La manifestation tourne rapidement à l'émeute et les symboles de l'État communiste sont détruits.
Cette effervescence puise son origine dans les espoirs soulevés par la mort de Staline et l'apparente déstalinisation du régime soviétique.
Fête nationale
L'anniversaire du soulèvement du 23 octobre 1956 est devenu fête nationale dans la Hongrie post-communiste.
La tentation réformiste
Huit
mois plus tôt, en février 1956, Nikita Khrouchtchev, Premier secrétaire
du Parti communiste d'URSS, critique très sévèrement son prédécesseur
dans un rapport secret au XXe Congrès du Parti communiste d'URSS, à Moscou, et diffusé dans le monde entier par les bons soins des médias occidentaux.
Le
28 juin 1956, à Poznan, en Pologne, des revendications ouvrières
débouchent sur de violentes émeutes qui ébranlent le pouvoir communiste
et sont durement réprimées, au prix de 50 morts et quelque 300 blessés.
Il n'empêche que deux jours avant la manifestation de Budapest, les
Polonais obtiennent le retour au pouvoir du dirigeant réformiste
Wladyslaw Gomulka, un résistant communiste qui fut emprisonné quelques
années plus tôt sur ordre de Staline.
À leur tour donc, les Hongrois réclament le retour à la présidence du Conseil d'Imre Nagy (prononcer Nodi),
un communiste modéré de 60 ans qui avait été expulsé du pouvoir en
avril 1955 pour avoir trop tôt dénoncé la stalinisation et les abus du
régime.
Le
23 octobre 1956, un cortège principalement composé d'étudiants se rend
de la statue du poète Petöfi à celle du général Bem, deux héros hongrois
du XIXe siècle.
En
soirée, la manifestation dégénère. La statue de Staline est abattue.
Les dirigeants hongrois, réunis en urgence, appellent Nagy à la
Présidence du Conseil (la direction du gouvernement) mais décrètent par
ailleurs la loi martiale et demandent aux troupes soviétiques qui
stationnent autour de la capitale de les aider à rétablir l'ordre.
L'armée
d'occupation, présente dans le pays depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale, tente mollement d'intervenir avant de se retirer de la
capitale hongroise le 27 octobre.
L'heure semble à la conciliation et l'ambassadeur
d'URSS entérine le retour d'Imre Nagy à la tête de la Hongrie. Cet
ambassadeur du nom de Youri Andropov deviendra chef du puissant KGB
soviétique en 1967 et accèdera au pouvoir suprême en 1982, jusqu'à sa
mort, deux ans plus tard, en 1984, à 70 ans.
L'impossible déstalinisation
Les
Hongrois espèrent que l'heure de la victoire a sonné. Le pays
s'enflamme. L'insurrection dégénère le 30 octobre avec, à Budapest,
l'occupation du siège du parti communiste et le massacre de ses
occupants ainsi que de gardes qui n'ont rien à voir avec le régime
détesté.
Imre
Nagy est gagné par l'euphorie du mouvement populaire. Il s'engage dans
la voie de la démocratie et du multipartisme. Le 1er novembre, il forme
un gouvernement de coalition avec seulement trois ministres communistes
(lui-même, Janos Kadar et Pal Maleter).
Alarmé
par l'entrée massive dans le pays de renforts soviétiques, il craint
avec raison une intervention militaire et ne voit d'autre moyen de
l'empêcher que d'annoncer le retrait de la Hongrie du pacte de Varsovie.
Comme beaucoup de Hongrois, il se prend à rêver d'une neutralité à l'autrichienne, rêve hélas illusoire dans le contexte de la «guerre froide».
Les pouvoirs publics commencent à démanteler les barbelés de la
frontière avec l'Autriche... C'est plus que les Soviétiques n'en peuvent
supporter.
Dès le dimanche 4 novembre, l'Armée Rouge investit Budapest. Au total pas moins de 8 divisions et plusieurs centaines de chars du dernier modèle (T54).
Les insurgés, étudiants aussi bien que salariés, résistent avec
héroïsme mais n'en sont pas moins écrasés. En province, les combats se
poursuivent pendant deux semaines.
La
répression à Budapest et dans le reste du pays fait environ 20.000
morts tandis que 160.000 personnes se réfugient en Europe de l'Ouest. Le
cardinal Jòzsef Mindszenty, qui avait imprudemment appelé à «balayer le régime», se réfugie à l'ambassade des États-Unis.
Imre
Nagy a moins de chance. Réfugié à l'ambassade de Yougoslavie, il est
livré au nouveau régime. Après un procès à huis clos, il sera pendu le
16 juin 1958 de même que le chef militaire de l'insurrection, le colonel
et ministre de la Guerre Pal Maleter.
Janos
Kadar est installé par les Soviétiques à la tête de la Hongrie. Il
pacifiera le pays et le libéralisera dans d'étroites limites en
attendant la chute du rideau de fer en 1989. Kadar mourra le 6 juillet
1989. Le même jour, la Cour Suprême de Hongrie réhabilitera Nagy et ses
compagnons.
Inaction occidentale
Pendant toute la durée des événements, la station de radio Radio Free Europe,
inspirée par les services secrets américains (la CIA), a encouragé les
Hongrois à l'insurrection, les assurant que les armées occidentales
seraient à leurs côtés en cas d'intervention militaire soviétique.
Cependant,
lorsque celle-ci survient, et malgré un appel pathétique d'Imre Nagy à
la radio, les Occidentaux restent sagement l'arme au pied. Il est vrai
que Français et Britanniques sont au même moment empêtrés dans une
opération militaire sur le canal de Suez de concert avec les Israéliens.
Quoi
qu'il en soit, l'insurrection de Budapest sert en définitive les
intérêts du monde libre en mettant en évidence pour la première fois le
caractère oppressif et brutal du communisme. Elle affaiblit la position
de Nikita Khrouchtchev dans les cercles dirigeants communistes et met un
terme à ses velléités de libéralisation du régime.
Elle
marque le début d'un processus de désintégration du régime soviétique
qui s'achèvera une génération plus tard par la chute du Mur de Berlin et
la dissolution de l'URSS.
En
Occident, un certain nombre de militants communistes perdent leurs
illusions sur le parti qu'ils avaient rejoint à la faveur de la lutte
contre les nazis. «A Budapest, les Soviétiques ont gagné une bataille, mais le communisme a perdu la guerre,»déclare l'écrivain Miklos Molnar.
André Larané. http://www.herodote.net
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