Les
États-Unis ont su très tôt que le massacre de 22.000 officiers polonais
et prisonniers de guerre dans la forêt de Katyn en 1940 avait
probablement été ordonné par Staline et non les nazis, mais ils ont
privilégié leur alliance stratégique avec l'Union soviétique, selon des
documents rendus publics hier.
En
mai 1943, des soldats allemands emmènent de force un groupe de
prisonniers britanniques et américains dans la forêt de Katyn, dans le
sud de la Russie, tombée sous le contrôle des Allemands. Ils leur
montrent un charnier dans lequel reposent des milliers de cadavres
partiellement momifiés, portant des uniformes d'officiers polonais.
Malgré
leur crainte d'être manipulés par les Allemands, les Américains - le
capitaine Donald Stewart et le lieutenant-colonel John Van Vliet Jr. -
doivent se rendre à l'évidence : l'état de décomposition avancée des
corps, les lettres en polonais, numéros d'identification, articles de
journaux et autres indices datent tous du printemps 1940 au plus tard ;
qui plus est, le bon état des bottes et des vêtements montrent que les
hommes n'ont pas survécu longtemps à leur capture. Ils ont donc été tués
au début de la guerre, quand les Soviétiques contrôlaient encore le
secteur. Les deux militaires en informent Washington par messages
cryptés.
Ces
informations disparaissent mystérieusement, alors que certains
universitaires estiment qu'elles auraient pu changer le sort de la
Pologne, sous l'emprise de l'URSS jusqu'à la chute du régime communiste
en 1989.
Les documents publiés hier et que l'agence Associated Press
a pu consulter avant, étaient l'hypothèse selon laquelle les plus hauts
responsables du gouvernement américain de Franklin Delano Roosevelt ont
dissimulé la responsabilité des Soviétiques dans le massacre pour
préserver l'alliance qui permettrait de vaincre l'Allemagne nazie et le
Japon, puis pour éviter d'alimenter les tensions de la Guerre froide
après la Deuxième Guerre mondiale.
Les
historiens ignoraient l'existence des messages codés des deux
prisonniers de guerre, qui rendent d'autant plus difficiles à croire les
déclarations des Etats-Unis selon lesquelles ils ne pouvaient être
certains de la culpabilité de l'Union soviétique jusqu'à ce que le
réformateur Mikhaïl Gorbatchev la reconnaisse lui-même en 1990. Les
documents montrent en outre que le capitaine Stewart a reçu l'ordre en
1950 de ne jamais parler du message secret concernant Katyn.
Il
a été finalement établi que la police secrète de Staline, le NKVD,
avait tué par balles dans la nuque 22.000 officiers polonais et autres
prisonniers de guerre en avril et mai 1940, principalement dans la forêt
de Katyn, afin d'éliminer une potentielle résistance de l'élite
militaire et intellectuelle polonaise. Pendant des décennies, la
propagande soviétique a attribué la responsabilité de ces exécutions aux
Nazis.
Une
commission spéciale du Congrès américain a bien enquêté sur le massacre
de Katyn, déclarant dans son rapport final en 1952 que la culpabilité
des Soviétiques ne faisait aucun doute et que le gouvernement Roosevelt
avait dissimulé l'information à l'opinion publique, par nécessité
militaire. Elle appelait Washington à ouvrir des poursuites contre
l'URSS auprès de la justice internationale. Malgré cela, la Maison
Blanche a gardé le silence sur Katyn pendant des décennies.
Un
autre document prouve que Roosevelt était informé de la culpabilité des
Soviétiques en 1943 : le premier ministre britannique Winston Churchill
lui a adressé un rapport détaillé en ce sens, rédigé par l'ambassadeur
britannique auprès du gouvernement polonais en exil à Londres, Owen
O'Malley. Ce dernier conclut qu'un "bon nombre de preuves contraires (...) jette un doute sérieux sur le rejet russe de la responsabilité du massacre".
La reconnaissance de la culpabilité de l'URSS par Moscou a ouvert la
voie à l'amélioration des relations entre la Russie et la Pologne.
Source du texte : LE FIGARO.FR http://www.theatrum-belli.com
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