Le
quinquennat s'était ouvert en 2007 par la célébration de Guy Môquet. Il
se referme sur la tombe de Raymond Aubrac. Le premier épisode avait
semblé singulier, la dernière séquence dérange par son unanimité.
Celle-ci relève de l'ignorance généralisée.
Personne
n'ose, en effet, tenir compte du diagnostic rappelé par le plus
indiscutable spécialiste du sujet, Stéphane Courtois. Maître d'œuvre du
Livre noir du communisme, celui-ci répond à la question :"Qui était vraiment Raymond Aubrac ?
— Un agent soviétique, mais pas au sens où il aurait travaillé pour les services d'espionnage de l'Union soviétique. Il était plutôt un membre important du réseau communiste international, un sous-marin communiste si l'on veut ; en tout cas, beaucoup plus qu'un agent d'influence. Un homme comme lui avait évidemment un correspondant à Moscou." (1)⇓
— Un agent soviétique, mais pas au sens où il aurait travaillé pour les services d'espionnage de l'Union soviétique. Il était plutôt un membre important du réseau communiste international, un sous-marin communiste si l'on veut ; en tout cas, beaucoup plus qu'un agent d'influence. Un homme comme lui avait évidemment un correspondant à Moscou." (1)⇓
Ceux
qui le présentent comme un héros de la résistance devraient à leur tour
nous révéler enfin à partir de quelle date Lucie et Raymond Aubrac
agissent réellement en tant que "résistants" à l'occupant lui-même.
En fait pendant toute la période de l'alliance entre Staline et Hitler (2)⇓,
entre août 1939 et juin 1941, on ne trouve, dans leur biographie,
aucune trace de "résistance" au sens habituel de mot : lutte effective
contre l'occupation étrangère. Certes, de nos jours, une certaine
littérature déforme ce mot et récupère les luttes patriotiques du passé.
Le
14 février 2012, par exemple le vieux "stal" Aubrac s'exprimait encore
aux côtés de Stéphane Hessel, qu'on retrouve dans tous les bons coups
lui aussi, au nom d'une association intitulée "Citoyens résistants d'hier et d'aujourd'hui". Mais à quel envahisseur ces gens résistent-ils aujourd'hui ?
À
propos de Lucie, on lira dans les lieux communs de la bien pensance,
des indications vagues et ambiguës, par exemple que l'intéressée aurait
sympathisé avec le parti entre 1934 et 1940, qu'elle aurait été "en contact avec Georges Marrane son représentant en zone sud en 1940", rien de bien marquant d'ailleurs avant l'été 1941, où le PC se déguise en force patriotique.
Dans un autre article le même Stéphane Courtois précise au contraire que "Lucie a été dès le début des années 1930 une fervente communiste, fréquentant le restaurant de la Famille nouvelle
– quartier général de Maurice Tréand, le responsable aux cadres du PCF –
et a même été pressentie pour suivre à Moscou l’École léniniste
internationale, école de formation de l’Internationale communiste." (3)⇓
Et l'historien rappelle quelques jalons sur la suite de la route suivie imperturbablement par Raymond au sein de l'appareil : "en
1946, il a, sur ordre de Jean Jérôme et de Jacques Duclos – hommes de
confiance du PC d’Union soviétique – logé, lors de son séjour en France,
le chef du PC indochinois, Ho Chi Minh, cadre important du communisme
international."
Puis "en
1948 l’un des cofondateurs des Combattants de la liberté, à l’origine
du Mouvement de la Paix, vaste opération destinée par Moscou à désigner
le camp communiste comme celui de la paix et les États-Unis comme les
fauteurs de guerre."
Par la suite, "de
1948 à 1958, il a été le fondateur et le dirigeant du BERIM, société
contrôlée par Jean Jérôme et Charles Hilsum – le directeur de la BCEN,
la banque représentant les intérêts soviétiques en France – et faisant
du commerce avec les régimes communistes d’Europe de l’Est puis de
Chine, et, au passage, de pompe à finance pour le PCF."
Moins
prisonnier des cache-sexe et de la langue de bois que ne se montrent
nos politiciens, le comédien Daniel Auteuil, avait joué son rôle à
l'écran. Tout en demeurant admiratif, soulignant aussi le côté
indissociable de ce couple, il rompait le 12 avril avec l'unanimité
factice et conformiste. À la question d'Yves Calvi : "était-ce un ange Raymond Aubrac ?" il reconnaît en effet "qu'au moment de l'épuration à Marseille il n'y va pas avec dos de la cuiller". (4)⇓
En 1997, une polémique et un procès furent déclenchés autour du livre pourtant fort intéressant publié par Gérard Chauvy (5)⇓.
Malheureusement l'auteur y répugne à se démarquer d'une accusation de
trahison reposant sur un écrit posthume de Klaus Barbie et sur les
manœuvres provocatrices de son avocat Me Jacques Vergès. Tout en
flétrissant cette thèse, une sorte de jury d'honneur fut réuni en
mai 1997 dans les locaux de Libération. Composé d'amis et de compagnons
des deux héros, cet aréopage en arrive à souligner le malaise qui
résulte d'autres documents établissant les contradictions des récits
successifs du couple Aubrac. Dès lors, le débat tourne court.
Nous référant toujours à Stéphane Courtois, nous retiendrons, de son très important article de Causeur, le passage suivant : "dans
sa biographie de 2011, Raymond reconnaît qu’il a été libéré parce que
son arrestation avait mis la police de Vichy sur la piste de généraux
membres de l’ORA Organisation de résistance de l’armée, ce qui aurait beaucoup gêné le gouvernement de Vichy si les Allemands l’avaient appris. Du
coup, la version de Lucie et de ses messages envoyés par Radio Londres –
radicalement contestée au procès Chauvy par le vice-président des
médaillés de la Résistance – tombe à l’eau. Néanmoins, un aussi gros
mensonge, répété aussi longtemps et avec autant d’assurance – jusque
devant le tribunal – par les Aubrac jette un doute sérieux sur le reste
de leur récit"...
On
confond aujourd'hui "résistant" et "opposant au gouvernement du
maréchal Pétain". Source de contresens et de mensonges éhontés.
Quant
à moi, je ne pense pas en effet que le couple Aubrac ait jamais "trahi"
la cause qu'ils ont, en vérité, toujours servie : pas celle de la
France, mais celle du communisme international, dont les braises couvent
aujourd'hui encore sous la cendre, mais celle de Staline jusqu'à la
mort de celui-ci en 1953, mais celle de l'URSS, jusqu'à son effondrement
en 1991.
En 2011, âgé de 96 ans le camarade Aubrac pouvait encore répondre à la question :"Le marxisme vous aide-t-il encore à penser le monde ?
— Le marxisme en général, non. Mais certains points du marxisme, oui. Je pense au partage de la plus-value résultant de la production des biens et des services.
La question de la répartition des profits entre les salaires des
travailleurs, les investissements des entreprises et les dividendes des
actionnaires n'a rien perdu de son actualité et, sur ce point, les
analyses marxistes me semblent toujours pertinentes." (6)⇓
Cet
homme était donc resté jusqu'au bout un disciple du noyau dur de la
pensée de Marx mise aux normes par Engels. Certes, ceci fait partie de
sa liberté d'opinions, même fausses.
Mais
quant à l'exercice de celle-ci on aimerait en savoir plus sur le regard
qu'il porte sur le stalinisme. Manifestement cet incident de parcours
de la doctrine ne semble pas avoir sollicité l'attention du couple. Les
mots goulag, KGB, piolets, etc. ne sont pas entrés négativement dans
leurs vocabulaires. Et contrairement à Mélenchon ils n'ont jamais pu ni
cherché à se prévaloir de l'alibi d'avoir, il y aurait plus de 30 ans,
flirté avec le trotskisme. Cette dernière tare a toujours été très mal
vue à la Loubianka. Elle a failli empêcher le Frère Numéro Un de
l'actuel "front de gauche" de porter au scrutin présidentiel les
couleurs du PCF.
Au
contraire, avec Raymond Aubrac aucune hésitation de cette nature de la
part du chef du parti communiste. Le camarade Pierre Laurent déclare
sans ambages, rompant le secret désormais éventé, dès le 11 avril : "Nous pleurons l’un des nôtres." (7)⇓
Une telle persévérance mérite sans doute une sorte d'hommage, à leur manière, de la part des tenants du drapeau rouge.
Il
paraît difficile d'admettre, en revanche, qu'on puisse la célébrer avec
tant de faste, et d'unanimité républicaine, dans la cour des Invalides,
sous les plis du drapeau d'Austerlitz et de Verdun.
JG Malliarakis http://www.insolent.fr/
Apostilles
- cf. chronique "Secret Défense" de Jean-Dominique Merchet le 11 avril.⇑
- cf. "L'Alliance Staline Hitler".⇑
- cf. son texte "Aubrac, côté ombre…" sur le site Causeur, le 14 avril.⇑
- cf. entretien sur RTL le 12 avril à 8h15. ⇑
- cf. son texte "Aubrac, côté ombre…" sur le site Causeur le 14 avril.⇑
- cf. Le Monde du 5 mars 2011⇑
- cf. L'Humanité du 12 avril 2012. ⇑
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