Le
païen Clovis, vingt-six ans, épouse en l'église de Soissons la
ravissante princesse burgonde et chrétienne Clotilde, vingt-sept ans,
avec la bénédiction de Remi, évêque de Reims.
Cette année-là, la onzième de son règne sur les Francs saliens, le païen Clovis, vingt-six ans, épousait la ravissante princesse burgonde et chrétienne Clotilde, vingt-sept ans, avec la bénédiction de Remi, évêque de Reims. Nous avons vu dans notre dernier article combien le roi Childéric, grand admirateur de Rome et ami de Geneviève, était pressé, dans la grande débâcle de l'empire romain, de se rapprocher de l'Église catholique pour, avec son appui, peut-être réunifier la Gaule... Il mourut trop tôt : son fils, Clovis, lui succédant à quinze ans, intelligent et ambitieux, réaliserait-il ce grand rêve ?
Agrandir le royaume
Remi lui écrivit pour le féliciter : « Montre-toi plein de déférence pour tes évêques et recours toujours à leur avis. [...] Si tu t'entends avec eux, ton pays s'en trouvera bien. » C'était tout un programme, mais, toujours fidèle à ses dieux, Wotan, Baldur et les Walkyries, il se montra d'abord soucieux d'agrandir son royaume, car être seulement roi des Francs saliens et ne posséder que la Belgique seconde, autour de Tournay, ne lui suffisait pas : il n'hésita pas à occire les chefs des Francs rhénans et des Francs de Cambrai qui le gênaient, il alla jusqu'à épouser une Franque rhénane pour renforcer ses positions vers l'est.
Au sud il avait un rival en la personne de Syagrius, résidant à Soissons et se disant encore chef de la milice romaine, mais bien peu le prenaient au sérieux. Pour en venir à bout, Clovis demanda et obtint le titre de patrice de la seule légitimité romaine encore debout après l'effondrement de Rome, celle de l'empereur byzantin Zénon. Syagrius ne l'admit pas, Clovis le défia sur le champ de bataille en 486, cet homme indigne alla alors se réfugier chez les Wisigoths dans la région de Toulouse, mais le roi Alaric le réexpédia chez Clovis qui lui réserva le sort des traitres. Puis en 491, Clovis entreprit de soumettre d'autres cousins francs, ceux de Thuringe. Tant et si bien que le roi de Francs parvint à ce moment-là à contrôler tout le Nord de la Gaule.
La belle Burgonde
Remi observait avec intérêt la montée en puissance du jeune roi, qui avait l'air de se souvenir de sa lettre de recommandations, comme en témoigna l'affaire bien connue du vase de Soissons dans laquelle il vengea l'Église. D'ailleurs ses tentatives d'entrer dans Lutèce se heurteraient toutes au refus de Geneviève, vierge mi-franque mi-gallo-romaine, tant qu'il resterait païen, mais à ce moment-là Clovis semblait plutôt enclin à ménager les Wisigoths champions de l'arianisme ; il avait même consenti au mariage de sa soeur Aldoflède avec Théodoric, roi des Ostrogoths. Or l'épouse de Clovis mourut soudain, après avoir donné le jour à Thierry. Il devenait urgent de tenter de lui faire épouser une princesse réellement chrétienne, qui pût avoir une certaine influence sur lui...
Avit, évêque de Vienne, écrivit alors à Remi et lui parla de la nièce de Gondebaud, roi des Burgondes. qui régnait en gros sur les terres aujourd'hui savoyardes et dauphinoises. Le père de la jeune fille, Chilpéric, et sa mère, une gallo-romaine, avaient été noyés dans le Rhône par Gondebaud qui voulait régner seul et ne pas être occis par ses frères – telles étaient les moeurs dynastiques barbares... -, mais leurs deux filles Chrona et Clotilde furent épargnées et élevés dans un monastère catholique où elles échappèrent à l'arianisme se répandant à la cour burgonde. Chrona prit l'habit, alors que Clotilde fut rappelée à la cour du roi Gondebaud... pour y apprendre qu'on voulait la marier. Les choses allèrent très vite : Clovis, mis au courant par Remi était impatient de connaître une jeune fille que l'on disait aussi adorable et Gondebaud ne pouvait rien refuser à Clovis qui était plus qu'un roi, un patrice ! La paix en Gaule semblait aussi devoir être un des fruits diplomatiques de cette belle histoire d'amour.
Clotilde pose ses conditions
Le mariage fut célébré en grandes pompes en l'église de Soissons en 492. Clotilde n'avait posé qu'une condition : que les enfants nés de cette union fussent baptisés catholiques. Clovis avait accepté sans réfléchir, mais quand leur premier enfant, Ingomer, naquit et mourut une semaine après, il se lança dans des blasphèmes sur le Dieu des chrétiens qui ne valait pas Wotan et sa religion virile... Clotilde lui parla de sacrifice et d'espérance. Vrai dialogue de sourds. Drame déchirant qu'imagine avec talent Anne Bernet dans son Clovis (éditions Clovis). En 495, nouvelle grossesse : le petit Clodomir fut très malade, mais il en guérit, sans que son père fût pour autant guéri de la confiance en ses idoles « de bois et de pierre ». Il faudrait encore des mois pour que son âme arrivât à maturité. Pendant ce temps les périls s'amoncelaient : déjà les Alamans, plus ou moins alliés aux Burgondes, inquiétaient le roi de Cologne Sigebert, parent de Clovis... Par ailleurs l'arianisme s'incrustait en pays wisigoth et burgonde... Mais Clotilde priait et Remi gardait l'espérance.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2809 – Du 20 janvier au 2 février 2011
Cette année-là, la onzième de son règne sur les Francs saliens, le païen Clovis, vingt-six ans, épousait la ravissante princesse burgonde et chrétienne Clotilde, vingt-sept ans, avec la bénédiction de Remi, évêque de Reims. Nous avons vu dans notre dernier article combien le roi Childéric, grand admirateur de Rome et ami de Geneviève, était pressé, dans la grande débâcle de l'empire romain, de se rapprocher de l'Église catholique pour, avec son appui, peut-être réunifier la Gaule... Il mourut trop tôt : son fils, Clovis, lui succédant à quinze ans, intelligent et ambitieux, réaliserait-il ce grand rêve ?
Agrandir le royaume
Remi lui écrivit pour le féliciter : « Montre-toi plein de déférence pour tes évêques et recours toujours à leur avis. [...] Si tu t'entends avec eux, ton pays s'en trouvera bien. » C'était tout un programme, mais, toujours fidèle à ses dieux, Wotan, Baldur et les Walkyries, il se montra d'abord soucieux d'agrandir son royaume, car être seulement roi des Francs saliens et ne posséder que la Belgique seconde, autour de Tournay, ne lui suffisait pas : il n'hésita pas à occire les chefs des Francs rhénans et des Francs de Cambrai qui le gênaient, il alla jusqu'à épouser une Franque rhénane pour renforcer ses positions vers l'est.
Au sud il avait un rival en la personne de Syagrius, résidant à Soissons et se disant encore chef de la milice romaine, mais bien peu le prenaient au sérieux. Pour en venir à bout, Clovis demanda et obtint le titre de patrice de la seule légitimité romaine encore debout après l'effondrement de Rome, celle de l'empereur byzantin Zénon. Syagrius ne l'admit pas, Clovis le défia sur le champ de bataille en 486, cet homme indigne alla alors se réfugier chez les Wisigoths dans la région de Toulouse, mais le roi Alaric le réexpédia chez Clovis qui lui réserva le sort des traitres. Puis en 491, Clovis entreprit de soumettre d'autres cousins francs, ceux de Thuringe. Tant et si bien que le roi de Francs parvint à ce moment-là à contrôler tout le Nord de la Gaule.
La belle Burgonde
Remi observait avec intérêt la montée en puissance du jeune roi, qui avait l'air de se souvenir de sa lettre de recommandations, comme en témoigna l'affaire bien connue du vase de Soissons dans laquelle il vengea l'Église. D'ailleurs ses tentatives d'entrer dans Lutèce se heurteraient toutes au refus de Geneviève, vierge mi-franque mi-gallo-romaine, tant qu'il resterait païen, mais à ce moment-là Clovis semblait plutôt enclin à ménager les Wisigoths champions de l'arianisme ; il avait même consenti au mariage de sa soeur Aldoflède avec Théodoric, roi des Ostrogoths. Or l'épouse de Clovis mourut soudain, après avoir donné le jour à Thierry. Il devenait urgent de tenter de lui faire épouser une princesse réellement chrétienne, qui pût avoir une certaine influence sur lui...
Avit, évêque de Vienne, écrivit alors à Remi et lui parla de la nièce de Gondebaud, roi des Burgondes. qui régnait en gros sur les terres aujourd'hui savoyardes et dauphinoises. Le père de la jeune fille, Chilpéric, et sa mère, une gallo-romaine, avaient été noyés dans le Rhône par Gondebaud qui voulait régner seul et ne pas être occis par ses frères – telles étaient les moeurs dynastiques barbares... -, mais leurs deux filles Chrona et Clotilde furent épargnées et élevés dans un monastère catholique où elles échappèrent à l'arianisme se répandant à la cour burgonde. Chrona prit l'habit, alors que Clotilde fut rappelée à la cour du roi Gondebaud... pour y apprendre qu'on voulait la marier. Les choses allèrent très vite : Clovis, mis au courant par Remi était impatient de connaître une jeune fille que l'on disait aussi adorable et Gondebaud ne pouvait rien refuser à Clovis qui était plus qu'un roi, un patrice ! La paix en Gaule semblait aussi devoir être un des fruits diplomatiques de cette belle histoire d'amour.
Clotilde pose ses conditions
Le mariage fut célébré en grandes pompes en l'église de Soissons en 492. Clotilde n'avait posé qu'une condition : que les enfants nés de cette union fussent baptisés catholiques. Clovis avait accepté sans réfléchir, mais quand leur premier enfant, Ingomer, naquit et mourut une semaine après, il se lança dans des blasphèmes sur le Dieu des chrétiens qui ne valait pas Wotan et sa religion virile... Clotilde lui parla de sacrifice et d'espérance. Vrai dialogue de sourds. Drame déchirant qu'imagine avec talent Anne Bernet dans son Clovis (éditions Clovis). En 495, nouvelle grossesse : le petit Clodomir fut très malade, mais il en guérit, sans que son père fût pour autant guéri de la confiance en ses idoles « de bois et de pierre ». Il faudrait encore des mois pour que son âme arrivât à maturité. Pendant ce temps les périls s'amoncelaient : déjà les Alamans, plus ou moins alliés aux Burgondes, inquiétaient le roi de Cologne Sigebert, parent de Clovis... Par ailleurs l'arianisme s'incrustait en pays wisigoth et burgonde... Mais Clotilde priait et Remi gardait l'espérance.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2809 – Du 20 janvier au 2 février 2011
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