Faisant
un récapitulatif des révolutionnaires évoqués jusqu’à présent, je
m’aperçois que sur une petite trentaine de noms, n’apparaissent que …
deux femmes : l’espionne Zarubina et la communiste roumaine Ana Pauker.
Serait-ce que les femmes n’avaient pas, elles aussi, l’ardent désir de
participer activement à l’avènement du grand soir ? Ce serait bien mal
les juger. Aussi, nous allons en évoquer quelques-unes, afin de vous
prouver que leur soif de renverser l’ordre établi ne le cédait en rien à
celle de leurs compagnons.
J’en
profite pour indiquer – mais vous l’aurez remarqué – que je choisis mes
« victimes » au gré de l’inspiration. Faire un plan établi, les
enfermer trop rigidement dans des catégories fixes m’ennuie, finalement.
Je trouve que c’est plus intéressant de circuler à travers les secteurs
d’activités, voire les pays. De toute façon, ils n’échapperont pas …
ROSA LUXEMBURG, dite ROSA LA ROUGE
Si
quelqu’un a eu véritablement la fibre révolutionnaire, c’est bien elle.
Qui l’a poussée à ne jamais transiger avec ses convictions et à ne pas
ménager ses critiques à l’égard de ses collègues révolutionnaires, quels
qu’ils soient. S’inquiétant du chemin suivi par les bolcheviques, elle
écrira notamment ceci peu de temps après la révolution d’Octobre : "La
liberté seulement pour les partisans du gouvernement, pour les membres
d'un parti, aussi nombreux soient-ils, ce n'est pas la liberté. La liberté, c'est toujours la liberté de celui qui pense autrement." [...] "La
tâche historique qui incombe au prolétariat, une fois au pouvoir, c'est
de créer, à la place de la démocratie bourgeoise, la démocratie
socialiste, et non pas de supprimer toute démocratie." Allez, pour avoir écrit – et pensé – cela, il lui sera beaucoup pardonné.
Elle
naît en 1870 ou 1871 dans une famille de commerçants juifs polonais et
n’a pas dix-huit ans qu’elle est déjà obligée de fuir en Suisse en
raison de ses activités politiques. Elle s’est en effet engagée au parti
socialiste révolutionnaire polonais Proletaryat où elle manifeste un activisme débordant.
Installée
à Zurich, elle reprend des études d’économie politique et s’engage dans
diverses activités annexes, comme le lancement d’un journal, La cause ouvrière, en 1893, ou encore celui d’un parti, le SDKP – parti social-démocrate du Royaume de Pologne – en 1894, avec Leo Jogiches, qui restera un compagnon de toute sa vie.
En
1898, elle contracte un mariage blanc avec Gustav Lübeck afin de
devenir citoyenne allemande et milite avec ardeur dans les rangs du SPD
(parti social-démocrate). Dès cette période, elle s’illustre par des
débats théoriques très poussés avec les différentes factions, branches,
mouvements existant au sein du marxisme. Je me garderai bien d’entrer
dans les détails, il y faudrait plus qu’un article. Mais vous l’aurez
compris, c’est une théoricienne brillante et passionnée, bien que
souvent moquée par ses distingués confrères qui lui reprochent, étant
femme, de se mêler de débats hors de sa (faible) portée.
Ce
qui ne l’empêche nullement de poursuivre avec opiniâtreté sa route.
Pour gagner sa vie, elle est journaliste, traductrice, car elle parle
polonais, russe, allemand, français et yiddish, voire enseignante à
l’école des cadres du SPD.
Eclate
la révolution de 1905 en Russie. Rosa Luxemburg se précipite en Pologne
où elle espère l’embrasement. Mais, fausse alerte, le soufflé retombe
et elle est arrêtée. Elle manquera de peu d’être exécutée. Cette fois,
elle sera simplement assignée à résidence en Finlande.
Elle
n’y reste pas longtemps puisqu’on la retrouve en Allemagne en 1906. A
partir de cette date et jusqu’à la guerre de 1914, elle va traverser une
sorte de désert où elle se trouve marginalisée dans son propre parti
qui est contaminé – de son point de vue – par le nationalisme et le
militarisme ambiants et qui finira par voter les crédits de guerre en
1914.
Pacifiste, elle va s’opposer avec Karl Liebknecht
à ce qu’elle considère comme une dérive. Elle appelle au refus d’obéir
aux ordres de conscription, ce qui lui vaudra d’être emprisonnée. Exclue
du SPD, elle crée le 1er janvier 1916 la Ligue Spartacus avec Liebknecht, Clara Zetkin et Franz Mehring. Elle est à nouveau emprisonnée peu après.
En
novembre 1918, c’est la révolution en Allemagne. Rosa Luxemburg est
libérée et en profite immédiatement pour réorganiser la Ligue Spartacus,
qui deviendra plus tard le parti communiste allemand. Elle en rédige le
programme, en définit la stratégie et en anime le journal, Die Rote Fahne (Le Drapeau Rouge).
Entre-temps
s’est bien sûr produite la révolution de 1917, dont elle ne tarde pas à
dénoncer la dérive totalitaire, notamment dans un ouvrage publié en
1918, La révolution russe. Mais elle ne saura
jamais à quel point elle avait eu raison – sur ce point. L’insurrection
spartakiste est déclenchée le 5 janvier 1919 à Berlin. Elle échoue et
est réprimée dans le sang par les sociaux-démocrates au pouvoir, ses
anciens compagnons, qui se débarrasseront à cette occasion de cette aile
gauche encombrante. Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont tous les
deux arrêtés et assassinés le 15 janvier 1919.
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