Les intégristes barbus du jacobinisme n'en démordent toujours
pas. En leur nom, le 30 janvier (1)⇓
le camarade Mélenchon adressait même
une lettre assez singulière. Il osait protester auprès du président de France
Télévisions M. Rémy Pflimlin contre le contenu d’une émission. Diffusée sur
France 3 elle était intitulée "Robespierre, bourreau de la
Vendée ?". Cette simple question lui semble un outrage.
Sans doute se sentait-il diffamé en sa qualité d'héritier
impénitent des persécuteurs qui, unanimes sur le point de massacrer les
"brigands de la Vendée", siégèrent sans discontinuer au sein du
"grand" Comité de Salut Public (1793-1794).
Tous partagent certes la culpabilité criminelle de leur chef.
D'un tel point de vue Carrier, le bourreau de Nantes nous donne
la réponse. Voici ce que nous en rapporte Crétineau-Joly :
"mis en jugement après le 9 thermidor. Il se défendit.
Ne devait-il pas se sentir fort des crimes de tous ses collègues ? Ceux
qui avaient panthéonisé Marat condamnèrent Carrier. En face de la Convention,
il n'eut pour légitimer ses cruautés qu'un mot, mais un mot sublime d'horreur
et de vérité : « Vous êtes tous
aussi coupables que moi, s'écria-t-il, et jusqu'à la sonnette du président. » (2)⇓
.
Il sera néanmoins guillotiné à son tour le 16 décembre 1794.
Solidaire lui aussi, à deux siècles de distance, l'ex-candidat
de la gauche "pure et dure" complétait son impudente démarche d'une
signature liberticide incontestable : faisant cosigner sa lettre par le
secrétaire national de son parti, le camarade Alexis Corbière il en adressait
une copie à Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Soulignant de la sorte la fonction de censure que s'est toujours discrètement
octroyée ce singulier organisme, il demande même que "les historiens"
(lesquels ?) puissent "bénéficier d’un droit de réponse"
(comment ?).
Du point de vue des certitudes de notre caricature nationale,
le titre même de la série dans laquelle cette production prenait place ne peut
paraître que suspecte : ça s'appelle "l'Ombre d'un doute". Ça
commence donc franchement mal : un historien qui doute mérite une correction.
Depuis la fameuse déclaration de Clemenceau de 1891, il ne
s'agit pas seulement de considérer, en effet, que "la révolution est un
bloc".
Cette thèse historique, très discutable, et que je conteste (3)⇓ sert bel et bien de prétexte à l'interdiction de tout ce qui pourrait effriter
ou démonétiser le bloc : à l'époque de Clemenceau une pièce de Théâtre
opposant Danton à Robespierre, et qu'il fit interdire ; aujourd'hui une
émission historique osant poser la question du rôle de l'Incorruptible dans la
tentative d'extermination des Vendéens.
On peut, on devrait en finir avec l'ensemble des lois
mémorielles, légitimement toujours blâmables du point de vue de la recherche
historique. Au moins cherchent-elles à défendre la mémoire des victimes :
esclaves, arméniens, juifs, rwandais, etc. On peut malgré tout, sans en
accepter la conservation, en comprendre les motivations.
Au contraire la démarche de Mélenchon comme celle de Clemenceau
tend à défendre celle des bourreaux.
Le public ne s'y trompe pas, dans la mesure où cette émission
de France 3 a connu un franc succès amenant les responsables de la chaîne à la
programmer pour la 3e fois en moins d'un an.
Si l'audimat avait montré une désaffection du public, le débat
n'aurait pas été rediffusé.
Car il s'agissait bien d'un débat. La responsabilité de
Robespierre est affectée d'un point d'interrogation et les avis n'étaient pas
unanimes.
On peut, on doit regretter qu'il soit demeuré en cercle
restreint, évacuant un certain nombre de réalités dérangeantes. Les défenseurs
des royalistes ne sont pratiquement jamais conviés ; leurs travaux sont
minimisés ; le principal historien de la Vendée militaire, Jacques
Crétineau-Joly (4)⇓
, est une fois de plus occulté ; les causes de la guerre
civile sont escamotées.
L'impact national évident de leur contestation sera d'ailleurs
toujours esquivé : quels furent les profiteurs de la révolution, de la
terreur puis du bonapartisme ? qu'ont fait de la France les républicains
qui s'en sont emparés et s'en prévalent aujourd'hui ? Ces questions de
fond ne seront jamais abordées sur les médiats agréés par le CSA. Emmanuel Beau
de Loménie qui se révéla jusqu'au bout l'un des plus éloquents à les soulever
se trouva toute sa vie en butte aux persécutions et aux consignes de silence
des "pollueurs de l'histoire".
Aujourd'hui ne nous y trompons pas : sournoisement, comme
un Peillon, ou grossièrement, comme un Mélenchon, on prépare un nouveau tour de
vis, stigmatisant officiellement ceux qui remettent en cause la vulgate
jacobine.
JG Malliarakis http://www.insolent.fr/
Apostilles
- cf. Libération 30 janvier 2013.⇑
- cf. Crétineau-Joly "Histoire de la Vendée militaire" ed. Trident 2012 Tome II "De la Terreur au Concordat" page 78⇑
- cf. Insolent du 30 jan 2008:"Non, la révolution n'est pas un "bloc". Seuls s'y trompent les absolutistes et les jacobins."⇑
- ⇑
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