Le 11 novembre 1918, à 11 heures, clairons sonnent le Cessez-le-feu. Ainsi s'achève la Grande Guerre.
« 10 h 45. Une salve de 150 s'abat sur Dom-le-Mesnil. 10 h 57. Les mitrailleuses tirent des deux côtés. 11 heures. Là-bas, au bout de la passerelle, un clairon invisible a sonné. Cessez le feu !
Levez-vous ! Au drapeau ! Et, soudain, de la terre de France, des corps invisibles qui se sont blottis dans son sein pour échapper à la mort, monte une vibrante Marseillaise, saluée en face par les cris des Allemands qui sortent de leurs abris et agitent leurs armes. C'était la fin. »
Cette évocation des derniers combats livrés le 11 novembre 1918, devant Dom-le-Mesnil, par les poilus des 415e et 142e régiments d'infanterie contre les Maikâfer de la Garde prussienne, est extraite d'un livre(1) publié en 1932 par le général Maxime Weygand, l'un des négociateurs de l'armistice.
Cet armistice, les Allemands l'ont demandé, dès le 6 octobre, au Président américain Woodrow wilson, ouvrant des négociations au bout lesquelles les plénipotentiaires allemands - le sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Mathias Erzberger, le comte Oberndorff, le général von Winterfeldt et le capitaine de vaisseau Vanselow - se présentent, le 7 novembre, par la route de Haudroy, aux avant-postes français.
Ils y arrivent à 20h20, avec plusieurs heures de retard sur l'horaire prévu, en raison du mauvais état des routes, encombrées par les troupes qui refluent et coupées par des centaines d'arbres que leurs propres troupes ont abattus pour couvrir leur retraite.
À Spa, les voitures officielles ont même été accidentées : la voiture de tête est rentrée dans un mur et la suivante l'a percutée, sans toutefois faire de blessés.
Un clairon français sonnant le Cessez-le-feu, debout sur le marchepied de la voiture de tête, un officier français, le capitaine Lhuillier, accompagne les parlementaires allemands jusqu'à La Capelle, où les attend le commandant de Bourbon-Busset, chef du 2e bureau de la 1ere Armée, qui les conduira jusqu'au maréchal Foch, commandant en chef des armées alliées.
Dans la nuit du 7 au 8 novembre, ils gagnent en voiture, puis en train, une clairière des bois de Rethondes, près de Compiègne (ils ne connaîtront pas leur destination). C'est là qu'à neuf heures du matin, ils rencontrent, dans un autre train, le maréchal Foch, le général Weygand et, du côté britannique, l'amiral Sir Rosslyn Wemyss et le contre-amiral Hope. Les plénipotentiaires des deux camps s'installent dans « un wagon-restaurant dont les deux salles ont été réunies en une seule, une large table en occupe le centre », où l'État-Major à coutume de travailler, relate Weygand.
Foch est confiant. « Les clauses militaires de la convention qu'il a mission d'imposer ont été, dans l'ensemble, établies par lui. Il sait que, si l'ennemi les accepte, leur application donnera aux Gouvernements alliés le pouvoir de conclure la paix qu'ils voudront, ou de reprendre, en cas de nécessité, les hostilités dans des conditions, militaires extraordinairement améliorées par la possession de têtes de ponts sur le Rhin. Si l'ennemi refuse de signer, dans six jours une puissante offensive sera déchaînée sur le front de Lorraine où il n'est plus en état d'amener des forces à la rescousse ; une nouvelle et importante victoire est certaine. »
Le plus haut degré de pathétique
L'Allemagne, en effet, est à bout : les mutineries, commencées au port de Kiel, s'étendent, des troubles ont lieu à Berlin, des Conseils d'ouvriers et de soldats se forment dans l'armée, on réclame l'abdication du Kaiser Guillaume II. Sur le front, les régiments poursuivent la lutte avec des effectifs dérisoires.
Les clauses principales de l'armistice sont lues aux Allemands. Le capitaine von Helldoff, qui accompagne leur délégation comme secrétaire, pleure. Le visage du général von Winterfeldt, « très pâle, est empreint d'une douloureuse expression ».« La scène atteint dans sa simplicité le plus haut degré de pathétique ; le moment est poignant. », écrit Weygand.
Les parlementaires allemands, qui disposent de 72 heures pour accepter ou refuser ces conditions, demandent vainement une suspension immédiate et provisoire des hostilités. Au cours des trois jours suivants, ils tentent sans grand succès d'obtenir des adoucissements des conditions, en faisant valoir notamment la gravité des troubles intérieurs en Allemagne et la menace d'une révolution bolchevique, qui pourrait toucher les alliés par contagion et empêcher l'Allemagne de leur fournir les réparations qu'ils réclameront.
Cependant, le 9 novembre, les événements se précipitent : le chancelier Max von Baden prononce l'abdication de l'Empereur Guillaume II, et tandis que le président du parti majoritaire, Friedrich Ebert, devient chancelier, la République allemande est proclamée au Reichstag.
Le 11 novembre, à Rethondes, les dernières discussions s'ouvrent à 2h 15. À 5 h 10, l'armistice est signé : il prendra effet à 11 heures.
Dans la matinée, partout sur le front, les agents de liaison courent prévenir les chefs d'unité - certains d'entre eux compteront parmi les derniers tués de la Grande Guerre. Devant Dom-le-Mesnil, la fusillade et le marmitage continuent à faire rage. Envoyé cherché par le capitaine Lebreton, le soldat Delaluque, du 415e RI, se prépare, comme d'autres clairons tout au long du front, à sonner le Cessez-le-feu.
« L'officier lève lentement la main, raconte Patrick de Gmeline dans son livre Le 11 novembre 1918 (2). Delaluque assure l'instrument dans sa main et se prépare. Il appréhende de se lever, de sortir au milieu de cette mitraille. Que va-t-il se passer lorsqu'il va émerger de son trou ?
11 heures, allez-y !
Alors Delaluque sort, se rétablit, se dresse, lentement, face aux lignes allemandes. Il embouche son clairon, aspire, emplit ses poumons, gonfle les joues et lance les notes du Cessez-le-feu. Il lui semble qu'elles couvrent toutes les explosions, les claquements, les détonations, qu'elles les éteignent. Tout autour de lui, des silhouettes se dressent, émergent de la terre dévastée. »
À la même heure, à Paris, les cloches de toutes les églises se sont mises à sonner, à toute volée.
Hervé Bizien monde & vie. 19 novembre 2011
1. Général Weygand, Le 11 novembre, Flammarion, 1932
2. Patrick de Gmeline, Le 11 novembre 1918, Presses de la Cité, 1998
« 10 h 45. Une salve de 150 s'abat sur Dom-le-Mesnil. 10 h 57. Les mitrailleuses tirent des deux côtés. 11 heures. Là-bas, au bout de la passerelle, un clairon invisible a sonné. Cessez le feu !
Levez-vous ! Au drapeau ! Et, soudain, de la terre de France, des corps invisibles qui se sont blottis dans son sein pour échapper à la mort, monte une vibrante Marseillaise, saluée en face par les cris des Allemands qui sortent de leurs abris et agitent leurs armes. C'était la fin. »
Cette évocation des derniers combats livrés le 11 novembre 1918, devant Dom-le-Mesnil, par les poilus des 415e et 142e régiments d'infanterie contre les Maikâfer de la Garde prussienne, est extraite d'un livre(1) publié en 1932 par le général Maxime Weygand, l'un des négociateurs de l'armistice.
Cet armistice, les Allemands l'ont demandé, dès le 6 octobre, au Président américain Woodrow wilson, ouvrant des négociations au bout lesquelles les plénipotentiaires allemands - le sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères, Mathias Erzberger, le comte Oberndorff, le général von Winterfeldt et le capitaine de vaisseau Vanselow - se présentent, le 7 novembre, par la route de Haudroy, aux avant-postes français.
Ils y arrivent à 20h20, avec plusieurs heures de retard sur l'horaire prévu, en raison du mauvais état des routes, encombrées par les troupes qui refluent et coupées par des centaines d'arbres que leurs propres troupes ont abattus pour couvrir leur retraite.
À Spa, les voitures officielles ont même été accidentées : la voiture de tête est rentrée dans un mur et la suivante l'a percutée, sans toutefois faire de blessés.
Un clairon français sonnant le Cessez-le-feu, debout sur le marchepied de la voiture de tête, un officier français, le capitaine Lhuillier, accompagne les parlementaires allemands jusqu'à La Capelle, où les attend le commandant de Bourbon-Busset, chef du 2e bureau de la 1ere Armée, qui les conduira jusqu'au maréchal Foch, commandant en chef des armées alliées.
Dans la nuit du 7 au 8 novembre, ils gagnent en voiture, puis en train, une clairière des bois de Rethondes, près de Compiègne (ils ne connaîtront pas leur destination). C'est là qu'à neuf heures du matin, ils rencontrent, dans un autre train, le maréchal Foch, le général Weygand et, du côté britannique, l'amiral Sir Rosslyn Wemyss et le contre-amiral Hope. Les plénipotentiaires des deux camps s'installent dans « un wagon-restaurant dont les deux salles ont été réunies en une seule, une large table en occupe le centre », où l'État-Major à coutume de travailler, relate Weygand.
Foch est confiant. « Les clauses militaires de la convention qu'il a mission d'imposer ont été, dans l'ensemble, établies par lui. Il sait que, si l'ennemi les accepte, leur application donnera aux Gouvernements alliés le pouvoir de conclure la paix qu'ils voudront, ou de reprendre, en cas de nécessité, les hostilités dans des conditions, militaires extraordinairement améliorées par la possession de têtes de ponts sur le Rhin. Si l'ennemi refuse de signer, dans six jours une puissante offensive sera déchaînée sur le front de Lorraine où il n'est plus en état d'amener des forces à la rescousse ; une nouvelle et importante victoire est certaine. »
Le plus haut degré de pathétique
L'Allemagne, en effet, est à bout : les mutineries, commencées au port de Kiel, s'étendent, des troubles ont lieu à Berlin, des Conseils d'ouvriers et de soldats se forment dans l'armée, on réclame l'abdication du Kaiser Guillaume II. Sur le front, les régiments poursuivent la lutte avec des effectifs dérisoires.
Les clauses principales de l'armistice sont lues aux Allemands. Le capitaine von Helldoff, qui accompagne leur délégation comme secrétaire, pleure. Le visage du général von Winterfeldt, « très pâle, est empreint d'une douloureuse expression ».« La scène atteint dans sa simplicité le plus haut degré de pathétique ; le moment est poignant. », écrit Weygand.
Les parlementaires allemands, qui disposent de 72 heures pour accepter ou refuser ces conditions, demandent vainement une suspension immédiate et provisoire des hostilités. Au cours des trois jours suivants, ils tentent sans grand succès d'obtenir des adoucissements des conditions, en faisant valoir notamment la gravité des troubles intérieurs en Allemagne et la menace d'une révolution bolchevique, qui pourrait toucher les alliés par contagion et empêcher l'Allemagne de leur fournir les réparations qu'ils réclameront.
Cependant, le 9 novembre, les événements se précipitent : le chancelier Max von Baden prononce l'abdication de l'Empereur Guillaume II, et tandis que le président du parti majoritaire, Friedrich Ebert, devient chancelier, la République allemande est proclamée au Reichstag.
Le 11 novembre, à Rethondes, les dernières discussions s'ouvrent à 2h 15. À 5 h 10, l'armistice est signé : il prendra effet à 11 heures.
Dans la matinée, partout sur le front, les agents de liaison courent prévenir les chefs d'unité - certains d'entre eux compteront parmi les derniers tués de la Grande Guerre. Devant Dom-le-Mesnil, la fusillade et le marmitage continuent à faire rage. Envoyé cherché par le capitaine Lebreton, le soldat Delaluque, du 415e RI, se prépare, comme d'autres clairons tout au long du front, à sonner le Cessez-le-feu.
« L'officier lève lentement la main, raconte Patrick de Gmeline dans son livre Le 11 novembre 1918 (2). Delaluque assure l'instrument dans sa main et se prépare. Il appréhende de se lever, de sortir au milieu de cette mitraille. Que va-t-il se passer lorsqu'il va émerger de son trou ?
11 heures, allez-y !
Alors Delaluque sort, se rétablit, se dresse, lentement, face aux lignes allemandes. Il embouche son clairon, aspire, emplit ses poumons, gonfle les joues et lance les notes du Cessez-le-feu. Il lui semble qu'elles couvrent toutes les explosions, les claquements, les détonations, qu'elles les éteignent. Tout autour de lui, des silhouettes se dressent, émergent de la terre dévastée. »
À la même heure, à Paris, les cloches de toutes les églises se sont mises à sonner, à toute volée.
Hervé Bizien monde & vie. 19 novembre 2011
1. Général Weygand, Le 11 novembre, Flammarion, 1932
2. Patrick de Gmeline, Le 11 novembre 1918, Presses de la Cité, 1998
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire