François
Ier signe au mois d'août, dans le château de Villers-Cotterêts, une
ordonnance capitale pour l'unité française et l'avenir de notre langue.
Un texte de 192 articles portant « sur le fait de la justice, police, finances ».
Cette année-là, la vingt-quatrième de son règne, François 1er, quarante-cinq ans, signait au mois d'août une ordonnance capitale tant pour l'unité française que pour l'avenir de notre langue. Il est important de noter que cet acte de grande et sage politique eut lieu dans le château de Villers-Cotterêts, l'une de ses résidences de chasse préférées, au coeur de son comté de Valois. Il s'était attelé à rendre en quelques années à ce monument sa splendeur de jadis avec autant d'ardeur qu'il mettait à parachever la construction politique de la France.
Monarchie tempérée
S'entourant des principaux juristes de son temps, François 1er accomplissait depuis déjà de longues années une oeuvre législative remarquable qui témoignait, écrit Georges Bordonove, « de son esprit novateur, mais aussi de sa connaissance des besoins de ses sujets et de l'état de l'opinion », reflet d'« une monarchie certes absolue mais tempérée par le bon sens ».
L'ordonnance sur la langue française ne fut pas dictée au roi par un emballement soudain ; elle s'inscrivait dans toute une suite de décisions prises depuis au moins le XIIIe siècle tendant à imposer la langue romane française (considérée traditionnellement comme apparue en 842 avec les Serments de Strasbourg entre les petits-fils de Charlemagne) en lieu et place du latin de moins en moins et de plus en plus mal parlé par le commun des Français. Déjà Charles VII en 1454 avait demandé que les traditions orales fussent rédigées dans les langues maternelles, puis Charles VIII en 1490 (ordonnance de Moulins) en avait demandé autant pour les procès verbaux, et Louis XII en 1510 (ordonnance de Lyon) avait ordonné que les actes de justice fussent tous écrits dans la langue du peuple. Jusqu'alors les parlers locaux, d'oil et d'oc, restaient sur le même plan que le français.
Les bases de l'état-civil
François 1er, avec l'aide du chancelier Guillaume Poyet, voulut que le français, qui avait déjà acquis par d'illustres écrivains de vraies lettres de noblesse, fût érigé en langue juridique, administrative et littéraire. L'ordonnance d'août 1539 portait « sur le fait de la justice, police, finances » et comportait 192 articles.
D'abord, elle jetait les bases de notre état-civil, obligeant les curés à consigner dans des registres les déclarations de naissances et de baptêmes, avec le jour et l'heure, afin de « prouver le temps de majorité ou de minorité ». De même les décès devaient être consignés sans retard et avec exactitude, tandis que les donations devaient être enregistrées par les tribunaux. Tous ces écrits « enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments et tous les autres actes et exploits de justice ou de droit » devaient être « clers et entendifs » (clairs et compréhensibles) et obligatoirement rédigés « en langage maternel francoys et non aultrement », donc uniquement en français.
Dans un autre ordre, l'ordonnance stipulait que les tribunaux ecclésiastiques (officialités) ne devaient juger les laïcs qu'en matière de spiritualité. Faut-il voir en cette volonté de parler officiellement français une manière de renier les origines latines de la pensée française ? Point du tout. Le latin restait la langue officielle de l'Église, qui ne pourra jamais se séparer de ses racines romaines et dont le latin, hiératique et figé, est pour toujours la garantie indispensable de l'intégrité du dogme. En outre tous les lettrés français allaient encore fort longtemps et jusqu'à nos jours, étudier, voire parler entre eux la belle langue latine.
Le destin de la France
Premier royaume de l'Occident, la France se devait toutefois de s'affirmer avec ses richesses propres, qui lui venaient certes de Rome, mais aussi des Celtes, des Germains et de bien d'autres peuples brassés sur notre sol au cours d'une déjà longue histoire. Sous François 1er s'épanouissait la Renaissance dont on a coutume de dire qu'elle redécouvrait la perfection des modèles antiques. Il n'en reste pas moins qu'en 1549 le délicieux poète Joachim du Bellay, dix ans après Villers-Cotterêts, allait manifester sa reconnaisance « à notre feu bon roi et père » François 1er (mort deux ans plus tôt) dans sa célèbre Défense et illustration de la langue française ! Marie-Madeleine Martin, dans son Histoire de l'unité française, a fort bien défini l'attitude des hommes de ce temps : « Enivrés de l'ardeur de la Renaissance, attachés à la civilisation antique par tous les soins d'une étude inlassable et les émois d'un fidélité ressuscitée, ils ne cessent de proclamer leur foi dans la transcendance du destin civilisateur de leur pays : la France, reconnaissant dans la Grèce et Rome les sources les plus augustes de la civilisation occidentale est pourtant créée pour donner au monde un modèle égal en grandeur. »
Notre langue est justement, en ajoutant le bien dire au bien faire, l'expression de cette grandeur. Tout doit être entrepris pour en prendre la défense dans le monde actuel qui retourne à la barbarie !
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 15 avril au 5 mai 2010
Cette année-là, la vingt-quatrième de son règne, François 1er, quarante-cinq ans, signait au mois d'août une ordonnance capitale tant pour l'unité française que pour l'avenir de notre langue. Il est important de noter que cet acte de grande et sage politique eut lieu dans le château de Villers-Cotterêts, l'une de ses résidences de chasse préférées, au coeur de son comté de Valois. Il s'était attelé à rendre en quelques années à ce monument sa splendeur de jadis avec autant d'ardeur qu'il mettait à parachever la construction politique de la France.
Monarchie tempérée
S'entourant des principaux juristes de son temps, François 1er accomplissait depuis déjà de longues années une oeuvre législative remarquable qui témoignait, écrit Georges Bordonove, « de son esprit novateur, mais aussi de sa connaissance des besoins de ses sujets et de l'état de l'opinion », reflet d'« une monarchie certes absolue mais tempérée par le bon sens ».
L'ordonnance sur la langue française ne fut pas dictée au roi par un emballement soudain ; elle s'inscrivait dans toute une suite de décisions prises depuis au moins le XIIIe siècle tendant à imposer la langue romane française (considérée traditionnellement comme apparue en 842 avec les Serments de Strasbourg entre les petits-fils de Charlemagne) en lieu et place du latin de moins en moins et de plus en plus mal parlé par le commun des Français. Déjà Charles VII en 1454 avait demandé que les traditions orales fussent rédigées dans les langues maternelles, puis Charles VIII en 1490 (ordonnance de Moulins) en avait demandé autant pour les procès verbaux, et Louis XII en 1510 (ordonnance de Lyon) avait ordonné que les actes de justice fussent tous écrits dans la langue du peuple. Jusqu'alors les parlers locaux, d'oil et d'oc, restaient sur le même plan que le français.
Les bases de l'état-civil
François 1er, avec l'aide du chancelier Guillaume Poyet, voulut que le français, qui avait déjà acquis par d'illustres écrivains de vraies lettres de noblesse, fût érigé en langue juridique, administrative et littéraire. L'ordonnance d'août 1539 portait « sur le fait de la justice, police, finances » et comportait 192 articles.
D'abord, elle jetait les bases de notre état-civil, obligeant les curés à consigner dans des registres les déclarations de naissances et de baptêmes, avec le jour et l'heure, afin de « prouver le temps de majorité ou de minorité ». De même les décès devaient être consignés sans retard et avec exactitude, tandis que les donations devaient être enregistrées par les tribunaux. Tous ces écrits « enquêtes, contrats, commissions, sentences, testaments et tous les autres actes et exploits de justice ou de droit » devaient être « clers et entendifs » (clairs et compréhensibles) et obligatoirement rédigés « en langage maternel francoys et non aultrement », donc uniquement en français.
Dans un autre ordre, l'ordonnance stipulait que les tribunaux ecclésiastiques (officialités) ne devaient juger les laïcs qu'en matière de spiritualité. Faut-il voir en cette volonté de parler officiellement français une manière de renier les origines latines de la pensée française ? Point du tout. Le latin restait la langue officielle de l'Église, qui ne pourra jamais se séparer de ses racines romaines et dont le latin, hiératique et figé, est pour toujours la garantie indispensable de l'intégrité du dogme. En outre tous les lettrés français allaient encore fort longtemps et jusqu'à nos jours, étudier, voire parler entre eux la belle langue latine.
Le destin de la France
Premier royaume de l'Occident, la France se devait toutefois de s'affirmer avec ses richesses propres, qui lui venaient certes de Rome, mais aussi des Celtes, des Germains et de bien d'autres peuples brassés sur notre sol au cours d'une déjà longue histoire. Sous François 1er s'épanouissait la Renaissance dont on a coutume de dire qu'elle redécouvrait la perfection des modèles antiques. Il n'en reste pas moins qu'en 1549 le délicieux poète Joachim du Bellay, dix ans après Villers-Cotterêts, allait manifester sa reconnaisance « à notre feu bon roi et père » François 1er (mort deux ans plus tôt) dans sa célèbre Défense et illustration de la langue française ! Marie-Madeleine Martin, dans son Histoire de l'unité française, a fort bien défini l'attitude des hommes de ce temps : « Enivrés de l'ardeur de la Renaissance, attachés à la civilisation antique par tous les soins d'une étude inlassable et les émois d'un fidélité ressuscitée, ils ne cessent de proclamer leur foi dans la transcendance du destin civilisateur de leur pays : la France, reconnaissant dans la Grèce et Rome les sources les plus augustes de la civilisation occidentale est pourtant créée pour donner au monde un modèle égal en grandeur. »
Notre langue est justement, en ajoutant le bien dire au bien faire, l'expression de cette grandeur. Tout doit être entrepris pour en prendre la défense dans le monde actuel qui retourne à la barbarie !
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 15 avril au 5 mai 2010
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