain Gérard vient de publier les archives des
témoignages sur les massacres subies par les habitants de l’ouest de la
France pendant la Révolution. La majorité de ces archives viennent des
révolutionnaires eux-mêmes, les victimes étant mortes, et les rescapés
peu ou pas du tout lettrés, sauf de rares exceptions.
Ce que fait remarquer l’historien c’est que des « générations
d’historiens ont eu beau scruter les archives à la recherche de l’ordre
écrit décisif qui réintégrerait l’impensable dans un semblant de logique
commune. Et ils ont bien trouvé des éléments dont il faudra tirer
parti, mais il faut bien l’admettre : personne n’a, à ce jour, découvert
d’ordre écrit adressé par le Comité de salut public ou par la
Convention à Carrier de noyer les rescapés de la Virée outre-Loire, ni à
Turreau de détruire l’ensemble de la population vendéenne. Vous voyez
bien, triomphent les négationnistes, il n’y eu que des violences,
regrettables certes, mais inséparables des guerres civiles, à replacer
dans le contexte des mentalités du temps et des luttes de factions : ces
gens ont été victimes des circonstances.
Mais si effectivement aucun ordre écrit d’extermination n’a été
donné, comment comprendre que Carrier, Turreau et d’autres aient pu s’en
faire les agents, en un temps où tout général et même tout représentant
en mission se sait étroitement surveillé ? Comment de surcroît
interpréter le reflux, à partir de 1794, de la terreur exercée en
Vendée, au moment où justement la Révolution glisse massivement vers la
Grande Terreur, qui sera officialisée par la loi du 22 prairial ? Et
d’abord, pourquoi l’émergence d’un système aussi affranchi du droit et
de l’humanité, et qui ne peut s’expliquer par les circonstances,
puisqu’à l’intérieur les factions sont vaincues et que la situation est
rétablie sur les frontières ? La Vendée, parce que c’est le lieu où la
terreur a exercé ses plus grand ravages, pourrait bien constituer le
lieu privilégié par où observer ses mécanismes intimes ».
Cette recherche est d’autant plus intéressante que la chose s’est
répétée puisque d’autres négationnistes font remarquer qu’on n’a trouvé
aucun ordre écrit d’Hitler ordonnant l’extermination des juifs.
L’historien nous guide dans une réflexion où « le déni précède le crime » : « Alors que le moindre tyran est censé endosser ses forfaits, ce qui est neuf ici, c’est que le déni précède le crime » et invente « le massacre démocratique ».
Alain Gérard conclut que « le plus stupéfiant, dans toute cette
histoire, est peut-être le silence de Robespierre. Un silence
assourdissant, alors que l’examen de ses papiers présenté par Courtois à
la Convention le 5 janvier 1795, prouve qu’il est abondamment renseigné
sur l’extermination en cours ».
Pour ce qui est de la lecture de ces massacres, âmes sensibles s’abstenir.
GÉRARD Alain, Vendée, les archives de l’extermination, éditions du Cvrh, 2013.
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