Le 17 juillet 1429, le Roi Charles VII, conduit à Reims par Jeanne d’Arc, y était sacré Roi de France.
Le 17 juillet 1429, à Reims, Charles VII reçut l’onction du Sacre, des mains de l’archevêque Régnault de Reims. « Il n’en avait aucun besoin pour être roi de France, a remarqué l’historien Jean Favier(1). Depuis plus de deux siècles, l’hérédité faisait le roi, non le sacre. » Cependant le sacre du fils de Charles VI et d’Isabeau de Bavière revêtit à l’époque une importance cruciale et le désigna aux Français comme le roi légitime. Jean Favier en apporte aussi l’explication : le sacre levait les doutes qui pesaient sur la légitimité du Dauphin, dont la propre mère avait mis en doute la filiation et qui se posait lui-même des questions sur ses origines. À Chinon, Jeanne d’Arc l’avait rassuré à ce sujet : « De Messire, je te dis que tu es vrai héritier de France, et fils du roi. Et il m’envoie à toi pour te conduire à Reims. »
Par le Sacre, Dieu Lui-même confirmait le bon droit de Charles VII. Ses partisans ne furent pas seuls à le penser : « Dans le royaume du Lancastre, observe encore Jean Favier, on s’étonna sincèrement : Dieu permettait le sacre d’un « soi-disant roi » » Le jeune roi d’Angleterre, Henri VI, eut beau se faire sacrer à son tour à Notre-Dame de Paris, le 16 décembre 1431, les Parisiens n’y crurent pas et daubèrent la ladrerie des Anglais, qui n’avaient pas donné à l’événement un brillant suffisant.
En effet, écrit Jean-Paul Roux(2), « tous les esprits « conservateurs », c’est-à-dire cultivés et lucides, comprennent aussitôt que le sacre anglais n’est que simulacre et imposture, d’abord parce qu’il y a déjà un roi sacré, ensuite parce que la cérémonie n’a pas eu lieu à Reims (mais Hugues Capet avait été sacré à Noyon, Louis VI le Gros à Orléans), enfin et surtout parce que l’étranger n’a pas été oint du saint baume. Jeanne la première l’avait parfaitement vu, comme le virent aussi les villes qui exprimèrent leur jubilation et tous ceux qui s’acharnèrent sur cette jeune fille de dix-neuf ans et la firent brûler à Rouen. » Le procès de Rouen et la condamnation de Jeanne auront d’ailleurs pour principal objet de jeter le doute sur la validité du Sacre de Charles VII.
L’enjeu était donc de taille. Et pourtant, l’affaire n’avait pas été de soi, en dépit des victoires répétées qui, après Orléans, ouvraient le chemin de Reims : la prise de Jargeau le 12 juin, l’occupation du pont de Meung le 15, de Beaugency le 17 et, surtout, l’éclatante victoire de Patay, le 18.
Jeanne trouvait en face d’elle les conseillers malveillants de Charles VII, l’archevêque de Reims Régnault de Chartres et Georges de la Trémoïlle, qui avaient quelque intérêt à ménager le duc de Bourgogne et craignaient de perdre leur influence. Après Patay, devant Troyes, Régnault de Chartres conseillait ainsi de faire retraite ! Pour la soutenir, elle pouvait heureusement compter sur Dunois, le bâtard d’Orléans, qui emporta la décision du roi. Elle-même, appelée au conseil, se jeta aux pieds de Charles VII : « Gentil Roi de France, ne tenez point de si longs conseils, mais venez à Reims prendre votre digne Sacre, car je suis fort aiguillonée là-dessus... »
Or est exécuté le plaisir de Dieu
Troyes ayant ouvert ses portes, et Châlons prise, l’armée royale se présenta devant Reims, où Messire Pierre Cauchon, l’évêque de Beauvais ami des Anglais, mais né à Reims, venait de célébrer la Fête-Dieu. La bourgeoisie et le peuple rémois obtinrent que l’on ouvrît les portes de la ville à Charles VII et Mgr Cauchon n’eut d’autre ressource que de s’enfuir. Il prendrait sa revanche à Rouen…
Les clefs de Reims furent apportées au roi, qui le 16 juillet fit dans la ville du Sacre une entrée triomphale, suivi par Jeanne d’Arc et par ses capitaines, toutes les cloches sonnant à la volée.
Le Sacre lui-même eut lieu le lendemain, selon le rituel. Escorté par les quatre chevaliers « otages de la Sainte-Ampoule » — au nombre desquels figurait Gilles de Rais – qui traditionnellement entraient à cheval dans la cathédrale, l’abbé de Saint-Rémi apporta le Saint-Chrème. Le Roi prêta serment de « conserver la paix de l’Eglise, préserver le peuple des exactions et ingravances, gouverner avec justice et miséricorde ». Puis le duc d’Alençon l’arma chevalier. Enfin l’archevêque de Reims le sacra avec le Saint-Chrême, le couronna d’une couronne trouvée dans la cathédrale et, le montrant au peuple, cria : « Vive le Roi à jamais ! »
« Et estoit moult belle chose à voir, le beau mystère, et aussi la grand’joie que chacun en avoit. Et à l’heure où le Roi fut sacré, et quand on lui assit la couronne sur la teste, tout homme cria : Noël, et les trompettes sonnèrent en telle manière qu’il sembloit que les voûtes de l’église se dussent fendre ».(3)
Et Jeanne ?
« Quand la Pucelle vit que le Roi estoit sacré et couronné, elle s’agenouilla, présents tous les seigneurs, devant lui, et l’embrassant par les jambes lui dit en pleurant à chaudes larmes : « Gentil Sire, or est exécuté le plaisir de Dieu, qui vouloit que je levasse le siège d’Orléans, et que je vous amenasse en cette cité de Reims, recevoir votre digne Sacre, en montrant que vous êtes vrai Roi, et celui auquel le Royaume de France doit appartenir... » »(4)
Hervé Bizien monde & vie 28 juillet 2012
1. Jean Favier, La Guerre de Cent ans, Fayard, 1980
2. Jean-Paul Roux, Le Roi, mythes et symboles, Fayard, 1985
3 et 4. Citations tirées de La condamnation de Jeanne d’Arc, de M-L.Amiet, Nouvelles éditions du siècle, 1934.
Le 17 juillet 1429, à Reims, Charles VII reçut l’onction du Sacre, des mains de l’archevêque Régnault de Reims. « Il n’en avait aucun besoin pour être roi de France, a remarqué l’historien Jean Favier(1). Depuis plus de deux siècles, l’hérédité faisait le roi, non le sacre. » Cependant le sacre du fils de Charles VI et d’Isabeau de Bavière revêtit à l’époque une importance cruciale et le désigna aux Français comme le roi légitime. Jean Favier en apporte aussi l’explication : le sacre levait les doutes qui pesaient sur la légitimité du Dauphin, dont la propre mère avait mis en doute la filiation et qui se posait lui-même des questions sur ses origines. À Chinon, Jeanne d’Arc l’avait rassuré à ce sujet : « De Messire, je te dis que tu es vrai héritier de France, et fils du roi. Et il m’envoie à toi pour te conduire à Reims. »
Par le Sacre, Dieu Lui-même confirmait le bon droit de Charles VII. Ses partisans ne furent pas seuls à le penser : « Dans le royaume du Lancastre, observe encore Jean Favier, on s’étonna sincèrement : Dieu permettait le sacre d’un « soi-disant roi » » Le jeune roi d’Angleterre, Henri VI, eut beau se faire sacrer à son tour à Notre-Dame de Paris, le 16 décembre 1431, les Parisiens n’y crurent pas et daubèrent la ladrerie des Anglais, qui n’avaient pas donné à l’événement un brillant suffisant.
En effet, écrit Jean-Paul Roux(2), « tous les esprits « conservateurs », c’est-à-dire cultivés et lucides, comprennent aussitôt que le sacre anglais n’est que simulacre et imposture, d’abord parce qu’il y a déjà un roi sacré, ensuite parce que la cérémonie n’a pas eu lieu à Reims (mais Hugues Capet avait été sacré à Noyon, Louis VI le Gros à Orléans), enfin et surtout parce que l’étranger n’a pas été oint du saint baume. Jeanne la première l’avait parfaitement vu, comme le virent aussi les villes qui exprimèrent leur jubilation et tous ceux qui s’acharnèrent sur cette jeune fille de dix-neuf ans et la firent brûler à Rouen. » Le procès de Rouen et la condamnation de Jeanne auront d’ailleurs pour principal objet de jeter le doute sur la validité du Sacre de Charles VII.
L’enjeu était donc de taille. Et pourtant, l’affaire n’avait pas été de soi, en dépit des victoires répétées qui, après Orléans, ouvraient le chemin de Reims : la prise de Jargeau le 12 juin, l’occupation du pont de Meung le 15, de Beaugency le 17 et, surtout, l’éclatante victoire de Patay, le 18.
Jeanne trouvait en face d’elle les conseillers malveillants de Charles VII, l’archevêque de Reims Régnault de Chartres et Georges de la Trémoïlle, qui avaient quelque intérêt à ménager le duc de Bourgogne et craignaient de perdre leur influence. Après Patay, devant Troyes, Régnault de Chartres conseillait ainsi de faire retraite ! Pour la soutenir, elle pouvait heureusement compter sur Dunois, le bâtard d’Orléans, qui emporta la décision du roi. Elle-même, appelée au conseil, se jeta aux pieds de Charles VII : « Gentil Roi de France, ne tenez point de si longs conseils, mais venez à Reims prendre votre digne Sacre, car je suis fort aiguillonée là-dessus... »
Or est exécuté le plaisir de Dieu
Troyes ayant ouvert ses portes, et Châlons prise, l’armée royale se présenta devant Reims, où Messire Pierre Cauchon, l’évêque de Beauvais ami des Anglais, mais né à Reims, venait de célébrer la Fête-Dieu. La bourgeoisie et le peuple rémois obtinrent que l’on ouvrît les portes de la ville à Charles VII et Mgr Cauchon n’eut d’autre ressource que de s’enfuir. Il prendrait sa revanche à Rouen…
Les clefs de Reims furent apportées au roi, qui le 16 juillet fit dans la ville du Sacre une entrée triomphale, suivi par Jeanne d’Arc et par ses capitaines, toutes les cloches sonnant à la volée.
Le Sacre lui-même eut lieu le lendemain, selon le rituel. Escorté par les quatre chevaliers « otages de la Sainte-Ampoule » — au nombre desquels figurait Gilles de Rais – qui traditionnellement entraient à cheval dans la cathédrale, l’abbé de Saint-Rémi apporta le Saint-Chrème. Le Roi prêta serment de « conserver la paix de l’Eglise, préserver le peuple des exactions et ingravances, gouverner avec justice et miséricorde ». Puis le duc d’Alençon l’arma chevalier. Enfin l’archevêque de Reims le sacra avec le Saint-Chrême, le couronna d’une couronne trouvée dans la cathédrale et, le montrant au peuple, cria : « Vive le Roi à jamais ! »
« Et estoit moult belle chose à voir, le beau mystère, et aussi la grand’joie que chacun en avoit. Et à l’heure où le Roi fut sacré, et quand on lui assit la couronne sur la teste, tout homme cria : Noël, et les trompettes sonnèrent en telle manière qu’il sembloit que les voûtes de l’église se dussent fendre ».(3)
Et Jeanne ?
« Quand la Pucelle vit que le Roi estoit sacré et couronné, elle s’agenouilla, présents tous les seigneurs, devant lui, et l’embrassant par les jambes lui dit en pleurant à chaudes larmes : « Gentil Sire, or est exécuté le plaisir de Dieu, qui vouloit que je levasse le siège d’Orléans, et que je vous amenasse en cette cité de Reims, recevoir votre digne Sacre, en montrant que vous êtes vrai Roi, et celui auquel le Royaume de France doit appartenir... » »(4)
Hervé Bizien monde & vie 28 juillet 2012
1. Jean Favier, La Guerre de Cent ans, Fayard, 1980
2. Jean-Paul Roux, Le Roi, mythes et symboles, Fayard, 1985
3 et 4. Citations tirées de La condamnation de Jeanne d’Arc, de M-L.Amiet, Nouvelles éditions du siècle, 1934.
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