Pas
plus à Rome qu'ailleurs, jamais le métier d'historien ne fut dépourvu
d'a priori politiques. Il y a d'autant moins lieu de s'en scandaliser
qu'il s'agit là d'une constante humaine … Écrire l'histoire, c'est la
réécrire en fonction de ses choix, son époque et son public. Cela
n'exclut ni le talent ni même l'honnêteté.
L'avantage des Anciens, c'est que leurs lecteurs et leurs commentateurs ont, en principe, toujours su à quoi s'en tenir et, partant, se sont montrés capables de sens critique. Nul n'ignorait que La Guerre des Gaules soutenait les visées de César à gouverner non la Celtique mais Rome ; que Salluste, né dans les heurts des guerres civiles, réglait des comptes encore très frais ; que Tite-Live, un peu plus jeune, portait sur l'oeuvre augustéenne un regard d'espoir qui orientait son travail ; que Suétone et Tacite, venant après la lamentable agonie de la dynastie julio-claudienne, l'accablaient afin de mieux mettre en valeur la reconstruction des Antonins ; et qu'Ammien Marcellin, grand admirateur du malheureux Julien, entonna le chant du cygne d'une certaine conception du pouvoir impérial et du paganisme. S'y ajoute un chapitre passionnant sur une figure mystérieuse qui a beaucoup fasciné les érudits, celle de l'auteur, ou des auteurs, affublé d'identités invraisemblables, de l'Histoire auguste, détonnant bouquin où il demeure délicat de démêler la réalité du canular. Ratti propose un nom, celui de Flavius Nicomachus, éclairant l'histoire de ce dernier païen engagé dans une lutte perdue d'avance contre Théodose, qui se suicida au soir de la défaite du Frigidus. Cette révélation ajoute à l'estime que les connaisseurs portaient déjà à l'homme.
Références du passé
Tous également sincères dans leurs ambitions, leurs convictions, leurs haines ou leurs regrets, ces historiens n'avaient point, semble-t-il, le sentiment de manquer à la vérité en exposant leur propre vision des événements. Si, avec le déclin des études classiques, ces auteurs ne représentent plus les références incontournables qu'ils furent pour tant de générations, ils n'en demeurent pas moins présents dans le cursus universitaire, et au programme de l'agrégation de Lettres classiques. C'est à ce titre que les professeurs Stéphane Ratti, Paul-Marius Martin, Jean-Yves Guillaumin, Étienne Wolff ont uni leurs compétences afin d'offrir aux agrégatifs et à tous les latinistes un remarquable précis, Écrire l'Histoire à Rome, qui présente vie, style, vues, oeuvre et particularités de chacun de ces auteurs, puis propose un exemple de commentaire de texte. C'est intelligent, concis, indispensable.
Bernard Mineo suit une démarche parallèle, à un niveau nettement plus spécialisé, avec son remarquable et très complet Tite-Live et l'histoire de Rome. Outre les difficultés inhérentes aux lacunes d'un texte dont les deux tiers ne nous sont pas parvenus, Tite-Live obéit, pour autant qu'il soit possible d'en juger à travers les livres en notre possession, à une logique interne à plusieurs niveaux, complexe, ambitieuse, régissant aussi bien la construction de l'ouvrage que son contenu. Sa conception cyclique du destin de Rome incite le Padouan à distinguer des phases d'expansion, de croissance, liées aux qualités intrinsèques de la race latine, et des phases de crises mettant en péril l'existence de la romanité, liées aux défauts, non moins intrinsèques, de ces Romains tout aussi enclins que leurs voisins gaulois à s'entredéchirer, sans même l'excuse de passions barbares. Tout aussi cycliquement, de grands hommes, incarnations des vertus de ce peuple hors du commun, surgissent pour enrayer cette course à l'abîme et rouvrir les portes d'un avenir radieux. À l'heure où Tite-Live clôt son oeuvre, Auguste incarne ce dernier avatar de l'âme romaine, et il parie sur lui, comme le firent Horace ou Virgile. À cette différence près que Tite-Live semble être mort trop tôt pour avoir le temps de vérifier la justesse de ses intuitions, et constater les avantages qu'il supposait au Principat. Un ouvrage de spécialiste, mais remarquablement intéressant.
Panorama des auteurs
La grande originalité, et l'incontestable mérite, de Marie-Pierre Arnaud-Lindet et de son essai, Histoire et politique à Rome, les historiens romains, est de sortir des chemins balisés pour entraîner son lecteur à la découverte d'auteurs dont nous ne savons plus rien, ou presque, et proposer un catalogue quasi-exhaustif de l'historiographie romaine, d'expression latine ou grecque car Polybe, Denys d'Halicarnasse, Plutarque tiennent leur place dans cet exposé. Après avoir rappelé dans quelles circonstances l'on devenait historien à Rome, les conditions de publication d'un ouvrage, celles, plus délicates, de sa transmission, ce qui explique la perte irremplaçable de tant d'oeuvres, Mme Arnaud-Lindet resitue chacun dans son contexte, étudie l'évolution des écoles historiques, l'apparition des Annales, des Histoires, des Mémoires, de la biographie, rattache à chaque genre, période par période, les noms, à défaut des textes disparus, tout cela des origines à la chute de l'empire, sans oublier l'irruption du christianisme dans le tableau, avec les Actes des Martyrs. Une seule erreur de détail à lui imputer, qui lui fait confondre Lucius Calpurnius Bibulus, le beau-fils de Brutus et son biographe, avec son père, le consul Marcus Calpurnius Bibulus, piètre collègue de César en cette magistrature.
Retour aux textes
Mais pourquoi ne pas aller directement aux textes ? La collection "La véritable histoire de..." le permet, en proposant, dans de bonnes traductions, les principaux passages des différents historiens qui ont écrit sur les grandes figures de l'antiquité, grecque, sous couverture bleue, romaine, sous couverture rouge. En ce domaine, il faut signaler, parmi les dernières parutions, un Pompée de Claude Dupont et un Constantin de Pierre Maraval. L'intérêt de cette série est de regrouper et mettre à portée de main des écrits dispersés, parfois d'accès malaisé, qu'il faudrait sans cela aller collecter de manière aléatoire ici ou là, puis de les ordonner de façon chronologique, en proposant des transitions entre les passages et les auteurs. Le défaut, inhérent à l'entreprise, qui ne se veut pas un travail biographique, est de n'avoir aucun recul critique et de réduire le commentaire au strict minimum. Il appartient à chaque lecteur de tirer le meilleur de ces bases de données érudites, très complètes, qui dessinent des héros des portraits certes antiques mais disparates et parfois contradictoires.
Regard du XIXe siècle
Si les historiens de jadis ne furent pas à l'abri des reproches, ceux plus proches de nous ne le sont pas davantage, ce que démontre la réédition d'un livre oublié de Jules Michelet, son Histoire romaine. Écrit à partir du cours dispensé en 1829-1830 aux normaliens par un professeur de trente ans sur les origines de Rome et la République, cet ouvrage a les charmes de la jeunesse, et bon nombre des défauts de la maturité de son auteur, que la passion politique aveuglait jusqu'à lui faire approuver, dans son Histoire de France, les pires atrocités de la Terreur. Même jeune homme, Michelet a déjà un système auquel il s'accroche et dont il ne veut pas varier. Qu'il parle de la France ou de Rome, il écrit l'épopée du peuple, « le bon géant », et ne voit dans les « grands hommes que des nains » tentant de se faire passer pour des titans en se juchant sur les épaules de la foule. Le parti pris peut, d'emblée, agacer. D'ailleurs, le texte a vieilli, non par le style et l'art du récit - Michelet, qu'on l'aime ou pas, y était passé maître et le demeure - mais par l'apport de l'archéologie et de la recherche à notre connaissance du passé depuis bientôt deux siècles. Michelet le savait, qui s'était, déjà en 1866, et en vain, opposé à une réédition qui lui semblait inutile, voire nuisible. Toutefois, telle quelle, avec ses faiblesses et ses morceaux de bravoure, cette Histoire romaine constitue, outre un agréable moment de lecture, un intéressant témoignage sur la manière dont on appréhendait le monde romain voilà deux cents ans.
Passion communicative
Mais pourquoi m'en défendrais-je ? Il existe une autre façon d'écrire l'histoire de Rome à laquelle vont mes préférences, et c'est celle de Lucien Jerphagnon. En dépoussiérant avec une tendresse pleine de verve et de passion, voire un peu iconoclaste, les vieux manuels, le professeur Jerphagnon a rendu à bien des gens, et j'en fais partie, le goût de Rome et de la romanité. Avec lui, tout existe, bouge, le sublime et le ridicule se côtoient, comme les grandeurs et les bassesses ; les hommes, figés dans les parchemins et les bustes poussiéreux, retrouvent une vie qui les rend étonnamment proches de nous, pour le meilleur et pour le pire. Sa biographie, Julien dit l'Apostat, rééditée en format semi-poche, possède cette extraordinaire fraîcheur, cette intelligence, cette complicité avec le passé, cet humour qui rendent irrésistibles et séduisants tous ses livres. Jerphagnon aime Julien, intellectuel égaré dans une famille impériale où l'on s'entretue sans vergogne tout en se disant chrétien, et qui revient, par dégoût, au Soleil invaincu des ancêtres illyriens. Erreur manifeste car Julien, redevenu païen, est en fait un chrétien, et même un mystique, qui s'ignore et croit pouvoir transplanter les vertus du christianisme au sein d'un paganisme moribond incapable de les assimiler. Ce serait cocasse si ce n'était tragique à pleurer de pitié sur le destin gâché du jeune empereur. Il faut un talent hors du commun, et une immense érudition, pour rendre si présent, si actuel, ce tournant du IVe siècle, et donner un livre qui, chose devenue trop rare parmi les universitaires, se lit comme le plus palpitant des romans.
Anne Bernet L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 7 au 20 juillet 2011
✓ Stéphane Ratti : Écrire l'histoire à Rome, Les Belles Lettres, 385 p., 19 €.
✓ Bernard Mineo : Tite-Live et l'histoire de Rome, Klincksieck, 375 p., 33 €.
✓ Marie-Pierre Arnaud-Lindet : Histoire et politique à Rome, Presse Pocket, 440 p., 10,30 €.
✓ Claude Dupont : La Véritable Histoire de Pompée, Les Belles Lettres, 210 p., 13 €.
✓ Pierre Maraval : La Véritable Histoire de Constantin, Les Belles Lettres, 200 p., 13 €.
✓ Jules Michelet : Histoire romaine, Les Belles Lettres, 635 p., 29 €.
✓ Lucien Jerphagnon, Julien dit l'Apostat, Tallandier, 355 p., 10 €.
L'avantage des Anciens, c'est que leurs lecteurs et leurs commentateurs ont, en principe, toujours su à quoi s'en tenir et, partant, se sont montrés capables de sens critique. Nul n'ignorait que La Guerre des Gaules soutenait les visées de César à gouverner non la Celtique mais Rome ; que Salluste, né dans les heurts des guerres civiles, réglait des comptes encore très frais ; que Tite-Live, un peu plus jeune, portait sur l'oeuvre augustéenne un regard d'espoir qui orientait son travail ; que Suétone et Tacite, venant après la lamentable agonie de la dynastie julio-claudienne, l'accablaient afin de mieux mettre en valeur la reconstruction des Antonins ; et qu'Ammien Marcellin, grand admirateur du malheureux Julien, entonna le chant du cygne d'une certaine conception du pouvoir impérial et du paganisme. S'y ajoute un chapitre passionnant sur une figure mystérieuse qui a beaucoup fasciné les érudits, celle de l'auteur, ou des auteurs, affublé d'identités invraisemblables, de l'Histoire auguste, détonnant bouquin où il demeure délicat de démêler la réalité du canular. Ratti propose un nom, celui de Flavius Nicomachus, éclairant l'histoire de ce dernier païen engagé dans une lutte perdue d'avance contre Théodose, qui se suicida au soir de la défaite du Frigidus. Cette révélation ajoute à l'estime que les connaisseurs portaient déjà à l'homme.
Références du passé
Tous également sincères dans leurs ambitions, leurs convictions, leurs haines ou leurs regrets, ces historiens n'avaient point, semble-t-il, le sentiment de manquer à la vérité en exposant leur propre vision des événements. Si, avec le déclin des études classiques, ces auteurs ne représentent plus les références incontournables qu'ils furent pour tant de générations, ils n'en demeurent pas moins présents dans le cursus universitaire, et au programme de l'agrégation de Lettres classiques. C'est à ce titre que les professeurs Stéphane Ratti, Paul-Marius Martin, Jean-Yves Guillaumin, Étienne Wolff ont uni leurs compétences afin d'offrir aux agrégatifs et à tous les latinistes un remarquable précis, Écrire l'Histoire à Rome, qui présente vie, style, vues, oeuvre et particularités de chacun de ces auteurs, puis propose un exemple de commentaire de texte. C'est intelligent, concis, indispensable.
Bernard Mineo suit une démarche parallèle, à un niveau nettement plus spécialisé, avec son remarquable et très complet Tite-Live et l'histoire de Rome. Outre les difficultés inhérentes aux lacunes d'un texte dont les deux tiers ne nous sont pas parvenus, Tite-Live obéit, pour autant qu'il soit possible d'en juger à travers les livres en notre possession, à une logique interne à plusieurs niveaux, complexe, ambitieuse, régissant aussi bien la construction de l'ouvrage que son contenu. Sa conception cyclique du destin de Rome incite le Padouan à distinguer des phases d'expansion, de croissance, liées aux qualités intrinsèques de la race latine, et des phases de crises mettant en péril l'existence de la romanité, liées aux défauts, non moins intrinsèques, de ces Romains tout aussi enclins que leurs voisins gaulois à s'entredéchirer, sans même l'excuse de passions barbares. Tout aussi cycliquement, de grands hommes, incarnations des vertus de ce peuple hors du commun, surgissent pour enrayer cette course à l'abîme et rouvrir les portes d'un avenir radieux. À l'heure où Tite-Live clôt son oeuvre, Auguste incarne ce dernier avatar de l'âme romaine, et il parie sur lui, comme le firent Horace ou Virgile. À cette différence près que Tite-Live semble être mort trop tôt pour avoir le temps de vérifier la justesse de ses intuitions, et constater les avantages qu'il supposait au Principat. Un ouvrage de spécialiste, mais remarquablement intéressant.
Panorama des auteurs
La grande originalité, et l'incontestable mérite, de Marie-Pierre Arnaud-Lindet et de son essai, Histoire et politique à Rome, les historiens romains, est de sortir des chemins balisés pour entraîner son lecteur à la découverte d'auteurs dont nous ne savons plus rien, ou presque, et proposer un catalogue quasi-exhaustif de l'historiographie romaine, d'expression latine ou grecque car Polybe, Denys d'Halicarnasse, Plutarque tiennent leur place dans cet exposé. Après avoir rappelé dans quelles circonstances l'on devenait historien à Rome, les conditions de publication d'un ouvrage, celles, plus délicates, de sa transmission, ce qui explique la perte irremplaçable de tant d'oeuvres, Mme Arnaud-Lindet resitue chacun dans son contexte, étudie l'évolution des écoles historiques, l'apparition des Annales, des Histoires, des Mémoires, de la biographie, rattache à chaque genre, période par période, les noms, à défaut des textes disparus, tout cela des origines à la chute de l'empire, sans oublier l'irruption du christianisme dans le tableau, avec les Actes des Martyrs. Une seule erreur de détail à lui imputer, qui lui fait confondre Lucius Calpurnius Bibulus, le beau-fils de Brutus et son biographe, avec son père, le consul Marcus Calpurnius Bibulus, piètre collègue de César en cette magistrature.
Retour aux textes
Mais pourquoi ne pas aller directement aux textes ? La collection "La véritable histoire de..." le permet, en proposant, dans de bonnes traductions, les principaux passages des différents historiens qui ont écrit sur les grandes figures de l'antiquité, grecque, sous couverture bleue, romaine, sous couverture rouge. En ce domaine, il faut signaler, parmi les dernières parutions, un Pompée de Claude Dupont et un Constantin de Pierre Maraval. L'intérêt de cette série est de regrouper et mettre à portée de main des écrits dispersés, parfois d'accès malaisé, qu'il faudrait sans cela aller collecter de manière aléatoire ici ou là, puis de les ordonner de façon chronologique, en proposant des transitions entre les passages et les auteurs. Le défaut, inhérent à l'entreprise, qui ne se veut pas un travail biographique, est de n'avoir aucun recul critique et de réduire le commentaire au strict minimum. Il appartient à chaque lecteur de tirer le meilleur de ces bases de données érudites, très complètes, qui dessinent des héros des portraits certes antiques mais disparates et parfois contradictoires.
Regard du XIXe siècle
Si les historiens de jadis ne furent pas à l'abri des reproches, ceux plus proches de nous ne le sont pas davantage, ce que démontre la réédition d'un livre oublié de Jules Michelet, son Histoire romaine. Écrit à partir du cours dispensé en 1829-1830 aux normaliens par un professeur de trente ans sur les origines de Rome et la République, cet ouvrage a les charmes de la jeunesse, et bon nombre des défauts de la maturité de son auteur, que la passion politique aveuglait jusqu'à lui faire approuver, dans son Histoire de France, les pires atrocités de la Terreur. Même jeune homme, Michelet a déjà un système auquel il s'accroche et dont il ne veut pas varier. Qu'il parle de la France ou de Rome, il écrit l'épopée du peuple, « le bon géant », et ne voit dans les « grands hommes que des nains » tentant de se faire passer pour des titans en se juchant sur les épaules de la foule. Le parti pris peut, d'emblée, agacer. D'ailleurs, le texte a vieilli, non par le style et l'art du récit - Michelet, qu'on l'aime ou pas, y était passé maître et le demeure - mais par l'apport de l'archéologie et de la recherche à notre connaissance du passé depuis bientôt deux siècles. Michelet le savait, qui s'était, déjà en 1866, et en vain, opposé à une réédition qui lui semblait inutile, voire nuisible. Toutefois, telle quelle, avec ses faiblesses et ses morceaux de bravoure, cette Histoire romaine constitue, outre un agréable moment de lecture, un intéressant témoignage sur la manière dont on appréhendait le monde romain voilà deux cents ans.
Passion communicative
Mais pourquoi m'en défendrais-je ? Il existe une autre façon d'écrire l'histoire de Rome à laquelle vont mes préférences, et c'est celle de Lucien Jerphagnon. En dépoussiérant avec une tendresse pleine de verve et de passion, voire un peu iconoclaste, les vieux manuels, le professeur Jerphagnon a rendu à bien des gens, et j'en fais partie, le goût de Rome et de la romanité. Avec lui, tout existe, bouge, le sublime et le ridicule se côtoient, comme les grandeurs et les bassesses ; les hommes, figés dans les parchemins et les bustes poussiéreux, retrouvent une vie qui les rend étonnamment proches de nous, pour le meilleur et pour le pire. Sa biographie, Julien dit l'Apostat, rééditée en format semi-poche, possède cette extraordinaire fraîcheur, cette intelligence, cette complicité avec le passé, cet humour qui rendent irrésistibles et séduisants tous ses livres. Jerphagnon aime Julien, intellectuel égaré dans une famille impériale où l'on s'entretue sans vergogne tout en se disant chrétien, et qui revient, par dégoût, au Soleil invaincu des ancêtres illyriens. Erreur manifeste car Julien, redevenu païen, est en fait un chrétien, et même un mystique, qui s'ignore et croit pouvoir transplanter les vertus du christianisme au sein d'un paganisme moribond incapable de les assimiler. Ce serait cocasse si ce n'était tragique à pleurer de pitié sur le destin gâché du jeune empereur. Il faut un talent hors du commun, et une immense érudition, pour rendre si présent, si actuel, ce tournant du IVe siècle, et donner un livre qui, chose devenue trop rare parmi les universitaires, se lit comme le plus palpitant des romans.
Anne Bernet L’ACTION FRANÇAISE 2000 Du 7 au 20 juillet 2011
✓ Stéphane Ratti : Écrire l'histoire à Rome, Les Belles Lettres, 385 p., 19 €.
✓ Bernard Mineo : Tite-Live et l'histoire de Rome, Klincksieck, 375 p., 33 €.
✓ Marie-Pierre Arnaud-Lindet : Histoire et politique à Rome, Presse Pocket, 440 p., 10,30 €.
✓ Claude Dupont : La Véritable Histoire de Pompée, Les Belles Lettres, 210 p., 13 €.
✓ Pierre Maraval : La Véritable Histoire de Constantin, Les Belles Lettres, 200 p., 13 €.
✓ Jules Michelet : Histoire romaine, Les Belles Lettres, 635 p., 29 €.
✓ Lucien Jerphagnon, Julien dit l'Apostat, Tallandier, 355 p., 10 €.
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