Colbert en tenue de l’ordre du Saint-Esprit,
par Claude Lefèbvre (1666).
Jean-Baptiste Colbert arrive donc à la surintendance des finances, sorte de ministère des finances et de l’économie, en septembre 1661, au moment de l’arrestation de Fouquet.
L’idée phare qu’il a défendu tout au long de sa carrière a été que l’économie devait être au service de l’Etat et de la politique qu’entendait mener le Roi. Pour cela il se basa sur deux principes qui sont, d’une part la maîtrise des flux monétaires et d’autre part une vue statique de l’économie.
Ces deux principes voulaient que l’augmentation de l’argent dont disposait le pays se faisait aux dépends d’un autre pays. Il fallait donc le retenir par tous les moyens. Pour schématiser, plutôt que de faire entrer et sortir l’argent du pays, il vaut mieux fixer le flux entrant de capitaux dans des investissements sur le sol français (Par exemple dans des entreprises) et faciliter les flux sortants de biens manufacturés au sein des usines françaises. Le but ultime étant d’avoir une réserve de capitaux importante à l’intérieur ainsi qu’une balance du commerce extérieur en excédent. Colbert mit donc en place des contrôles douaniers sévères pour éviter une fuite des capitaux mais aussi pour favoriser le marché intérieur aux dépends de l’offre étrangère.
Dans la vision de Colbert, seul l’Etat a une vue d’ensemble sur l’économie du pays plutôt que de laisser faire les différentes professions qui défendent leurs intérêts uniquement.
L’action de Colbert sur l’économie de notre pays s’est portée suivant deux axes : l’économie tournée vers l’intérieur et celle tournée vers l’extérieur.
En France, il choisit de donner une impulsion à l’industrie car il compte sur elle pour rivaliser avec les grandes puissances économiques que sont, à l’époque, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas. Il décide d’unifier le marché intérieur pour faire circuler de manière équitable les marchandises. Il crée les manufactures royales pour attirer les ouvriers qualifiés et favoriser l’innovation.
La mise en place progressive d’une uniformisation des différents règlements sur la fabrication de produits manufacturés pour obtenir une montée en gamme généralisée de la production française.
La création des manufactures participe de ce bouleversement en soumettant les entreprises à un contrôle direct de leurs pratiques.
Versailles étant un des endroits les plus fréquentés par la noblesse du monde à l’époque, Colbert s’en sert comme d’une vitrine pour exporter l’excellence française sur la planète. C’est un plan simple et redoutable à la fois : d’une part, il valorise la production intérieure en empêchant autant que faire se peut les produits étrangers de rivaliser avec ceux fabriqués en France, d’autre part il favorise la demande étrangère pour les produits manufacturés français. Cela permet une croissance de l’importance de la France dans le commerce international et surtout, ce qui est le coeur de la stratégie colbertiste, c’est l’enrichissement du trésor royal qui augmente de façon considérable. Colbert poursuit ce but depuis son accession au poste de surintendant des finances. Cet enrichissement du trésor permet à Louis XIV de mener les nombreuses guerres.
A l’étranger, Colbert mise en grande partie sur la flotte de commerce pour concurrencer le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Il favorise la constitution des grandes compagnies de commerce sur le modèle hollandais et facilite leurs implantations outre-mer par la création de comptoirs de commerce dans les colonies.
Le système qu’il établit en France continue son oeuvre malgré sa mort prématurée en 1683. Le corps des inspecteurs devient un véritable corps au service de la valorisation de la production française.
Cependant, le colbertisme se trouve confronté à la montée du libéralisme, poussé par les Lumières. Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, reprenant le vocabulaire faisant « l’éloge de la liberté », des économistes et chefs d’entreprises poussent le pouvoir pour qu’il abandonne les règlements qui uniformisaient la production de chaque objet sur tout le territoire national.
La révolution se chargea de raser ce que les rois n’avaient pu se résoudre à complètement abolir: par le vote du 27 septembre 1791, les Constituants décidèrent l’abolition des règlements de fabrication et de l’Inspection des manufactures.
Loin de résoudre les problèmes soulevés par un dirigisme un peu trop appuyé de l’Inspection des manufactures, l’abolition décrétée par l’assemblée constituante en crée de nouveaux: elle frappe d’infamie toute idée d’appliquer une règlementation quelconque dans la production d’un produit.
Cela supprime aussi le rôle d’intermédiaire entre les entreprises et l’Etat que jouait l’Inspection et oblige l’Etat à légiférer de manière générale et non par branche comme le bon sens le voudrait. De plus le corollaire de la suppression de l’Inspection a amené celui des corporations, ce qui empêche le développement de réelles organisations sociales. Nos syndicats français n’en sont que la pâle imitation. La conséquence de cette suppression est une organisation des syndicats sur une base politique et non professionnelle, contrairement à l’Allemagne par exemple.
Sans pour autant idéaliser ou de dénigrer l’action, il faut reconnaître à ce grand homme le mérite d’avoir toujours voulu mettre l’économie au service de la grandeur de la France et, cela de manière volontariste. Le problème de l’Etat aujourd’hui serait son incapacité à déterminer une politique économique claire, enchaîné qu’il est par le libéralisme issu des Lumières. De plus le destin de l’économie française échappe aux mains des politiques. L’économie n’est donc plus subordonnée au politique. Ce changement est conjugué au transfert à l’Union européenne de nombreuses prérogatives capitales dans le domaine économique, notamment dans le domaine monétaire.
Bibliographie :
MINARD, Philippe, La fortune du colbertisme, État et industrie dans la France des Lumières, Paris, Fayard, 1998.
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