Nietzsche est
né dans une famille de pasteurs, le 15 octobre 1844. Il fut prénommé
Friedrich Wilhelm (Frédéric Guillaume) en hommage au roi de Prusse dont
c'était l'anniversaire. Son père avait été précepteur dans la famille
royale. L'enfant se fit remarquer par ses dons et fut envoyé au célèbre
collège de Pforta, où avaient étudié des célébrités des lettres
allemandes, tels les frères Schlegel, Novalis et Fichte. Il y poursuivit
de brillantes études. Il abandonnera rapidement des études de théologie
pour se consacrer à la philologie. Il va découvrir la philosophie de
Schopenhauer, qui sera pendant des années son maître à penser. Nommé
professeur à l'Université de Bâle, sa carrière universitaire connaît un
départ fulgurant. En 1868, Nietzsche fait la connaissance de Richard
Wagner et s'enthousiasme pour son œuvre. Il écrit son premier livre
important, « La naissance de la Tragédie », publié en 1872, qui
sera considéré comme un commentaire de l'œuvre de Wagner. Quelques
années plus tard, il se brouillera avec Richard Wagner. Une étrange
jeune fille, Lou von Salomé, apparaît dans sa vie. Elle lui est
présentée par son ami Paul Rée. Il en tombe amoureux, mais ce sentiment
n'est pas partagé. Celle-ci développe des idées pour le moins bizarres.
Elle propose aux deux amis de partir à Paris et de vivre une sorte de «
ménage à trois », avec des relations purement platoniques, dans un
cénacle philosophique qui aiderait à la création des œuvres de chacun.
La sœur et la mère de Nietzsche n'apprécièrent que modérément la
perspective d'une telle fantaisie. Le sang de sa mère, qui était fille,
sœur et veuve de pasteur ne fit qu'un tour. Elle déclara à son fils
qu'il allait déshonorer la mémoire de son père, discréditer la famille,
etc. D'où une brouille familiale qui dura quelques années... La pensée
de Nietzsche se précise en 1883 avec la parution de Zarathoustra. Il publiera ensuite Par-delà le bien et le mal, Le Gai savoir et La Généalogie de la morale. Puis, en 1888 paraissent L'Antéchrist, Ecce Homo.
Le drame final se produira le 4 janvier 1889, à Turin. Nietzsche
aperçoit un cocher qui maltraite un cheval. Il intervient, s'approche de
l'animal pour l'embrasser. Il s'effondre, et ne retrouvera jamais la
raison. Il avait, dans les derniers jours de 1888, écrit des lettres
bizarres à ses amis, qu'il signait "Dionysos" ou « le crucifié ». Il
mourut le 25 août 1900, des suites d'une pneumonie. Certains pensent que
la paralysie générale qui atteint Nietzsche était d'origine
syphilitique, d'autres évoquent la thèse de l'intoxication due à la
consommation de certaines drogues. Mais Nietzsche avait depuis longtemps
supprimé toute consommation d'alcool, de café, et il ne fumait pas. Les
causes de cet effondrement final restent donc mystérieuses. Mais
évoquons les idées développées par Nietzsche. Il n'a jamais eu la
prétention de se poser en penseur politique, même si son œuvre a fait
l'objet de récupérations politiques. Mais il est généralement considéré
comme un précurseur de la révolution conservatrice. Pierre Drieu La
Rochelle affirmait qu'il s'était intéressé à Nietzsche parce qu'il était
à sa connaissance le seul philosophe clair. On pourrait formuler la
même remarque au sujet de Cioran. Nietzsche est, sans conteste, un des
meilleurs prosateurs de la langue allemande. Sa pensée a souvent évolué,
mais il reste des constantes : l'une des clefs permettant de comprendre
sa pensée est son attitude anti-intellectualiste. Il fait partie de ces
philosophes qui voient une opposition entre l'intelligence et la vie.
Nietzsche est persuadé que la culture européenne traverse une phase de
décadence irrémédiable, dont la démocratie est la manifestation.
L'abandon des valeurs aristocratiques a pour conséquence un nihilisme
croissant. Les Grecs voyaient la vie totalement différemment. La vie est
tragique, mais substituer des fables à la réalité ne mène à rien. Le
rationalisme, introduit par Socrate, puis le christianisme ont hâté une
fâcheuse évolution. Pour imposer leurs valeurs, les faibles vont donner
mauvaise conscience à ceux qui adhèrent aux valeurs aristocratiques.
Tout idéal est une idole. C'est en faisant appel à de fausses idoles
qu'« on a dépouillé la réalité de sa valeur, de son sens et de sa véracité, en forgeant un monde idéal à coup de mensonges
». La sœur de Nietzsche, Elisabeth, devint, sous le troisième Reich,
une « mère de la patrie ». Hitler l'aimait beaucoup. Ses obsèques furent
une apothéose. Les SS, les SA, les Jeunesses Hitlériennes firent une
haie d'honneur. Mussolini, qui était aussi son ami, avait lu toute
l'œuvre de Nietzsche et pensait que le fascisme était l'expression de sa
philosophie...
R.S. Rivarol 30 novembre 2012
R.S. Rivarol 30 novembre 2012
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