L'animosité
était arrivée à son comble entre la reine-mère, Marie de Médicis, et le
cardinal de Richelieu. Le roi trancha en la faveur de celui-ci, contre
le parti protestant, l'orgueil des Grands et la puissance des Habsbourg.
Cette année-là, la vingtième de son règne, Louis XIII, vingt-neuf ans, dut résoudre un grave affrontement entre la reine-mère Marie de Médicis, cinquante- cinq ans, veuve d'Henri IV, et Armand Jean du Plessis, cardinal et duc de Richelieu, quarante-cinq ans, principal ministre de la couronne.
Une femme intrigante et peu affectueuse
La mauvaise entente entre le roi et sa mère remontait à l'enfance. Femme intrigante et peu affectueuse, marquant nettement sa préférence pour son fils cadet le tumultueux Gaston, duc d'Orléans, elle ne songeait qu'à rapprocher la France de l'Espagne catholique des Habsbourg et avait à cet effet marié en 1615 sa fille, Élisabeth, à l'infant Philippe, futur Philippe IV, et le jeune Louis XIII à la soeur de ce dernier, Anne d'Autriche, infante d'Espagne. Dès qu'il avait pris le pouvoir en 1617, Louis XIII avait fait assassiner Concini, le favori de la reine-mère, laquelle avait été alors exilée à Blois d'où elle avait réussi à s'évader pour se mettre à comploter. Richelieu avait alors réconcilié la mère et le fils et Marie, retrouvant sa place au Conseil du Roi, s'était mise à construire son palais du Luxembourg (aujourd'hui le Sénat).
Richelieu, quant à lui, dont l'influence sur le roi croissait de jour en jour, se heurta bien vite à la reine-mère laquelle, pourtant, l'avait fait entrer au Conseil du Roi. On ne saurait dire qu'entre le roi et le cardinal existait une grande affection, mais au moins leurs deux personnalités, se formant dans les tourmentes à une rigoureuse maîtrise de soi, se retrouvaient dans une même volonté d'assurer la grandeur de la France et son unité. Pour cela, le programme de Richelieu était clair et le roi l'approuvait : ruiner le parti protestant, rabaisser l'orgueil des Grands, abattre la puissance des Habsbourg, fût-ce en s'alliant contre l'empereur avec les princes protestants allemands. En somme tout le contraire de ce que voulait Marie de Médicis.
Un flot d'injures
En 1630, l'animosité était arrivée à son comble. Alors que le roi, toujours sans enfant, était tombé gravement malade à Lyon et que les Grands se mettaient déjà à courtiser Gaston, elle essaya d'obtenir le renvoi de Richelieu, mais Louis ne répondit qu'évasivement : d'ailleurs, il se sentit mieux dès le 17 octobre et rentra à Paris. Restés à Lyon pour régler quelques affaires militaires, Marie et le cardinal regagnèrent Paris quelques jours plus tard et elle se montra durant tout le voyage on ne peut plus aimable avec lui... Pourtant, elle se rendit dès son arrivée chez le garde des Sceaux Michel de Marillac pour discuter des moyens de perdre le cardinal, mais elle affirma sans vergogne à Louis XIII qu'elle souhaitait rentrer dans les bonnes grâces du même cardinal. C'était à n'y plus rien comprendre... "Souvent femme varie" dit-on, mais c'était en vérité tout le contraire.
Le dimanche 10 novembre un Conseil du Roi se déroula calmement et l'on put croire à l'apaisement. Après quoi le roi et sa mère parlèrent entre eux du cas Richelieu. Furieuse de voir son fils pour la première fois lui tenir tête, Marie fit subir sa colère à sa dame d'atours, Mme de Comballet, nièce du cardinal, lequel, arrivant à son tour, subit un ouragan d'injures en des termes dignes d'une harengère comme devait dire le duc de Saint-Simon... Elle le démit de ses fonctions de surintendant de sa maison et d'aumônier.
Le lendemain lundi, Louis lui ayant dit qu'il allait tenter encore une réconciliation, le cardinal se rendit au Luxembourg et trouva toutes portes closes. Toutefois, connaissant une porte dérobée que, par chance, elle avait oublié de fermer, il survint soudainement et reçut un nouveau torrent d'injures. Perdant contenance, il baisa en pleurant le pan de la robe de Marie, tandis que le roi, sans un mot, se retirait froidement. Aussitôt le bruit se répandit de la déchéance du cardinal et de son remplacement par Marillac. Lui-même se crut perdu.
"Journée des dupes"
En fait Louis, pour ne pas rabrouer sa mère de front, s'était tout simplement retiré à Versailles - alors un tout petit rendez-vous de chasse. De là il envoya quérir Richelieu et les deux hommes eurent vite décidé l'arrestation de Marillac. Gaston d'Orléans, lui, partit se faire oublier quelque temps en Lorraine... Le lendemain, Marie de Médicis se trouva recluse dans ses appartements, avant d'être exilée à Compiègne d'où elle allait s'échapper en 1631 pour rejoindre les Pays-Bas espagnols où elle se tint tranquille jusqu'à sa mort à Cologne dans une maison prêtée par le peintre Rubens le 2 juillet 1642 (la même année que Richelieu...)
Louis XIII, de concert avec son ministre, put, dit Bainville, se mettre à « rétablir d'une main rude la discipline dans le royaume ». Sous ses aspects vaudevillesques, cette « journée des dupes » selon le mot du comte de Serrant, fut pour le roi un vrai drame cornélien (on était à six ans du Cid...) au cours duquel il ne pensa qu'à la France, comme le lui enjoignait son devoir de roi.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 20 mai au 2 juin 2010
Cette année-là, la vingtième de son règne, Louis XIII, vingt-neuf ans, dut résoudre un grave affrontement entre la reine-mère Marie de Médicis, cinquante- cinq ans, veuve d'Henri IV, et Armand Jean du Plessis, cardinal et duc de Richelieu, quarante-cinq ans, principal ministre de la couronne.
Une femme intrigante et peu affectueuse
La mauvaise entente entre le roi et sa mère remontait à l'enfance. Femme intrigante et peu affectueuse, marquant nettement sa préférence pour son fils cadet le tumultueux Gaston, duc d'Orléans, elle ne songeait qu'à rapprocher la France de l'Espagne catholique des Habsbourg et avait à cet effet marié en 1615 sa fille, Élisabeth, à l'infant Philippe, futur Philippe IV, et le jeune Louis XIII à la soeur de ce dernier, Anne d'Autriche, infante d'Espagne. Dès qu'il avait pris le pouvoir en 1617, Louis XIII avait fait assassiner Concini, le favori de la reine-mère, laquelle avait été alors exilée à Blois d'où elle avait réussi à s'évader pour se mettre à comploter. Richelieu avait alors réconcilié la mère et le fils et Marie, retrouvant sa place au Conseil du Roi, s'était mise à construire son palais du Luxembourg (aujourd'hui le Sénat).
Richelieu, quant à lui, dont l'influence sur le roi croissait de jour en jour, se heurta bien vite à la reine-mère laquelle, pourtant, l'avait fait entrer au Conseil du Roi. On ne saurait dire qu'entre le roi et le cardinal existait une grande affection, mais au moins leurs deux personnalités, se formant dans les tourmentes à une rigoureuse maîtrise de soi, se retrouvaient dans une même volonté d'assurer la grandeur de la France et son unité. Pour cela, le programme de Richelieu était clair et le roi l'approuvait : ruiner le parti protestant, rabaisser l'orgueil des Grands, abattre la puissance des Habsbourg, fût-ce en s'alliant contre l'empereur avec les princes protestants allemands. En somme tout le contraire de ce que voulait Marie de Médicis.
Un flot d'injures
En 1630, l'animosité était arrivée à son comble. Alors que le roi, toujours sans enfant, était tombé gravement malade à Lyon et que les Grands se mettaient déjà à courtiser Gaston, elle essaya d'obtenir le renvoi de Richelieu, mais Louis ne répondit qu'évasivement : d'ailleurs, il se sentit mieux dès le 17 octobre et rentra à Paris. Restés à Lyon pour régler quelques affaires militaires, Marie et le cardinal regagnèrent Paris quelques jours plus tard et elle se montra durant tout le voyage on ne peut plus aimable avec lui... Pourtant, elle se rendit dès son arrivée chez le garde des Sceaux Michel de Marillac pour discuter des moyens de perdre le cardinal, mais elle affirma sans vergogne à Louis XIII qu'elle souhaitait rentrer dans les bonnes grâces du même cardinal. C'était à n'y plus rien comprendre... "Souvent femme varie" dit-on, mais c'était en vérité tout le contraire.
Le dimanche 10 novembre un Conseil du Roi se déroula calmement et l'on put croire à l'apaisement. Après quoi le roi et sa mère parlèrent entre eux du cas Richelieu. Furieuse de voir son fils pour la première fois lui tenir tête, Marie fit subir sa colère à sa dame d'atours, Mme de Comballet, nièce du cardinal, lequel, arrivant à son tour, subit un ouragan d'injures en des termes dignes d'une harengère comme devait dire le duc de Saint-Simon... Elle le démit de ses fonctions de surintendant de sa maison et d'aumônier.
Le lendemain lundi, Louis lui ayant dit qu'il allait tenter encore une réconciliation, le cardinal se rendit au Luxembourg et trouva toutes portes closes. Toutefois, connaissant une porte dérobée que, par chance, elle avait oublié de fermer, il survint soudainement et reçut un nouveau torrent d'injures. Perdant contenance, il baisa en pleurant le pan de la robe de Marie, tandis que le roi, sans un mot, se retirait froidement. Aussitôt le bruit se répandit de la déchéance du cardinal et de son remplacement par Marillac. Lui-même se crut perdu.
"Journée des dupes"
En fait Louis, pour ne pas rabrouer sa mère de front, s'était tout simplement retiré à Versailles - alors un tout petit rendez-vous de chasse. De là il envoya quérir Richelieu et les deux hommes eurent vite décidé l'arrestation de Marillac. Gaston d'Orléans, lui, partit se faire oublier quelque temps en Lorraine... Le lendemain, Marie de Médicis se trouva recluse dans ses appartements, avant d'être exilée à Compiègne d'où elle allait s'échapper en 1631 pour rejoindre les Pays-Bas espagnols où elle se tint tranquille jusqu'à sa mort à Cologne dans une maison prêtée par le peintre Rubens le 2 juillet 1642 (la même année que Richelieu...)
Louis XIII, de concert avec son ministre, put, dit Bainville, se mettre à « rétablir d'une main rude la discipline dans le royaume ». Sous ses aspects vaudevillesques, cette « journée des dupes » selon le mot du comte de Serrant, fut pour le roi un vrai drame cornélien (on était à six ans du Cid...) au cours duquel il ne pensa qu'à la France, comme le lui enjoignait son devoir de roi.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 20 mai au 2 juin 2010
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