François
1er s’allie à Soliman le Magnifique face à Charles Quint. Il obtient un
quasi-monopole sur le commerce en Orient, les vaisseaux étrangers ne
pouvant commercer avec la Turquie que sous bannière française.
Cette année-là, la vingt et unième de son règne, François 1er, quarante-deux ans, se trouva acculé, face aux menaces que l’empereur Charles Quint faisait peser sur l’équilibre et la paix en l’Europe, à négocier une alliance avec… l’empire ottoman ! Cet acte que l’on dirait aujourd’hui de « realpolitique » et qui fit scandale au sein de ce qui n’était déjà plus guère la Chrétienté déchaîne parfois encore des passions près de cinq siècles après.
Impérialisme
Nous l’avons dit dans L’AF 2000 du 1er avril, le sultan turc Mehmed II s’était emparé de Constantinople en 1453, l’année même où chez nous Charles VII mettait fin à la guerre de Cent ans avec l’Angleterre. Les Turcs n’avaient bien sûr pas tardé à étendre leur emprise et à se trouver en conflit direct avec l’empire romain germanique des Habsbourg. Or, celui-ci, on le sait, tendait à dominer l’Europe sans souci de l’indépendance et de la souveraineté des autres pays, notamment de la France capétienne. Devinant cet enchaînement infernal, Louis XII avait déjà vers 1500 pensé à contourner les Habsbourg en prenant des contacts avec le sultan d’Égypte Bajazet II. François 1er, valeureux vainqueur de Marignan et successeur en 1515 de Louis XII, s’était trouvé bien vite aux prises avec Charles Quint qui tenait pratiquement la France en tenailles, étant devenu à la fois roi d’Espagne et empereur germanique. Nous avons vu dans L’AF 2000 du 7 février 2008 comment le jeune et courageux roi de France s’était retrouvé, après la défaite de Pavie (1526), humilié par l’empereur qui l’avait retenu prisonnier à Madrid. Devant la gravité de la situation, François, juste avant sa captivité, préparant ainsi sa revanche, avait envoyé dans le plus grand secret sa bague au sultan Soliman le Magnifique, auprès duquel déjà la mère du roi, Louise de Savoie, avait fait partir une mission.
Une lettre très orientale
Soliman avait répondu dans une lettre très orientale… : « Moi qui suis, par la grâce de Celui dont la puissance est glorifiée et dont la parole est exaltée, par les miracles sacrés de Mohammed, soleil du ciel de la prophétie, étoile de la constellation de l’apostolat, chef de la troupe des prophètes. [...] Toi qui es François, roy du pays de France, vous avez envoyé une lettre à ma Porte, asile des souverains. [...] Tout ce que vous avez dit ayant été exposé au pied de mon trône, refuge du monde, ma science impériale l’a embrassé en détail, et j’en ai pris une connaissance complète. Prenez alors courage, et ne soyez pas consterné. [...] Nuit et jour, notre cheval est sellé et notre sabre est ceint. Puisse Dieu aux Cieux promouvoir la vertu ! Que sa volonté soit faite ! Pour le reste, interrogez votre ambassadeur, et soyez informé. »
François 1er, qui n’avait point l’intention de respecter les conditions imposées par la force pour sa libération, avait alors pu compter sur les Ottomans pour harceler Charles Quint par la Hongrie – ce qui avait poussé l’empereur à chercher une alliance avec la Perse pour encercler les Turcs ! Puis les rapports franco-ottomans avaient repris en 1528 où Soliman avait confirmé les privilèges des marchands français en Orient. Pendant que plusieurs fois les Turcs avaient assiégé Vienne, des échanges d’ambassades avaient continué entre Français et Turcs, jusqu’en cette année 1536 où fut conclue la véritable alliance, confirmant les fameuses Capitulations signées un an avant et qui allaient rester en vigueur jusqu’en 1923 !
La France et les Lieux saints
S’allier avec l’Infidèle, le roi de France, fils de saint Louis, y était poussé par la nécessité. Charles Quint n’avait pas de leçon à lui donner, lui qui en 1527 avait commandé de saccager Rome à ses troupes que commandait le minable connétable de Bourbon, traitre à son roi et qui y trouva la mort. Si la Chrétienté était dés lors abolie, la faute en revenait, dit Bainville « au germanisme lui-même qui posait à la France une question de vie ou de mort ». Nul ne peut nier que cette alliance fut profitable à la France et à la religion catholique elle-même. Les Capitulations donnaient aux Français un quasi-monopole sur le commerce en Orient. Les vaisseaux étrangers ne pouvaient commercer avec la Turquie que sous bannière française. Des privilèges étaient également consentis aux marchands français au sein de l’empire turc, avec le droit de commercer dans tous les ports ottomans. Une ambassade française et une chapelle chrétienne étaient établies à Constantinople. Les Français pouvaient pratiquer leur religion dans l’empire ottoman, et – chose essentielle – se voyaient confier la garde des Lieux saints.
Voilà comment la France royale savait discuter d’État à État avec ce grand pays qu’est la Turquie. L’inviter aujourd’hui à entrer dans le fourre-tout européen et à venir y faire progresser l’islam, est une politique de toute autre espèce…
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 15 avril au 5 mai 2010
Cette année-là, la vingt et unième de son règne, François 1er, quarante-deux ans, se trouva acculé, face aux menaces que l’empereur Charles Quint faisait peser sur l’équilibre et la paix en l’Europe, à négocier une alliance avec… l’empire ottoman ! Cet acte que l’on dirait aujourd’hui de « realpolitique » et qui fit scandale au sein de ce qui n’était déjà plus guère la Chrétienté déchaîne parfois encore des passions près de cinq siècles après.
Impérialisme
Nous l’avons dit dans L’AF 2000 du 1er avril, le sultan turc Mehmed II s’était emparé de Constantinople en 1453, l’année même où chez nous Charles VII mettait fin à la guerre de Cent ans avec l’Angleterre. Les Turcs n’avaient bien sûr pas tardé à étendre leur emprise et à se trouver en conflit direct avec l’empire romain germanique des Habsbourg. Or, celui-ci, on le sait, tendait à dominer l’Europe sans souci de l’indépendance et de la souveraineté des autres pays, notamment de la France capétienne. Devinant cet enchaînement infernal, Louis XII avait déjà vers 1500 pensé à contourner les Habsbourg en prenant des contacts avec le sultan d’Égypte Bajazet II. François 1er, valeureux vainqueur de Marignan et successeur en 1515 de Louis XII, s’était trouvé bien vite aux prises avec Charles Quint qui tenait pratiquement la France en tenailles, étant devenu à la fois roi d’Espagne et empereur germanique. Nous avons vu dans L’AF 2000 du 7 février 2008 comment le jeune et courageux roi de France s’était retrouvé, après la défaite de Pavie (1526), humilié par l’empereur qui l’avait retenu prisonnier à Madrid. Devant la gravité de la situation, François, juste avant sa captivité, préparant ainsi sa revanche, avait envoyé dans le plus grand secret sa bague au sultan Soliman le Magnifique, auprès duquel déjà la mère du roi, Louise de Savoie, avait fait partir une mission.
Une lettre très orientale
Soliman avait répondu dans une lettre très orientale… : « Moi qui suis, par la grâce de Celui dont la puissance est glorifiée et dont la parole est exaltée, par les miracles sacrés de Mohammed, soleil du ciel de la prophétie, étoile de la constellation de l’apostolat, chef de la troupe des prophètes. [...] Toi qui es François, roy du pays de France, vous avez envoyé une lettre à ma Porte, asile des souverains. [...] Tout ce que vous avez dit ayant été exposé au pied de mon trône, refuge du monde, ma science impériale l’a embrassé en détail, et j’en ai pris une connaissance complète. Prenez alors courage, et ne soyez pas consterné. [...] Nuit et jour, notre cheval est sellé et notre sabre est ceint. Puisse Dieu aux Cieux promouvoir la vertu ! Que sa volonté soit faite ! Pour le reste, interrogez votre ambassadeur, et soyez informé. »
François 1er, qui n’avait point l’intention de respecter les conditions imposées par la force pour sa libération, avait alors pu compter sur les Ottomans pour harceler Charles Quint par la Hongrie – ce qui avait poussé l’empereur à chercher une alliance avec la Perse pour encercler les Turcs ! Puis les rapports franco-ottomans avaient repris en 1528 où Soliman avait confirmé les privilèges des marchands français en Orient. Pendant que plusieurs fois les Turcs avaient assiégé Vienne, des échanges d’ambassades avaient continué entre Français et Turcs, jusqu’en cette année 1536 où fut conclue la véritable alliance, confirmant les fameuses Capitulations signées un an avant et qui allaient rester en vigueur jusqu’en 1923 !
La France et les Lieux saints
S’allier avec l’Infidèle, le roi de France, fils de saint Louis, y était poussé par la nécessité. Charles Quint n’avait pas de leçon à lui donner, lui qui en 1527 avait commandé de saccager Rome à ses troupes que commandait le minable connétable de Bourbon, traitre à son roi et qui y trouva la mort. Si la Chrétienté était dés lors abolie, la faute en revenait, dit Bainville « au germanisme lui-même qui posait à la France une question de vie ou de mort ». Nul ne peut nier que cette alliance fut profitable à la France et à la religion catholique elle-même. Les Capitulations donnaient aux Français un quasi-monopole sur le commerce en Orient. Les vaisseaux étrangers ne pouvaient commercer avec la Turquie que sous bannière française. Des privilèges étaient également consentis aux marchands français au sein de l’empire turc, avec le droit de commercer dans tous les ports ottomans. Une ambassade française et une chapelle chrétienne étaient établies à Constantinople. Les Français pouvaient pratiquer leur religion dans l’empire ottoman, et – chose essentielle – se voyaient confier la garde des Lieux saints.
Voilà comment la France royale savait discuter d’État à État avec ce grand pays qu’est la Turquie. L’inviter aujourd’hui à entrer dans le fourre-tout européen et à venir y faire progresser l’islam, est une politique de toute autre espèce…
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 15 avril au 5 mai 2010
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