« Tous les peuples qui n'ont plus de légendes seront condamnés à mourir de froid » (Patrice de la Tour du Pin)
L'Europe
contemporaine a une dette immense à l'égard de la mythologie païenne, à
commencer par son nom. Aimée de Zeus, la belle et blanche Europe, fille
d'Agénor, roi de Phénicie, donna son nom à notre continent après avoir
fait 3 fils au roi des dieux : Minos, Rhadamante et Sarpédon. Le moindre
de nos fleuves, la moindre de nos montagnes portent généralement le nom
d'une divinité archaïque. Comme en Europe, toutes les renaissances sont
toujours des recours au vieux fonds pré-chrétien (la Renaissance
italienne, le Romantisme allemand, etc), on voit que la connaissance de cet héritage ancestral s'impose à quiconque entend construire quelque chose de durable.
Le mérite principal du beau Dictionnaire des mythologies indo-européennes
que les éditions “Faits et Documents” viennent de publier est justement
d'offrir au lecteur non spécialiste, à l'homme cultivé d'aujourd'hui,
un outil de travail permettant de “surfer” à travers les mythologies, de
l'lnde à la Baltique, de l'Écosse
à la Mer Noire. C'est la première fois que cet exercice hautement
excitant pour l'esprit est possible. Grâce à Jean Vertemont, indianiste
et informaticien, collaborateur de la Revue d'Études Polythéistes Antaïos,
nous pouvons déambuler au milieu des mythes, des dieux et des héros de
nos origines. La structure intelligente de son superbe livre permet,
grâce aux renvois systématiques, de faire le lien avec les diverses
correspondances. Prenons un exemple : Odhinn, Père de tous, Ase aux
corbeaux, renvoie à Varuna, ce que savent les lecteurs de Dumézil, mais
pas nécessairement les non spécialistes, les curieux. À lire le Dictionnaire de Vertemont, on se prend vite au jeu fascinant des liens et des correspondances et, surtout, l'unité fondamentale de la Weltanschauung
indo-européenne apparaît de façon lumineuse. Le lecteur attentif
ressentira rapidement une curiosité, une réelle solidarité pour les
mythologies balte, scythe ou irlandaise généralement moins connues.
Ce
dictionnaire est le premier du genre, d'où quelques menues
imperfections (coquilles, imprécisions mineures), mais on n'oubliera pas
que l'auteur a fait tout le travail en solitaire et qu'il a travaillé
près de trente ans à cet ouvrage de référence, déjà incontournable. Dans
une préface subtile, Jean Vertemont montre parfaitement l'importance du
socle païen dans l'imaginaire européen. Son retour aux sources est une
saine réaction contre toutes les monstrueuses idéologies de la table
rase, qui sont à la base de tous les totalitarismes, dont l'utopie
communiste, sans aucun doute le mythe le plus sanglant du XXe siècle
avec ses cent millions de morts. Il est vrai que le libéralisme
ploutocratique pratique lui aussi la table rase : en nous faisant
oublier nos racines, grâce aux techniques de brouillage mental propres à
la modernité (concerts de rock, vidéos irréelles, culte de la
consommation et de la performance imbéciles, désinformation
systématique, etc), il nous prive de tout avenir. L'abrutissement
télévisuel, la censure des médias, la crétinisation de masse via les
“loisirs”, tout cela concourt à noyer les identités dans un nouveau
chaos, que l'apologie du métissage vient évidemment couronner : c'est la
grande partouze planétaire annoncée par Guillaume Faye. Or, la
souveraineté authentique, celle que nos ennemis tentent d'annihiler, a
pour préalable obligé une claire conscience de son héritage : la Chine,
le Japon, l'lnde en sont de bons exemples. Point de longue durée sans
mémoire! Qu'attend l'Europe pour reconstituer son axe et pour affirmer
sa volonté ? La connaissance approfondie des structures des mythologies
indo-européennes n'est donc pas un exercice gratuit réservé à quelques
poètes ou à des rêveurs sans prise sur le réel.
Vertemont
montre bien que les mythes archaïques nous enseignent l'essentiel, nous
ouvrent des portes sur des domaines inconnus ou refoulés. Par ex., au
principe d'exclusion (un mot à la mode !) typique des religions
monothéistes et dualistes, les paganismes indo-européens préfèrent le
principe d'inclusion, nettement plus riche et harmonieux. Or, la
multiplication des maladies dégénératives est clairement liée à une
grave rupture avec les rythmes cosmiques, que la modernité, dans son
désir fanatique de tout nier, de tout “démystifier”, a ignorés.
Vertemont exprime bien une vérité très profonde, à savoir que le
paganisme est bien plus qu'un stade primitif de notre conscience, mais
bien le stade premier… et qui n'a rien de primaire. Écoutons-le un
instant :
« Le Dieu unique, régnant sur le monde comme un banquier sur ses débiteurs, est devenu le moteur d'une pandémonie égalitaire de l'échange et de l'interchangeabilité, processus qui n'a pas encore atteint son terme. Que le résultat soit un totalitarisme dur ou un totalitarisme mou, il s'agit immanquablement d'une conséquence de la normalisation monothéiste, et de ses corrélats: l'expulsion de l'âme par le désenchantement du monde, l'universalisation par la raison, l'ethnocentrisme, l'homogénéisation par la domestication des âmes, des esprits, et bientôt des corps ».
Ce
somptueux dictionnaire n'est donc pas un livre de plus à ranger
religieusement dans sa bibliothèque sans l'avoir réellement lu : il
s'agit d'un instrument de travail, non pas un simple travail
d'érudition, tout compte fait secondaire, mais bien d'un travail sur
soi. Un travail, souvent douloureux, de redécouverte d'une identité
première, antérieure à la coupure judéo-chrétienne (l'an “zéro” dont
nous fêterons bientôt les 2 millénaires : 2.000 ans d'imposture et de
malentendu). Telle est la quête païenne : être païen aujourd'hui ne
consiste pas à arborer de volumineux marteaux de Thor ! Mais bien à
rentrer en soi, à se reconstruire, étape préalable à toute action sur le
monde. Dans un entretien très dense accordé à la revue païenne Antaios
(n°12, solstice d'hiver 1997), Jean Vertemont nous propose sa
définition des dieux du paganisme moderne : « Les Dieux sont des
agencements de symboles qui acquièrent de ce fait la qualité de
condensateurs de forces ou d'énergies primordiales. Ces forces sont
opératives si l'on dispose des formes correctes pour les appréhender et
les mettre en action ». Son beau livre est fondamental pour la
renaissance d'un courant païen qui ne se satisfait pas de pitreries ou
d'idéologie : Vertemont convie les esprits libres à se retrouver et à
créer.
◊ Jean VERTEMONT, Dictionnaire des mythologies indo-européennes,
1997, 224p. (3.600 entrées, cartes et tables), Faits et Documents, BP
254-09, F-75424 Paris cedex 09. « Entretien avec J. Vertemont (Les Dieux
des Indo-Européens) », cf. Antaios n°12.
► Patrick Canavan, Vouloir n°142/145, 1998.
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