Je ne peux pas m’empêcher de vous faire observer comment la chaîne Histoire présente son émission spéciale de ce soir. Voyez plutôt :
20h35, « L’Orchestre rouge.
Actif
pendant la seconde guerre mondiale, Orchestre rouge, le principal
mouvement résistant allemand, a fourni aux Alliés de nombreux et
précieux renseignements.»
Voilà.
« Le principal mouvement résistant allemand ». Donc, classé d’office du
côté du Bien. Parce qu’être résistant, c’est chargé de plein de valeur
positive. Etre espion, c’est nettement moins bien vu. C’est réservé au
camp du Mal. Les communistes à la nationalité incertaine qui espionnent
en temps de guerre pour Staline sont des résistants et non des espions.
J’espère que tout le monde aura bien compris la nuance.
Voici ci-après un portrait très succinct du créateur « résistant » d’Orchestre rouge (tiré de Révolutionnaires juifs).
Vous noterez comme moi au passage que les zaffreux nazis ne l'ont pas
trop malmené. Tandis que Staline, lui, ne l'a pas raté. Curieux.
LEOPOLD TREPPER, chef de l’Orchestre rouge
Le futur organisateur du réseau d’espionnage Orchestre rouge naît en 1904 dans une famille juive de Galicie.
Il
rejoint les bolcheviks peu après la révolution d’Octobre et travaille
durant un certain temps dans les mines de Galicie. En 1923 - il a
dix-neuf ans - il organise une grève et connaît la prison.
L’année suivante, il s’embarque pour la Palestine, en tant que membre de Hashomer Hatzair,
mouvement sioniste de gauche créé en Pologne en 1913. Dans ce
territoire alors sous mandat britannique, il adhère au parti communiste
qui vient tout juste de se créer et de s’affilier au Komintern. Trepper
sera finalement expulsé de Palestine par les Anglais en 1929 en raison
de ses activités subversives.
Il
se rend alors en France et y travaille avec une organisation
clandestine qui sera bientôt interdite. En 1932, il repart donc pour
Moscou où il travaillera dorénavant pour le GRU, le renseignement
militaire. Il se met à beaucoup voyager, notamment entre Paris et
Moscou, pour ses missions.
Trepper
va traverser la période des purges sans difficultés majeures. En 1938,
il est envoyé en Belgique afin d’y établir un réseau d’espionnage, celui
que les Allemands désigneront plus tard du nom célèbre de Die Rote Kapelle, l’Orchestre rouge.
L’idée qu’il met en œuvre consiste à s’abriter derrière des sociétés
commerciales qui serviront à la fois de paravent et de source de
revenus. Trepper va ainsi mettre sur pied un vaste réseau d’agents sûrs
opérant dans divers pays européens et capables de fournir aux
soviétiques des renseignements stratégiques, politiques, économiques de
grande valeur.
Parmi
les renseignements majeurs, Trepper sera en mesure d’informer Staline
de l’imminence du déclenchement de l’opération Barbarossa, l’invasion de
l’URSS par les troupes allemandes, en juin 1941. Staline, qui recevra
les mêmes informations d’un autre espion, Richard Sorge, ainsi que
d’autres sources, refusera pourtant d’y ajouter foi.
Cependant, l’Abwehr, le
service allemand de renseignements militaires, n’est pas resté inactif,
et parvient à démanteler le réseau. Un grand nombre d’espions sont
arrêtés, dont Trepper lui-même, en novembre 1942. Les Allemands ne
seront cependant pas trop méchants avec lui car ils espèrent en faire un
agent double.
Trepper
fait semblant de se prêter au jeu, et réussit à s’échapper en 1943. Il
réapparaîtra à la libération de Paris, dans le sillage de la résistance.
Il
rentre en URSS en janvier 1945, mais là, bizarrement, au lieu d’être
bien accueilli, il est emprisonné à la Loubianka sur ordre de Staline.
Il réussira de justesse à sauver sa tête, mais il reste enfermé jusqu’en
1955.
Après
sa libération, il retourne en Pologne avec sa famille et renoue avec
ses racines juives en s’occupant de diverses organisations
communautaires.
Après
la guerre des Six Jours, il décide d’émigrer en Israël. La Pologne
finira par accepter de le laisser partir en 1974. Il s’installe alors à
Jérusalem et publie son autobiographie l’année suivante. Il meurt à
Jérusalem en 1982.
Anne Kling http://france-licratisee.hautetfort.com
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