samedi 3 novembre 2012

23 octobre 1956 Budapest se soulève au nom de la Liberté

Le 23 octobre 1956, les habitants de Budapest manifestent en masse contre le gouvernement hongrois dirigé par Ernö Gerö, premier secrétaire du Parti des Travailleurs Hongrois (le parti communiste).
La manifestation tourne rapidement à l'émeute et les symboles de l'État communiste sont détruits.
Cette effervescence puise son origine dans les espoirs soulevés par la mort de Staline et l'apparente déstalinisation du régime soviétique.
Fête nationale
L'anniversaire du soulèvement du 23 octobre 1956 est devenu fête nationale dans la Hongrie post-communiste.
La tentation réformiste
Huit mois plus tôt, en février 1956, Nikita Khrouchtchev, Premier secrétaire du Parti communiste d'URSS, critique très sévèrement son prédécesseur dans un rapport secret au XXe Congrès du Parti communiste d'URSS, à Moscou, et diffusé dans le monde entier par les bons soins des médias occidentaux.
Le 28 juin 1956, à Poznan, en Pologne, des revendications ouvrières débouchent sur de violentes émeutes qui ébranlent le pouvoir communiste et sont durement réprimées, au prix de 50 morts et quelque 300 blessés. Il n'empêche que deux jours avant la manifestation de Budapest, les Polonais obtiennent le retour au pouvoir du dirigeant réformiste Wladyslaw Gomulka, un résistant communiste qui fut emprisonné quelques années plus tôt sur ordre de Staline.
À leur tour donc, les Hongrois réclament le retour à la présidence du Conseil d'Imre Nagy (prononcer Nodi), un communiste modéré de 60 ans qui avait été expulsé du pouvoir en avril 1955 pour avoir trop tôt dénoncé la stalinisation et les abus du régime.
Le 23 octobre 1956, un cortège principalement composé d'étudiants se rend de la statue du poète Petöfi à celle du général Bem, deux héros hongrois du XIXe siècle.
En soirée, la manifestation dégénère. La statue de Staline est abattue. Les dirigeants hongrois, réunis en urgence, appellent Nagy à la Présidence du Conseil (la direction du gouvernement) mais décrètent par ailleurs la loi martiale et demandent aux troupes soviétiques qui stationnent autour de la capitale de les aider à rétablir l'ordre.
L'armée d'occupation, présente dans le pays depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, tente mollement d'intervenir avant de se retirer de la capitale hongroise le 27 octobre.
L'heure semble à la conciliation et l'ambassadeur d'URSS entérine le retour d'Imre Nagy à la tête de la Hongrie. Cet ambassadeur du nom de Youri Andropov deviendra chef du puissant KGB soviétique en 1967 et accèdera au pouvoir suprême en 1982, jusqu'à sa mort, deux ans plus tard, en 1984, à 70 ans.
L'impossible déstalinisation
Les Hongrois espèrent que l'heure de la victoire a sonné. Le pays s'enflamme. L'insurrection dégénère le 30 octobre avec, à Budapest, l'occupation du siège du parti communiste et le massacre de ses occupants ainsi que de gardes qui n'ont rien à voir avec le régime détesté.
Imre Nagy est gagné par l'euphorie du mouvement populaire. Il s'engage dans la voie de la démocratie et du multipartisme. Le 1er novembre, il forme un gouvernement de coalition avec seulement trois ministres communistes (lui-même, Janos Kadar et Pal Maleter).
Alarmé par l'entrée massive dans le pays de renforts soviétiques, il craint avec raison une intervention militaire et ne voit d'autre moyen de l'empêcher que d'annoncer le retrait de la Hongrie du pacte de Varsovie.
Comme beaucoup de Hongrois, il se prend à rêver d'une neutralité à l'autrichienne, rêve hélas illusoire dans le contexte de la «guerre froide». Les pouvoirs publics commencent à démanteler les barbelés de la frontière avec l'Autriche... C'est plus que les Soviétiques n'en peuvent supporter.
Dès le dimanche 4 novembre, l'Armée Rouge investit Budapest. Au total pas moins de 8 divisions et plusieurs centaines de chars du dernier modèle (T54). Les insurgés, étudiants aussi bien que salariés, résistent avec héroïsme mais n'en sont pas moins écrasés. En province, les combats se poursuivent pendant deux semaines.
La répression à Budapest et dans le reste du pays fait environ 20.000 morts tandis que 160.000 personnes se réfugient en Europe de l'Ouest. Le cardinal Jòzsef Mindszenty, qui avait imprudemment appelé à «balayer le régime», se réfugie à l'ambassade des États-Unis.
Imre Nagy a moins de chance. Réfugié à l'ambassade de Yougoslavie, il est livré au nouveau régime. Après un procès à huis clos, il sera pendu le 16 juin 1958 de même que le chef militaire de l'insurrection, le colonel et ministre de la Guerre Pal Maleter.
Janos Kadar est installé par les Soviétiques à la tête de la Hongrie. Il pacifiera le pays et le libéralisera dans d'étroites limites en attendant la chute du rideau de fer en 1989. Kadar mourra le 6 juillet 1989. Le même jour, la Cour Suprême de Hongrie réhabilitera Nagy et ses compagnons.
Inaction occidentale
Pendant toute la durée des événements, la station de radio Radio Free Europe, inspirée par les services secrets américains (la CIA), a encouragé les Hongrois à l'insurrection, les assurant que les armées occidentales seraient à leurs côtés en cas d'intervention militaire soviétique.
Cependant, lorsque celle-ci survient, et malgré un appel pathétique d'Imre Nagy à la radio, les Occidentaux restent sagement l'arme au pied. Il est vrai que Français et Britanniques sont au même moment empêtrés dans une opération militaire sur le canal de Suez de concert avec les Israéliens.
Quoi qu'il en soit, l'insurrection de Budapest sert en définitive les intérêts du monde libre en mettant en évidence pour la première fois le caractère oppressif et brutal du communisme. Elle affaiblit la position de Nikita Khrouchtchev dans les cercles dirigeants communistes et met un terme à ses velléités de libéralisation du régime.
Elle marque le début d'un processus de désintégration du régime soviétique qui s'achèvera une génération plus tard par la chute du Mur de Berlin et la dissolution de l'URSS.
En Occident, un certain nombre de militants communistes perdent leurs illusions sur le parti qu'ils avaient rejoint à la faveur de la lutte contre les nazis. «A Budapest, les Soviétiques ont gagné une bataille, mais le communisme a perdu la guerre,»déclare l'écrivain Miklos Molnar.
André Laranéhttp://www.herodote.net

Aucun commentaire: