Frédéric
Le Play est né le 11 avril 1806 à La Rivière, petit village de la
région, d'Honfleur. Il est issu d'une famille modeste. Reçu major à
l'École Polytechnique en 1825, il devient ingénieur du corps des Mines
et va se prendre de passion pour le monde ouvrier, influencé par les
idées saint-simoniennes. Il voyagera partout en Europe, à pied le plus
souvent, pour étudier les conditions de vie des ouvriers, en particulier
des mineurs, en ce début de Révolution industrielle. Il va inaugurer sa
méthode d'observation, qui consiste à étudier les mœurs et les
institutions, se posant ainsi en précurseur majeur de la sociologie. Le
Play n'était pas seulement un théoricien : c'était aussi un ingénieur
pratiquant, un administrateur remarquable, poussant l'organisation
jusqu'au génie, et de plus, doté d'un grand ascendant sur les hommes. Le
prince russe Demidoff, qui l'avait vu à l'œuvre, lui confia, en 1844,
la réorganisation de ses mines et établissements métallurgiques dans
l'Oural. Il dirigea jusqu'à 45 000 ouvriers et développa ainsi, dans des
proportions inattendues, d'immenses richesses industrielles. Chargé à
la dernière heure de réorganiser l'Exposition universelle de 1867, à
Paris, il fit preuve de qualités exceptionnelles qui suscitèrent
l'admiration. Il avait publié en 1854 Les ouvriers européens, puis en 1864 La réforme sociale en France et résumera ses idées, en 1870, à la demande de l'Empereur, dans un ouvrage intitulé L'organisation du travail.
Quelles.sont ses idées ? Le Play se réclame notamment du positivisme d'Auguste Comte, mais avec une approche plus interventionniste et réformiste. « La constitution essentielle de l'humanité » est « l'ensemble des coutumes qui, depuis les premiers âges, règlent les idées, les mœurs et les institutions des peuples prospères ». Deux conditions sont nécessaires et indispensables à toute vie en société : un minimum de bien-être matériel et l'enseignement de la morale. La loi morale se réduit aux principes du Décalogue. Les peuples heureux se reconnaissent à ce que les forces de police y sont réduites à leur plus simple expression et que les tribunaux n'interviennent qu'exceptionnellement. Il faut que la morale soit respectée pour qu'il existe un minimum de confort matériel. Mais les peuples qui ont atteint cet équilibre ne le conservent pas indéfiniment.
Certaines raisons sont propres à l'époque moderne. Sous l'effet conjugué du développement de l'industrialisation et des transports (les chemins de fer), les populations quittent leur milieu d'origine, attirées par une vie plus facile. Elles abandonnent morale, coutumes, traditions et sont bien vite plongées dans le malheur. Le Play considère que la famille, qui forme « la véritable molécule sociale », est le fondement de la société. Elle n'est pas un groupement artificiel ou éphémère : pendant que tout passe, elle demeure ; elle fait une chaîne indéfinie, qui relie les générations. En prolongeant, en perpétuant l'individu, elle est, suivant l'expression de Taine, « le seul remède à la mort. » Il préconise que les entreprises soient organisées sur le modèle familial et patriarcal et fixe à l'État la mission de préserver ce modèle. Cette idée sera reprise par la droite sociale, notamment l'Action française, et on en retrouvera l'inspiration dans le corporatisme de l'Italie de Mussolini. Il fut très apprécié de Napoléon III qui aurait dit de lui ce que Louis XVI disait de Turgot : « Il n'y a que vous et moi qui aimions le peuple. » Il rappelle aux détenteurs de la richesse sous toutes ses formes, et surtout aux propriétaires ruraux, qu'ils sont investis d'une fonction sociale ; que si elle leur confère des droits, elle leur impose aussi des devoirs. Le Play est partisan de la liberté. Il affirme que l'Etat n'a le droit d'intervenir que pour suppléer à l'impuissance ou à l'abstention de l'initiative privée ; qu'il doit s'efforcer de provoquer, de fortifier cette initiative de manière à se rendre inutile et à s'effacer. Il plaide pour une société démocratique, un régime parlementaire et une économie libre-échangiste ouverte sur le monde. Quant à la relation entre le patron et l'ouvrier, qui résultait autrefois de la contrainte, il souhaite voir émerger un libre accord des parties, à leur satisfaction réciproque. II estime que les conflits sociaux sont dus aux malentendus idéologiques résultant de la Révolution française et condamne les « faux dogmes » de 1789 et des "Lumières" sur la bonté originelle de l'homme et l'égalité naturelle. Mais, pour lui, l'harmonie sociale ne saurait être rétablie par l'action de l'État et la Révolution sociale.
Frédéric Le Play ne désespéra jamais, même quand les désastres se furent abattus sur le pays. Il rappelait que « Dieu avait fait les nations guérissables » et écrivait à un ami : « Quand la France devrait se réduire au royaume de Bourges, il faudrait plus que jamais travailler à la réforme et préparer son avenir. » Il meurt à Paris, le 13 mai 1882.
R.S. Rivarol du 6 avril 2012
Quelles.sont ses idées ? Le Play se réclame notamment du positivisme d'Auguste Comte, mais avec une approche plus interventionniste et réformiste. « La constitution essentielle de l'humanité » est « l'ensemble des coutumes qui, depuis les premiers âges, règlent les idées, les mœurs et les institutions des peuples prospères ». Deux conditions sont nécessaires et indispensables à toute vie en société : un minimum de bien-être matériel et l'enseignement de la morale. La loi morale se réduit aux principes du Décalogue. Les peuples heureux se reconnaissent à ce que les forces de police y sont réduites à leur plus simple expression et que les tribunaux n'interviennent qu'exceptionnellement. Il faut que la morale soit respectée pour qu'il existe un minimum de confort matériel. Mais les peuples qui ont atteint cet équilibre ne le conservent pas indéfiniment.
Certaines raisons sont propres à l'époque moderne. Sous l'effet conjugué du développement de l'industrialisation et des transports (les chemins de fer), les populations quittent leur milieu d'origine, attirées par une vie plus facile. Elles abandonnent morale, coutumes, traditions et sont bien vite plongées dans le malheur. Le Play considère que la famille, qui forme « la véritable molécule sociale », est le fondement de la société. Elle n'est pas un groupement artificiel ou éphémère : pendant que tout passe, elle demeure ; elle fait une chaîne indéfinie, qui relie les générations. En prolongeant, en perpétuant l'individu, elle est, suivant l'expression de Taine, « le seul remède à la mort. » Il préconise que les entreprises soient organisées sur le modèle familial et patriarcal et fixe à l'État la mission de préserver ce modèle. Cette idée sera reprise par la droite sociale, notamment l'Action française, et on en retrouvera l'inspiration dans le corporatisme de l'Italie de Mussolini. Il fut très apprécié de Napoléon III qui aurait dit de lui ce que Louis XVI disait de Turgot : « Il n'y a que vous et moi qui aimions le peuple. » Il rappelle aux détenteurs de la richesse sous toutes ses formes, et surtout aux propriétaires ruraux, qu'ils sont investis d'une fonction sociale ; que si elle leur confère des droits, elle leur impose aussi des devoirs. Le Play est partisan de la liberté. Il affirme que l'Etat n'a le droit d'intervenir que pour suppléer à l'impuissance ou à l'abstention de l'initiative privée ; qu'il doit s'efforcer de provoquer, de fortifier cette initiative de manière à se rendre inutile et à s'effacer. Il plaide pour une société démocratique, un régime parlementaire et une économie libre-échangiste ouverte sur le monde. Quant à la relation entre le patron et l'ouvrier, qui résultait autrefois de la contrainte, il souhaite voir émerger un libre accord des parties, à leur satisfaction réciproque. II estime que les conflits sociaux sont dus aux malentendus idéologiques résultant de la Révolution française et condamne les « faux dogmes » de 1789 et des "Lumières" sur la bonté originelle de l'homme et l'égalité naturelle. Mais, pour lui, l'harmonie sociale ne saurait être rétablie par l'action de l'État et la Révolution sociale.
Frédéric Le Play ne désespéra jamais, même quand les désastres se furent abattus sur le pays. Il rappelait que « Dieu avait fait les nations guérissables » et écrivait à un ami : « Quand la France devrait se réduire au royaume de Bourges, il faudrait plus que jamais travailler à la réforme et préparer son avenir. » Il meurt à Paris, le 13 mai 1882.
R.S. Rivarol du 6 avril 2012
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