Pourquoi
évoquer la femme au Moyen-âge ? Tout simplement parce que durant cette
période de l’histoire, la société occidentale est profondément
chrétienne, et que par-là même, la femme médiévale est entièrement
guidée depuis sa naissance jusqu’à son décès par la religion. De la
chute de l’Empire Romain en 476 jusqu’à la découverte des Amériques en
1492, l’Europe vît une période où la Foi catholique écrit une de ses
plus belles pages de gloires. Sur cette époque qui couvre presque un
millénaire, la femme va voir son rôle au sein de la famille et de la
société être presque porté à la perfection. Trois raisons semble-t-il
expliquent cette situation unique que va connaître la femme médiévale.
D’une
part les origines essentiellement gauloises et germaniques de la
population occidentale, où on le verra la femme occupe une place toute
particulière. La christianisation de l’Europe d’autre part, qui par la
place que la Sainte Vierge occupe au sein de l’Eglise fait participer
l’ensemble des femmes à sa gloire. Enfin, les artistes de l’époque qui
plaçant la femme sur un piédestal et voyant en elle la suzeraine de leur
inspiration propagent à travers la société l’image d’une femme idéale
tant sur le plan spirituel, que sur le plan humain.
II.LA FEMME AVANT LE MOYEN-AGE
Chez
les races primitives, qui demandent, soit à la chasse, soit à la pêche,
l’entretien d’une vie nomade, la perversion des idées religieuses va de
pair avec le mépris du sexe le plus faible. La femme est achetée,
vendue, répudiée, condamnée aux plus durs travaux. Comment l’homme
s’attacherait-il au foyer domestique ? Les nécessités de son aventureuse
existence le tiennent presque toujours éloigné de sa hutte ou de sa
tente. Celle que la nature fit sa compagne ne songe pas d’ailleurs à se
révolter contre le joug qui l’opprime. C’est sans murmure qu’elle subit
une servitude dont aucune joie familiale ne tempère les rigueurs. Bête
de somme avilie et résignée, la femme ne soupçonne même pas sa
dégradation et ignore sa noblesse.
Une
autre ère semble un moment s’ouvrir pour la femme dans la Grèce
antique. Dans la femme, qu’est-ce que vénère donc la Grèce ? Elle
honore l’harmonie des lignes, la grâce des contours, leurs fronts
radieux, les lèvres qui boivent et versent l’ambroisie ; mais l’âme la
Grèce l’ignore. Pour l’Héllène la femme est une statue, un objet d’art ;
ce n’est point la compagne, ce n’est point surtout la moitié de
l’homme. Le mariage la relève-t-il ? Il l’abaisse. Pour le compatriote
de Socrate, le mariage est tantôt un marché, tantôt un mal nécessaire.
Jamais consultée, la jeune fille n’éprouve même pas la tentation de
repousser le fiancé que sa famille lui choisit. Dans les temps
homériques, le fiancé achète sa future. Plus tard, sous Périclès, les
parents, au contraire, dotent leurs filles; et si cette dernière est
répudiée, la dot retourne à la famille. Dans les deux cas que devient la
dignité de l’union conjugale ? Un pacte pécuniaire qui la profane et la
contamine.
Arrivons
maintenant à Rome. La loi romaine dit du mariage qu’elle est l’union de
l’homme et de la femme soumis à la vie commune et partageant ensemble
tous les droits divins et humains. Pourtant au lieu de l’égalité
promise, l’historien ne voit dans le mariage romain qu’inégalité et
servitude. Inégalité des devoirs. La loi exige de la jeune fille la
pudeur et de l’épouse la fidélité. L’homme lui ne connaît pas ses
exigences. Le romain se marie pour obtenir des héritiers. Plaire et
propager : c’est pour satisfaire à ces deux conditions que la femme à sa
place au foyer. Qui plus est, au regard des droits juridiques, l’épouse
est considérée dans la cellule familiale comme ayant les mêmes droits
que les enfants. Par ailleurs, à Rome, le divorce sous toutes ses formes
rompt à chaque instant le lien conjugal. Les légistes latins
distinguent d’ailleurs trois sortes de divorces : le divorce des gens de
bien, le divorce par lassitude et le divorce par calcul. Citons aussi
le divorce par générosité, comme celui de Caton, qui, désireux de
récompenser Hortensius, lui transféra sa femme à titre d’épouse. Voilà
le rôle avili que le mariage romain fait jouer à la femme ; mais
celle-ci subit-elle sans murmure cette dégradation de cette infamie ?
Non ; la femme trouve sa vengeance dans la loi même. Saint Jérôme
raconte qu’il a vu ensevelir une femme dont dix-sept maris avaient
accepté la main. Cette égalité que les hommes n’ont pas voulue dans la
vertu, les femmes la retrouvent dans le vice.
Soyons
juste pour les Gaulois et les Germains, la condition des femmes avant
l’établissement du christianisme est préférable au despotisme de
l’ancienne législation romaine. Ils ont pour leurs femmes une vénération
particulière ; ils écoutent volontiers leurs conseils ; enfin ils ne
supportent pas que la plus petite injure faite à l’une d’entre elles
reste sans réparation ou sans vengeance. Rien ne surprit plus les
Romains que l’austère chasteté des femmes germaines. Chez les Germains,
le mariage est soumis à des lois sévères, et la monogamie strictement
observée. La femme n’apporte pas de dot ; mais l’homme en donne une à la
femme. Ces cadeaux n’ont aucun rapport avec la toilette féminine. Race
de guerriers, les Germains donnent des armes de guerres ou des
ustensiles et des meubles domestiques. La femme de son côté offre à son
mari une pièce d’armure, témoignage de la résolution avec laquelle la
fiancée s’associe au sort incertain du guerrier. En effet, les femmes
germaines enflamment souvent le courage de leurs maris pendant le
combat, et décident plus d’une fois du sort de la bataille. Cette vie
agitée compromet-elle la sévérité des mœurs ? Non. L’adultère est rare
et la punition en est sévère, instantanée et livrée à l’arbitraire des
maris. Aussi les femmes sont-elles fort respectées par les Germains.
Chez les Cimbres, la femme est une personne, garantie contre le moindre
outrage par des pénalités sévères ; elle vit, agit et parle pour
elle-même. Elle hérite, elle possède, elle dispose de ses biens ;
parfois même elle délibère, elle combat, elle gouverne comme les plus
fiers et les plus puissants d’entre les hommes d’alors. Elle annonce la
femme du Moyen-âge
III. LA FEMME AU MOYEN-AGE
C’est
pendant la période féodale que la femme conquiert décidément la place
qui lui appartient dans la société chrétienne. « Il faut tenir compte à
la femme, dit un poète du Moyen-âge, de ce que Marie a été femme. » Eh
bien ! Là est l’explication des extraordinaires hommages que reçoit la
femme féodale. La Vierge Mère associe, pour ainsi dire, tout son sexe à
sa fortune.
Au
Moyen-âge, la femme quelle que soit sa condition sociale reçoit une
instruction religieuse, mais également scolaire. Ce qui est le plus
frappant d’ailleurs en terme d’éducation en générale à l’époque
médiéval, c’est que le seul traité d’éducation écrit très exactement
entre 841 et 843 nous vienne d’une femme laïc et mère de famille
prénommée Dhuoda. Les moniales, mais également des femmes laïcs,
apprennent aux jeunes filles à lire et à compter. Pour les plus douées,
l’apprentissage des lettres à savoir le latin et le grec est possible
et courant. Cécile, par exemple fille de Guillaume le Conquérant suit
sur les bancs de la Trinité de Caen, les leçons de grammaire d’Arnoul
Mauclerc, qui fut l’un des principaux orateurs de son temps. Que dire
également de Christine de Pisan qui a quatorze ans connaît aussi bien le
latin que les hommes d’Eglise. La poésie tient également une place
prépondérante dans la formation des jeunes femmes. Mais l’éducation des
femmes ne se limitent pas aux connaissances intellectuelles. L’éducation
des femmes, peut comprendre également le maniement des armes. Raimbeau
de Vaquerias, troubadour de la fin du XIIe siècle, surprit un jour
Béatrix, sœur du Marquis de Montferrat, jouant avec une épée que son
frère, au retour de la chasse, a laissé dans sa chambre. Quand elle se
vit seule, Béatrix ôta sa longue robe, ceignit l’épée, la tira du
fourreau, la jeta en l’air, la reprit, et espadonna de droite et de
gauche. Et ce jeu se transforme parfois en nécessité ou en volonté
propre. On peut citer l’écrivain arabe Ibn-Alatir « pendant le siège de
Saint-Jean d’Acre, en 1189, il se trouva trois femmes qui avaient
combattu à cheval, et qui furent reconnues après qu’on les eut
dépouillées de leur armure ». On évoquera enfin pour terminer les
exemples de ce registre, l’histoire des femmes de Beauvais qui
participèrent en 1472 à la défense de la ville face au Duc de Bourgogne.
Leur engagement fut si déterminant dans la bataille, que le Roi ordonna
que chaque année le 10 juillet il y ait une procession solennelle dans
laquelle les femmes auraient préséances sur les hommes.
On
le voit l’éducation des femmes ne les cantonne pas dans des rôles
préétablis, comme cela sera le cas par exemple au XIXe siècle.
A
l’époque féodale, la majorité est de douze ans pour les filles, deux
ans plus jeune que les garçons. Ce droit coutumier issu des traditions
germaniques, permet à l’enfant d’acquérir très jeune une véritable
autonomie, sans que, pour autant, la solidarité de la famille lui soit
retirée. Mais cette autonomie n’est pas une figure de style. Elle se
concrétise pour certaine par l’adoption de responsabilités qui
aujourd’hui seraient considérées comme précoce. A titre d’exemple, on
peut évoquer Pétronille de Chemillé, qui a 22 ans lorsqu’elle préside au
destinée de l’abbaye de Fontevrault, Jeanne d’Arc qui a 17 ans
lorsqu’elle délivre Orléans à la tête de son armée et Anne de Bretagne
qui a 22 ans lorsqu’elle exerce pleinement le gouvernement sur son
Duché.
L’époque
médiévale de par ses origines germaniques du moins sur le plan social
va permettre durant presque mille ans d’offrir aux femmes une place dans
la société qu’elles ne retrouveront pas.
La
place de la femme dans le mariage, est toute particulière. Vincent de
Beauvais disait de la position de la femme par rapport à l’homme : « nec
domina, nec ancilla, sed socia (ni maîtresse, ni servante, mais
compagne) » . Socia ayant le sens qui s’est conservé dans le terme
associé. Un fait illustre d’ailleurs bien cette situation, ce n’est
qu’au XVIIe siècle, que la femme prendra normalement et obligatoirement
le nom de son époux.
Sur
le plan juridique, la femme mariée demeure propriétaire de ses biens
propres ; le mari en a généralement l’administration mais il ne peut en
disposer ; les biens de sa femme sont totalement inaliénables. En
revanche, la femme mariée participe de droit à tout ce que le ménage
peut acquérir et, en cas de décès de son époux, elle a la jouissance
d’une partie des biens propres de celui-ci. La femme jusqu’à la fin du
XV e détiendra ce qu’on appelle la capacité juridique.
Sur
le plan politique, elles vont par exemple réellement exercer le pouvoir
lors des régences. Et contrairement a ce que pourrait nous laisser
croire une fausse interprétation de la Loi Salique ; dés le règne de
Childéric Ier (561-584) l’Edit de Neustrie prévoit que les filles
succèdent à défaut de fils et les sœurs à défaut de frères. D’ailleurs
dans le bailliage de Troyes en Champagne entre 1152 et 1284 sur les 279
possesseurs de fiefs, on relève entre autre 104 seigneurs, 48 dames et
10 demoiselles. Dans toutes les régions de France, c’est par centaines,
par milliers, qu’on relèverait, de même cette parité de fait existant
entre hommes et femmes dans l’administration des domaines ; par exemple,
à propos de femmes qui rendent ou reçoivent hommage étant entendu que
la cérémonie d’hommage est celle par laquelle on jure fidélité à son
seigneur. Ainsi on peut citer dans le Roussillon Isabeau de Harcourt
recevant hommage de ses vassaux. L’exercice du pouvoir ne les empêche
pas d’être pleinement femmes. Elles n’ont aucunement le souci d’imiter
ou de copier un modèle masculin. Dans leur comportement, même
lorsqu’elles agissent sur le terrain politique ou militaire, elles
restent femmes. Citons cet exemple de Blanche de Castille arrivant au
siège du château de Bellême en 1229 et constatant que l’armée est
littéralement paralysée par le froid ; elle fait aussitôt tailler du
bois et réchauffe ses gens qui retrouvent du même coup leur ardeur pour
terminer le siège. Toutefois leur féminité ne les empêche pas
d’administrer au pied levé ou par leurs fonctions propres des domaines
très vastes.
Par
ailleurs, les femmes exercent de nombreux métiers au sein de la cité,
dont on ne se doute pas forcément, tant ils sont devenus par la suite
synonyme de masculinité. Les documents d’époque nous permettent de
découvrir des haubergières qui façonnent des armures où des maréchales
qui ferrent des chevaux. En Angleterre, on observe à l’époque médiévale
que le brassage de la bière a été presque entièrement aux mains des
femmes. Enfin signalons les barbières qui en plus de s’occuper de la
barbe exerçaient également la fonction de médecins. A ce propos on sait
que Saint Louis et Marguerite de Provence emmènent à leur usage, pour la
croisade, une doctoresse nommée Hersent.
Dans
le domaine littéraire, la femme devient le centre de l’inspiration des
auteurs de l’époque médiéval. Appelé lyrique courtoise, c’est à la fin
du VIe siècle que ce manifeste cette première expression avec Fortunat
futur évêque Poitiers qui adresse à Radegonde, fondatrice du monastère
de Sainte-Croix à Poitiers, ainsi qu’à l’abbesse Agnès, des vers latins
où s’exprime déjà les sentiments qui animeront la poésie des troubadours
et des trouvères du XII e siècle. Cette inspiration provient
essentiellement d’un regard nouveau posé sur la femme à qui l’on
s’adresse désormais avec une tendresse pleine de respect.
Plus
tard dans le courant du Moyen-âge, la femme deviendra « le seigneur »
du poète, la suzeraine ; la fidélité, elle l’exigera ; elle suscitera un
amour qui commande aussi le respect. A la Dame , le poète vouera une
sorte de culte fervent, constant ; elle est sur lui toute-puissante ;
l’amour qui vit entre eux demeure comme un haut secret qu’il ne saurait
trahir.
Cette
période de notre histoire voit les femmes occuper naturellement,
pratiquement toutes les fonctions qu’une société possède. Sans être un
homme bis, dans une société reconnaissant l’inégalité naturelle(le fort
protège le faible) et ayant toute son organisation basé sur des rapports
hiérarchiques la femme trouve sa place avec une réelle harmonie. D’un
côté elle n’est pas recluse et contenue uniquement dans les tâches
domestiques, et d’un autre les fonctions de direction où à
responsabilité qu’elle exerce ne se font pas au détriment de son rôle
d’épouse et de mère. Une anecdote illustre d’ailleurs bien ce fait.
Blanche de Castille n’avait pas voulu confier à une nourrice mercenaire
le soin d’allaiter son fils. Mais un jour qu’elle souffrait d’un violent
accès de fièvre, une dame de sa suite crut devoir présenter le sein au
petit prince. La reine ne s’en aperçut pas sur-le-champ, mais quand elle
fut remise de son accès, Blanche vit avec étonnement que l’enfant
refusait de prendre le sein. Soupçonnant ce qui s’était passé, la reine
mis le doigt dans la bouche de l’enfant et lui fait rejeter le lait
qu’il a pris. « Hé quoi ! Dit-elle avec vivacité en s’apercevant de la
surprise de son entourage, prétendez-vous que je souffre qu’on m’ôte la
qualité de mère dont Dieu m’a investie ».
La
femme ne prend pas de revanche sur l’homme et l’homme n’est pas
dépossédé de sa virilité. Autre anecdote symbolique lors du procès de
Jeanne d’Arc, on ne lui reproche pas de porter les armes, mais de
s’habiller comme un homme. D’ailleurs l’Egalité homme-femme à cette
époque n’avait aucun sens et la complémentarité de l’homme et de la
femme semblait être la règle.
Malheureusement,
le retour du droit romain durant le XVI e siècle va considérablement
bouleverser cette harmonie sociale au détriment de la femme. En effet la
majorité de la femme va tout d’abord passer de 14 ans à 25 ans, puis
l’autorisation parentale pour le mariage redevient la règle alors que
l’Eglise l’avait écarté dés le VIII e siècle. En 1593 un arrêté du
parlement écarte explicitement les femmes de toute fonction dans l’Etat.
Au temps classique, elle est reléguée au second plan ; elle n’exerce
plus d’influence que clandestinement. Elle est même tenue, et cela
surtout dans les pays latins, pour incapable de régner, de succéder et
finalement, selon le Code Napoléon d’exercer un droit quelconque sur ces
biens personnels ; et d’aboutir finalement au XIX e siècle à la
disparition totale du rôle de la femme, en France surtout. A quelle
autre époque que celui du Moyen-âge Sainte Jeanne d’Arc aurait pu
obtenir l’audience et susciter la confiance qu’en fin de compte elle
obtint ; si ce n’est par le biais de la foi qui était vécue et par la
place que pouvait occuper une femme à cette époque.
Edouard Bodin http://chretiendanslacite.hautetfort.com
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