Astrid
Bässler, spécialiste des médecines holistes à Berlin, médecin en
Allemagne et en Nouvelle-Zélande, où elle a créé la fondation "Crystal
Bridge", institution qui soigne les patients en les induisant à
pratiquer un travail artistique. Elle s'est ensuite consacrée aux
problèmes de l'eurythmie. Elle a composé récemment un petit bréviaire en
l'honneur de Brigid, la déesse principale du panthéon celtique. Cet
ouvrage contient, outre des poèmes (en allemand, en anglais et en
gaélique) et de magnifiques illustrations dues à la plume et au ciseau
de Rory McDougall, plusieurs textes définissant le rôle et les
attributions de Brigid.
Dans «Brigid», d'Astrid Bässler elle-même, on lit : « Brigid est une figure qui revient sans cesse dans le monde celtique du Nord-Ouest, à des périodes différentes, sous des aspects différents ». À l'ère pré-chrétienne, nous rencontrons Brigid comme inspiratrice du processus de création. Par ses chants, elle suscite la puissance créatrice des dieux masculins, comme Angus, incarnation de l'éternelle jeunesse, Ogma, personnification de la magnificence de l'astre solaire, Gobniu, le forgeron magique… Elle offre à la Terre en voie de création son manteau bleu, qui deviendra le sol nourricier de tous les êtres vivants, animaux et végétaux, ainsi que l'enveloppe protectrice dont on entourera tous les malades et nécessiteux. Le manteau bleu de la déesse symbolise dès lors la force vitale omni-compénétrante. La Sainte-Brigitte (455-525 ?) du christianisme irlandais est une fille de chef, qui devient l'abbesse de Kildare, monastère mixte, où œuvrent hommes et femmes, véritable centre culturel, où l'on recopie des manuscrits, où l'on installe une école de forgerons et d'orfèvres, flanquée d'un hôpital. La qualité d'abbesse de Brigitte lui confère le rang d'évêque dans une église irlandaise qui ne se soucie guère des dogmes (machistes), imposés ailleurs par Rome. Faisant fi de la chronologie officielle qui fait naître la grande abbesse de Kildare en 455, la légende veut que Brigitte se soit trouvée à Bethléem, au moment de la naissance du Christ, l'a vu, enfant dans sa crèche, et l'a enveloppé de son manteau bleu. Légende indéracinable en Irlande qui montre l'antériorité de la religiosité brigittine et brigittine-christique par rapport à l'appareil romain-constantinien. Cette légende refuse donc le "rupturisme" chrétien, qui entend éradiquer les cultes païens ancestraux, dans l'aire celtique ou ailleurs. Astrid Bässler rappelle également que la fête de la Sainte-Brigitte correspond au début du printemps traditionnel celtique, l'Imbolc, le 1 février.
Isabelle Wyatt, dans un autre texte explicatif sur les avatars de la déesse celtique, repère ses traces dans d'autres régions d'Europe : la ville de Brigantia en Espagne doit son nom à Brigid; de même, la tribu celtique des Brigantes du Yorkshire en Angleterre ; le Lac de Constance ("Bodensee" en allemand) s'appelait en latin "Lacus Brigantius", près duquel on trouve la ville de Bregenz ("Brigantinum" en latin). Dans l'Est de l'hexagone, on trouve maintes inscriptions votives à "Brigindo", nom de la déesse dans l'Est de la Gaule.
Isabelle Wyatt rappelle que Brigid (ou Brigan, Brig ou, en Irlande, Bridghe) est la déesse du "dan", terme signifiant le savoir mais aussi la vitalité en tous domaines, englobant le visible et le caché. Comme dans nombre de processions de l'ère chrétienne, où elle est remplacée par une vierge Marie, on promène, au début du printemps, son effigie dans les champs, juchée sur un chariot ; elle est représentée sous les traits d'une jeune femme tenant en ses bras un enfant. On offre du lait sur son autel. Elle protège le bétail (surtout bovin). Elle est la mère du "Logos" celtique, l'Ogma irlandais ou l'Ogmios gaulois, dieu de la langue, de la littérature et de l'éloquence. Elle est une femme qui guérit et, à ce titre, elle est la protectrice des poètes et des écrivains (dont le statut reste très élevé en Irlande), car la poésie comme l'art de guérir sont des émanations des forces vitales que recèle le monde en abondance. Les rêves, les destinées, les prophéties relèvent également de la déesse, justement parce qu'ils indiquent un domaine où confluent et se mêlent passé et avenir. Brigid est fille du Soleil, car c'est du Soleil que le monde reçoit son être. Autre symbole lié à Brigid: le cygne blanc, essence de l'homme, dans sa pureté prénatale.
Nous trouvons dans l'anthologie d'Astrid Bässler ces phrases du grand poète irlandais William Butler Yeats : « Derrière toute l'histoire irlandaise, nous trouvons une grande tapisserie murale, que même le christianisme doit accepter, pour s'y retrouver. Quand on observe ses plis sombres, on ne peut pas dire où commence le christianisme et où finit le druidisme ».
Enfin, Hans Gsänger, dans une contribution assez longue, nous rappelle un texte ancien, l'Hymne de Broccan, où Brigid, symbole de la terre mère fécondée par le Soleil, est présentée comme la véritable mère du Christ, posant dès lors l'équation entre Brigid et Marie/Myriam, inacceptable pour le christianisme dogmatique, car tous les cultes mariaux seraient ramenés à leur matrice païenne, avec Brigid comme mère cosmique et le Christ comme avatar d'Ogmios.
H. Gsänger nous rappelle aussi les écrits de Giraldus Cambrensis (= Gerald of Wales) (1145-1223?). Cet ecclésiastique anglo-gallois avait d'abord participé aux croisades anti-irlandaises du Roi Henri II, puis avait rompu avec la hiérarchie de l'église anglaise, pour devenir un écrivain indépendant, au style puissant et humoristique. Prolixe pour son temps, il rédigea également quelques ouvrages historiographiques et topographiques sur l'Irlande et le Pays de Galles (Topographia et expugnatio hibernica, Descriptio Kambriae, Itinerarium). Il y décrit les mœurs et les gens, y retranscrit des bribes significatives de sagas et de contes, avec d'importantes allusions à la fusion du culte de Brigid et des cultes mariaux, qui ne sont souvent rien d'autre que leur transposition christianisée. Notamment, Gerald rappelle que Sainte-Brigitte, l'abbesse de Kildare, entretient et garde un feu sans cendres, avec l'aide de 19 nonnes. On parlait à l'époque de "la flamme sans cendres des Gaëls". Ce feu de l'abbesse Brigitte sera perpétué par ses successeurs jusqu'en 1220, où, à l'instigation des inquisiteurs anglo-romains, le représentant du roi d'Angleterre, Henri de Loundres, le fait éteindre d'autorité.
Gerald nous apprend également que Sainte-Brigitte est la patronne des étudiants (leg druidique?), la mac-léighinn, ce qui la lie directement à la déesse Brigid, protectrice des poètes et des écrivains.
Le 1 février, jour de l'Imbolc celtique et de la Sainte-Brigitte, celle-ci, rapporte la légende, convie la "famille céleste". Les femmes irlandaises ont encore l'habitude de faire des "Brigid-crosses" à cette date; ces croix sont confectionnées à l'aide de paille et placées au centre d'un carré, également tressé avec de la paille, jeu de formes qui donne la roue cosmique ou swastika. Ce rituel traditionnel relève, ajoute Gsänger, des "mystères irlandais", dont les racines sont païennes mais qui ont survécu longtemps en Irlande, après la christianisation. Que signifie le nombre 19, nombre des nonnes qui accompagnent Sainte-Brigitte dans l'entretien du "feu sans cendres"? Brigitte comme moteur cosmique est de fait accompagnée de 12 + 7 assistantes. Le nombre 12 fait référence aux douze signes zodiacaux, c'est-à-dire aux douze configurations des étoiles fixes, tandis que le nombre 7 correspond aux sept planètes du système solaire connues à l'époque. Le mystère irlandais de Sainte-Brigitte est donc la christianisation superficielle d'une cosmologie païenne immémoriale. Brigid/Brigitte harmonise donc les astres immobiles et les astres mouvants, elle est la gardienne de l'ordre cosmique. Dans la tradition irlandaise, les figures marquantes sont toujours accompagnées de 12 assistants ou disciples, mettant l'accent sur l'immuabilité cosmique: Columcille arrive à Iona (l'île sacrée des Hébrides) avec 12 "frères" ; Colomban arrive en Europe centrale avec 12 "moines". Saint-Finnian de Clonard commence sa carrière, accompagné de 12 "apôtres". Le même principe vaut pour les traditions guerrières, comme nous le montre les récits des Chevaliers de la Table Ronde (Artus, Graal). L'iconographie irlandaise représente Brigid au centre de la Trinité, oblitérant ainsi le récit chrétien, plus récent, et affirmant, discrètement, la préséance du culte de Brigid (et d'Ogmios) sur le message strictement chrétien.
Il existe également un rapport intime entre le culte immémorial de Brigid et le symbole du Chaudron de Dagda, réceptacle des forces constitutives de l'éther qui "forgent" le corps. Les forces qui arrivent dans un corps, en voie de constitution, en gestation, et qui ne servent pas directement à le "forger" physiquement et charnellement, virevoltent, libres et ludiques, dans l'âme de la personne et lui communiquent ses qualités artistiques et poétiques. Ce qui explique la triple fonction de Brigid, comme protectrice des "forgerons", des médecins (chargés de maintenir actives les forces vitales dans les corps des hommes) et des poètes.
Dernière indication que nous livre Gsänger : il nous rappelle l'œuvre du poète écossais William Sharp (1855-1905), qui publiait sous le pseudonyme féminin de Fiona Macleod. Sharp/Macleod évoque les récits relatifs à Brigid/Bride dans From the Hills of Dreams (1896), ouvrage qui sera publié en allemand en 1922, sous le titre de Das Reich der Träume, dans la célèbre maison d'édition d'Eugen Diederichs, défenseur d'une religiosité alternative, enracinée, libertaire et vitaliste, qui imprégnera profondément le mouvement de jeunesse allemand, le Wandervogel.
Bref, une anthologie qui permet de redécouvrir, derrière une figure mythologique féminine, la religion cosmique indo-européenne (puisque Brigid fait partie des dieux de la lumière du jour, les Tuatha De Danaan), qui ne s'est pas interrompue brutalement par la christianisation, mais s'est perpétuée intacte pendant plusieurs siècles, jusqu'à la conquête anglaise de l'Irlande, conquête ordonnée par Rome. Cette conquête a conduit à l'extinction du feu sacré de Kildare, donc au rejet de l'ordre cosmique immuable des douze configurations zodiacales et du jeu mouvant des sept planètes.
(article paru sous le pseudonyme de "Detlev BAUMANN" dans la revue "Antaios").
Astrid BÄSSLER, Brigid. Keltische Göttin und Heilige, Ogham Verlag/Verlag am Goetheanum, Freiburg/Br., 1999, ISBN 3-7235-1063-9.
Dans «Brigid», d'Astrid Bässler elle-même, on lit : « Brigid est une figure qui revient sans cesse dans le monde celtique du Nord-Ouest, à des périodes différentes, sous des aspects différents ». À l'ère pré-chrétienne, nous rencontrons Brigid comme inspiratrice du processus de création. Par ses chants, elle suscite la puissance créatrice des dieux masculins, comme Angus, incarnation de l'éternelle jeunesse, Ogma, personnification de la magnificence de l'astre solaire, Gobniu, le forgeron magique… Elle offre à la Terre en voie de création son manteau bleu, qui deviendra le sol nourricier de tous les êtres vivants, animaux et végétaux, ainsi que l'enveloppe protectrice dont on entourera tous les malades et nécessiteux. Le manteau bleu de la déesse symbolise dès lors la force vitale omni-compénétrante. La Sainte-Brigitte (455-525 ?) du christianisme irlandais est une fille de chef, qui devient l'abbesse de Kildare, monastère mixte, où œuvrent hommes et femmes, véritable centre culturel, où l'on recopie des manuscrits, où l'on installe une école de forgerons et d'orfèvres, flanquée d'un hôpital. La qualité d'abbesse de Brigitte lui confère le rang d'évêque dans une église irlandaise qui ne se soucie guère des dogmes (machistes), imposés ailleurs par Rome. Faisant fi de la chronologie officielle qui fait naître la grande abbesse de Kildare en 455, la légende veut que Brigitte se soit trouvée à Bethléem, au moment de la naissance du Christ, l'a vu, enfant dans sa crèche, et l'a enveloppé de son manteau bleu. Légende indéracinable en Irlande qui montre l'antériorité de la religiosité brigittine et brigittine-christique par rapport à l'appareil romain-constantinien. Cette légende refuse donc le "rupturisme" chrétien, qui entend éradiquer les cultes païens ancestraux, dans l'aire celtique ou ailleurs. Astrid Bässler rappelle également que la fête de la Sainte-Brigitte correspond au début du printemps traditionnel celtique, l'Imbolc, le 1 février.
Isabelle Wyatt, dans un autre texte explicatif sur les avatars de la déesse celtique, repère ses traces dans d'autres régions d'Europe : la ville de Brigantia en Espagne doit son nom à Brigid; de même, la tribu celtique des Brigantes du Yorkshire en Angleterre ; le Lac de Constance ("Bodensee" en allemand) s'appelait en latin "Lacus Brigantius", près duquel on trouve la ville de Bregenz ("Brigantinum" en latin). Dans l'Est de l'hexagone, on trouve maintes inscriptions votives à "Brigindo", nom de la déesse dans l'Est de la Gaule.
Isabelle Wyatt rappelle que Brigid (ou Brigan, Brig ou, en Irlande, Bridghe) est la déesse du "dan", terme signifiant le savoir mais aussi la vitalité en tous domaines, englobant le visible et le caché. Comme dans nombre de processions de l'ère chrétienne, où elle est remplacée par une vierge Marie, on promène, au début du printemps, son effigie dans les champs, juchée sur un chariot ; elle est représentée sous les traits d'une jeune femme tenant en ses bras un enfant. On offre du lait sur son autel. Elle protège le bétail (surtout bovin). Elle est la mère du "Logos" celtique, l'Ogma irlandais ou l'Ogmios gaulois, dieu de la langue, de la littérature et de l'éloquence. Elle est une femme qui guérit et, à ce titre, elle est la protectrice des poètes et des écrivains (dont le statut reste très élevé en Irlande), car la poésie comme l'art de guérir sont des émanations des forces vitales que recèle le monde en abondance. Les rêves, les destinées, les prophéties relèvent également de la déesse, justement parce qu'ils indiquent un domaine où confluent et se mêlent passé et avenir. Brigid est fille du Soleil, car c'est du Soleil que le monde reçoit son être. Autre symbole lié à Brigid: le cygne blanc, essence de l'homme, dans sa pureté prénatale.
Nous trouvons dans l'anthologie d'Astrid Bässler ces phrases du grand poète irlandais William Butler Yeats : « Derrière toute l'histoire irlandaise, nous trouvons une grande tapisserie murale, que même le christianisme doit accepter, pour s'y retrouver. Quand on observe ses plis sombres, on ne peut pas dire où commence le christianisme et où finit le druidisme ».
Enfin, Hans Gsänger, dans une contribution assez longue, nous rappelle un texte ancien, l'Hymne de Broccan, où Brigid, symbole de la terre mère fécondée par le Soleil, est présentée comme la véritable mère du Christ, posant dès lors l'équation entre Brigid et Marie/Myriam, inacceptable pour le christianisme dogmatique, car tous les cultes mariaux seraient ramenés à leur matrice païenne, avec Brigid comme mère cosmique et le Christ comme avatar d'Ogmios.
H. Gsänger nous rappelle aussi les écrits de Giraldus Cambrensis (= Gerald of Wales) (1145-1223?). Cet ecclésiastique anglo-gallois avait d'abord participé aux croisades anti-irlandaises du Roi Henri II, puis avait rompu avec la hiérarchie de l'église anglaise, pour devenir un écrivain indépendant, au style puissant et humoristique. Prolixe pour son temps, il rédigea également quelques ouvrages historiographiques et topographiques sur l'Irlande et le Pays de Galles (Topographia et expugnatio hibernica, Descriptio Kambriae, Itinerarium). Il y décrit les mœurs et les gens, y retranscrit des bribes significatives de sagas et de contes, avec d'importantes allusions à la fusion du culte de Brigid et des cultes mariaux, qui ne sont souvent rien d'autre que leur transposition christianisée. Notamment, Gerald rappelle que Sainte-Brigitte, l'abbesse de Kildare, entretient et garde un feu sans cendres, avec l'aide de 19 nonnes. On parlait à l'époque de "la flamme sans cendres des Gaëls". Ce feu de l'abbesse Brigitte sera perpétué par ses successeurs jusqu'en 1220, où, à l'instigation des inquisiteurs anglo-romains, le représentant du roi d'Angleterre, Henri de Loundres, le fait éteindre d'autorité.
Gerald nous apprend également que Sainte-Brigitte est la patronne des étudiants (leg druidique?), la mac-léighinn, ce qui la lie directement à la déesse Brigid, protectrice des poètes et des écrivains.
Le 1 février, jour de l'Imbolc celtique et de la Sainte-Brigitte, celle-ci, rapporte la légende, convie la "famille céleste". Les femmes irlandaises ont encore l'habitude de faire des "Brigid-crosses" à cette date; ces croix sont confectionnées à l'aide de paille et placées au centre d'un carré, également tressé avec de la paille, jeu de formes qui donne la roue cosmique ou swastika. Ce rituel traditionnel relève, ajoute Gsänger, des "mystères irlandais", dont les racines sont païennes mais qui ont survécu longtemps en Irlande, après la christianisation. Que signifie le nombre 19, nombre des nonnes qui accompagnent Sainte-Brigitte dans l'entretien du "feu sans cendres"? Brigitte comme moteur cosmique est de fait accompagnée de 12 + 7 assistantes. Le nombre 12 fait référence aux douze signes zodiacaux, c'est-à-dire aux douze configurations des étoiles fixes, tandis que le nombre 7 correspond aux sept planètes du système solaire connues à l'époque. Le mystère irlandais de Sainte-Brigitte est donc la christianisation superficielle d'une cosmologie païenne immémoriale. Brigid/Brigitte harmonise donc les astres immobiles et les astres mouvants, elle est la gardienne de l'ordre cosmique. Dans la tradition irlandaise, les figures marquantes sont toujours accompagnées de 12 assistants ou disciples, mettant l'accent sur l'immuabilité cosmique: Columcille arrive à Iona (l'île sacrée des Hébrides) avec 12 "frères" ; Colomban arrive en Europe centrale avec 12 "moines". Saint-Finnian de Clonard commence sa carrière, accompagné de 12 "apôtres". Le même principe vaut pour les traditions guerrières, comme nous le montre les récits des Chevaliers de la Table Ronde (Artus, Graal). L'iconographie irlandaise représente Brigid au centre de la Trinité, oblitérant ainsi le récit chrétien, plus récent, et affirmant, discrètement, la préséance du culte de Brigid (et d'Ogmios) sur le message strictement chrétien.
Il existe également un rapport intime entre le culte immémorial de Brigid et le symbole du Chaudron de Dagda, réceptacle des forces constitutives de l'éther qui "forgent" le corps. Les forces qui arrivent dans un corps, en voie de constitution, en gestation, et qui ne servent pas directement à le "forger" physiquement et charnellement, virevoltent, libres et ludiques, dans l'âme de la personne et lui communiquent ses qualités artistiques et poétiques. Ce qui explique la triple fonction de Brigid, comme protectrice des "forgerons", des médecins (chargés de maintenir actives les forces vitales dans les corps des hommes) et des poètes.
Dernière indication que nous livre Gsänger : il nous rappelle l'œuvre du poète écossais William Sharp (1855-1905), qui publiait sous le pseudonyme féminin de Fiona Macleod. Sharp/Macleod évoque les récits relatifs à Brigid/Bride dans From the Hills of Dreams (1896), ouvrage qui sera publié en allemand en 1922, sous le titre de Das Reich der Träume, dans la célèbre maison d'édition d'Eugen Diederichs, défenseur d'une religiosité alternative, enracinée, libertaire et vitaliste, qui imprégnera profondément le mouvement de jeunesse allemand, le Wandervogel.
Bref, une anthologie qui permet de redécouvrir, derrière une figure mythologique féminine, la religion cosmique indo-européenne (puisque Brigid fait partie des dieux de la lumière du jour, les Tuatha De Danaan), qui ne s'est pas interrompue brutalement par la christianisation, mais s'est perpétuée intacte pendant plusieurs siècles, jusqu'à la conquête anglaise de l'Irlande, conquête ordonnée par Rome. Cette conquête a conduit à l'extinction du feu sacré de Kildare, donc au rejet de l'ordre cosmique immuable des douze configurations zodiacales et du jeu mouvant des sept planètes.
(article paru sous le pseudonyme de "Detlev BAUMANN" dans la revue "Antaios").
Astrid BÄSSLER, Brigid. Keltische Göttin und Heilige, Ogham Verlag/Verlag am Goetheanum, Freiburg/Br., 1999, ISBN 3-7235-1063-9.
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