Le
15 mars 493, le chef ostrogoth Théodoric invite son ennemi Odoacre à un
banquet de réconciliation et saisit l'occasion pour l'égorger de sa
main.
Il
devient dès lors le seul maître de l'Italie et va tenter de restaurer
Rome dans son antique splendeur, tâche au demeurant impossible même pour
un Barbare de sa trempe. Il nous reste de son action quelques beaux
monuments et le souvenir d'une personnalité fascinante.
Barbare contre Barbare
Malgré
la manière peu courtoise dont il s'est défait de son ennemi, Théodoric
(40 ans) n'est pas précisément une brute épaisse. Il appartient à la
lignée royale des Ostrogoths et, comme les autres Ostrogoths de son
temps, confesse la foi chrétienne, version arienne (une hérésie qui s'oppose au catholicisme romain).
Fils
du roi Théodomir, il est envoyé à l'âge de sept ans comme otage à la
cour de Constantinople. Il y est initié à la culture gréco-latine et les
services rendus à l'empereur Zénon lui valent de recevoir les titres de
patrice, maître de la milice et consul.
On est en 476 et Odoacre, chef de la tribu des Hérules, dépose le dernier empereur romain d'Occident
et s'empare de l'Italie et des rives de l'Adriatique, jusqu'à menacer
l'empire romain d'Orient. L'empereur Zénon, inquiet pour sa sécurité,
confie à Théodoric la mission d'abattre Odoacre. Le roi ostrogoth va
réussir au-delà de toute espérance, jusqu'à rester dans l'Histoire sous
le nom de Théodoric le Grand.
Il
envahit l'Italie à la tête de ses Ostrogoths à l'été 489. Il inflige
des défaites aux Hérules d'Odoacre sur l'Isonzo le 28 août 489 puis
devant Vérone le 30 septembre 489. Mais Odoacre se ressaisit et en
désespoir de cause s'enferme dans sa capitale, Ravenne. S'ensuit un long
siège de trois ans. Odoacre capitule enfin le 26 février 493. Il reçoit
alors le carton d'invitation pour le banquet qui lui coûtera la vie
ainsi qu'à ses officiers...
Vers un ordre nouveau
Le
vainqueur s'installe à son tour à Ravenne, la ville ayant remplacé Rome
comme capitale de l'Occident romain. Il constitue une cour brillante et
tente la synthèse des Goths et des Romains.
Lui-même s'arroge les titres d'Auguste et de triumphator et porte la pourpre, couleur royale par excellence.
Théodoric
rétablit les anciens cadres administratifs de Rome, y compris le Sénat,
évocateur d'un passé prestigieux. Il s'entoure aussi des meilleurs
représentants de la culture latine, tels que le préfet Cassiodore,
l'orateur païen Symmaque et le poète Boèce.
Mais il maintient par ailleurs une société dualiste, partagée entre Barbares, aussi appelés chevelus ou «capillati», et Romains, avec interdiction de mariages mixtes («connubium»).
Le plus grave sont les divergences religieuses entre les premiers, de
confession arienne, et les seconds, majoritairement catholiques, qui
interdisent toute fusion des deux cultures.
Théodoric,
qui voit grand, entreprend d'importants travaux d'urbanisme dans la
tradition des anciens empereurs. Il restaure les aqueducs et les routes,
élève de nouvelles églises à Ravenne comme Saint-Apollinaire le Neuf et
son propre tombeau, assèche les marais Pontins etc.
Fin
politique, le roi noue des alliances matrimoniales avec les autres rois
barbares d'Occident : Alaric II le Wisigoth, Gondebaud le Burgonde,
Thrasamund le Vandale, Herminafred le Thuringien (cette politique
d'alliance est une préfiguration de l'ordre féodal qui s'imposera cinq
siècles plus tard). N'ayant pas réussi à coaliser ses voisins et parents
contre le roi des Francs Clovis, il se résout à épouser sa soeur, bien que celui-ci, de païen, soit devenu catholique et non arien comme les autres Germains.
Échec de la fusion entre Romains et Goths
En
524, comme l'empereur de Constantinople engage en Orient une campagne
de persécution des ariens, Théodoric craint une rébellion de ses sujets
catholiques. Il fait exécuter le malheureux Boèce sous le prétexte d'un
complot et jeter le pape Jean 1er en prison. Il meurt sur ces
entrefaites le 30 août 526, plus malchanceux que son rival Clovis, dont
la dynastie allait se perpétuer pendant de nombreux siècles. Une
décennie plus tard, l'empereur Justinien
allait entreprendre la reconquête de l'Italie, dévastant la péninsule
et ruinant l'oeuvre de reconstruction de Théodoric le Grand.
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