lundi 19 mars 2012

21 janvier 1793, l'assassinat du roi

« Le jour où la France a coupé la tête de son roi, elle a commis un suicide ». Ernest Renan.
« Il y avait dans ses regards et dans ses manières quelque chose de véritablement surnaturel à l'homme. » C'est en ces termes qu'Hébert, substitut du procureur de la Commune insurrectionnelle, décrit l'attitude de Louis XVI, le 20 janvier 1793 au Temple, alors qu'on lui lit les décrets de la Convention nationale prévoyant qu'il « subira la peine de mort » sous vingt-quatre heures. Le roi remet alors au ministre de la Justice, Garât, une lettre adressée à la Convention, par laquelle il confie à l'Assemblée le sort de sa famille, recommande « à la bienfaisance de la nation » les personnes qui lui étaient attachées, requiert un délai de trois jours pour se préparer « à paraître devant la présence de Dieu » et réclame l'assistance d'un prêtre insermenté, l'abbé Edgeworth de Firmont. À six heures de l'après-midi, le Conseil exécutif lui apporte les réponses de la Convention nationale : le sursis est refusé, mais Louis sera libre « d'appeler tel ministre du culte qu'il jugera à propos et de voir sa famille librement et sans témoin ». En outre, « la Nation, toujours grande et juste, s'occupera du sort de sa famille. » On sait ce qu'il en sera...
Louis ayant demandé à voir les siens, paraissent Marie-Antoinette, les enfants royaux - le Dauphin et Madame Royale - et Madame Elisabeth, sœur du roi. Leur ultime rencontre se déroule dans la salle à manger, les municipaux observant la scène à travers la porte vitrée. « Il fut impossible de rien entendre, a raconté Cléry, valet de chambre de Louis XVI ; on voyait seulement qu'après chaque phrase du Roi, les sanglots des princesses redoublaient et qu'ensuite le Roi recommençait de parler. » Selon l'abbé de Firmont, arrivé auparavant, Louis fait alors jurer au Dauphin de ne jamais chercher à le venger. L'entretien prend fin à dix heures et quart. Tandis que Madame Royale s'évanouit, que le Dauphin supplie les municipaux de le laisser parler « aux messieurs des sections de Paris pour obtenir que son papa ne meure pas », le roi embrasse les siens, promet à la reine qu'il ira leur dire un dernier adieu le lendemain avant son départ. Il s'enferme ensuite avec son confesseur jusqu'à minuit et demi, puis se couche et s'endort du sommeil du juste.
21 janvier 1793. Réveillé à cinq heures du matin, le roi, après s'être de nouveau entretenu
avec l'abbé de Firmont, entend la messe à genoux et communie. À huit heures et demi, Santerre, commandant général de la Garde nationale vient chercher le condamné, qui quitte le donjon du Temple - sans avoir revu les siens - et monte avec l'abbé de Firmont et deux gendarmes dans la voiture qui va le conduire à l'échafaud.
« Peuple, je meurs innocent »
Le temps est brumeux, les boutiques sont fermées et de nombreux Parisiens cloîtrés chez eux. Les autorités révolutionnaires se méfient de possibles réactions populaires : la veille, au Palais-Royal, un ancien membre de la garde constitutionnelle du roi a assassiné le député régicide Le Peletier de Saint-Fargeau. On a découvert une conspiration pour délivrer Louis sur le trajet qui doit le mener à la guillotine. 20 000 hommes sont , sous les armes - ce qui permet de les surveiller ; comme l'a écrit l'historien Albert Soboul, « Bien des Parisiens hostiles à la mort du Roi furent ainsi obligés de monter la garde... » (1).
Deux haies de sectionnaires ont été postées tout au long du parcours où s'avance la voiture, précédée de gendarmes montés, puis de grenadiers de la garde nationale, de canons, de tambours battant. Passée la porte Saint-Denis, un homme surgit pourtant sur la chaussée en criant : « À nous ceux qui veulent sauver le roi ! » C'est le baron de Balz, apparenté au célèbre d'Artagnan. Pour tenter d'enlever Louis XVI, il a réuni environ 500 personnes. Il ignore encore que les conspirateurs ont été infiltrés et dénoncés : ils ne sont finalement que quatre à se jeter sabre au clair devant la voiture. Une troupe arrive. Batz et l'un de ses compagnons parviennent à fuir, les deux autres sont massacrés.
Louis XVI ne s'est aperçu de rien et continue à lire les prières des agonisants jusqu'à la place de la Révolution : « Nous voilà arrivés, si je ne me trompe », dit-il calmement. Descendu de voiture, il repousse les aides du bourreau qui s'approchent, ôte lui-même son habit et dégrafe le col de sa chemise. Comme les commis de guillotine veulent lui lier les mains, il se rebiffe : « Eh quoi ! Vous oseriez porter la main sur moi ? » Le bourreau, Sanson, supplie l'abbé de Firmont d'intervenir (2). « Sire, dit le prêtre, résignez-vous à ce dernier sacrifice par lequel vous ressemblerez davantage au Dieu qui va vous en récompenser. » Le roi se laisse alors faire, monte l'escalier de l'échafaud accompagné par son confesseur. Parvenu sur la plate-forme, il la traverse d'un pas assuré, fait signe aux tambours qui s'arrêtent de battre, et lance d'une voix forte : « Peuple, je meurs innocent de tous les crimes qu'on m'impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort, et je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France... » Sur un ordre - du général Berruyer semble-t-il - les tambours se remettent à battre. L'abbé de Firmont prononce alors la fameuse exhortation : « Fils de saint Louis, montez au ciel » ? Sanson l'affirme. Les aides du bourreau saisissent le roi, la lunette tombe sur sa nuque, sans doute mal ajustée puisque Louis pousse alors un « cri affreux » et que le couperet, en tombant, tranche la mâchoire.
Il est 10h22. Au Temple, on entend tirer le canon et sous les fenêtres des soldats crient « Vive la République ». Marie-Antoinette s'effondre en pleurant sur un lit, Madame Royale se met à crier, le Dauphin fond en larmes.
La reine alors se relève et s'agenouille devant son fils. Le roi est mort, vive le roi.    
Hervé Bizien monde & vie  21 janvier 2012
( 1 ) Cité in Jean-François Chiappe, Louis XVI, éd. Perrin.
(2) La Révolution française vu par son bourreau, Charles-Henri Sanson, éd. Griffures.

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