Le 2 décembre 1823, James Monroe, 5e premier Président des États-Unis, énonce la doctrine qui portera son nom et fixera pour un siècle et demi les fondements de la diplomatie américaine.
Soldat et diplomate
Comme ses prédécesseurs George Washington, Thomas Jefferson et James Madison, James Monroe est un Virginien.
Élève brillant mais indiscipliné, il s'engage comme cadet dans
l'armée insurgée de George Washington et devient à 20 ans, en 1778,
officier supérieur. Après la guerre, il retourne sur les bancs de
l'Université. Il s'instruit dans le droit auprès de Thomas Jefferson.
Grâce à la protection de ce dernier, il est élu sénateur de Virginie sous l'étiquette du parti républicain démocrate (Republican party) en 1790.
Au terme de son mandat, il devient ministre plénipotentiaire des
États-Unis en France, de 1794 à 1796. Il retrouve la Virginie avec le
poste de gouverneur en 1799 puis, en 1803, se voit confier une nouvelle
ambassade en France.
L'enjeu est d'importance. Il s'agit de négocier le sort de la
Louisiane et des vastes plaines du Mississippi. Coup de chance, le
Premier Consul Bonaparte se brouille avec l'Angleterre et s'apprête à
une nouvelle guerre. Il a besoin d'argent et aussi du soutien américain.
Monroe conclut l'achat de la Louisiane pour 15 millions de dollars au terme de rapides négociations.
Fort de ce succès, Monroe devient en 1811 Secrétaire d'État
(ministre des Affaires étrangères) du président Madison. À ce titre, il
conduit la «Seconde Guerre d'Indépendance» contre le Royaume-Uni, de 1812 à 1814. Enfin le voilà brillamment élu à la présidence des États-Unis en novembre 1816.
Menaces sur l'Amérique
Sous sa présidence, les États-Unis se donnent une diplomatie vigoureuse. Le général Andrew Jackson intervient en Floride,
une colonie espagnole livrée à l'anarchie et les États-Unis acquièrent
finalement le territoire en 1819 contre cinq millions de dollars.
L'année suivante, deux territoires, le Missouri et le Maine,
rejoignent la fédération avec rang d'État. Les États-Unis, qui
comptaient quatre millions d'habitants dont un million d'esclaves
africains, au moment de l'indépendance, en 1783, en comptent désormais
neuf millions. Des immigrants irlandais, anglais ou encore allemands
affluent en masse sur le littoral atlantique et contribuent à la
colonisation de l'arrière-pays.
Mais à l'extrême-nord du continent, les Cosaques russes
traversent le détroit de Béring et s'implantent en Alaska ; ils
contrarient de la sorte les visées de Washington sur les terres vierges
de l'ouest. Au sud du Rio Grande, les colonies espagnoles se soulèvent
contre la métropole. Le roi d'Espagne appelle à son secours les autres
souverains de la Sainte-Alliance.
C'est dans ce contexte qu'est énoncée la doctrine Monroe.
L'Amérique aux Américains
Sous l'influence de son Secrétaire d'État (le ministre des
affaires étrangères) John Quincy Adams, le président évolue vers une
position neutraliste qui s'affirme avec éclat dans son message annuel au
Congrès, le 2 décembre 1823.
Dans un long discours en apparence décousu, il interpelle directement les puissances européennes. Il leur déclare en substance :
1) Les États-Unis ont reconnu l'année précédente l'indépendance
des nouvelles républiques latino-américaines ; en conséquence de quoi,
l'Amérique du nord et l'Amérique du sud ne sont plus ouvertes à la
colonisation européenne.
2) Les États-Unis regardent désormais toute
intervention de leur part dans les affaires du continent américain comme
une menace pour leur sécurité et pour la paix.
3) En contrepartie, les États-Unis n'interviendront jamais dans les affaires européennes.
La doctrine de Monroe se résume en définitive comme suit : « l'Amérique aux Américains ».
Les puissances de la Sainte-Alliance se le tiennent pour dit et
renoncent à leurs projets d'intervention en Amérique du sud. L'année
suivante, en 1824, la Russie signe un traité avec les États-Unis par
lequel elle renonce à toute revendication au sud de l'Alaska.
Monroe quitte le pouvoir avec les honneurs en 1825, laissant les
clés de la Maison Blanche à son successeur John Quincy Adams. Son double
mandat reste connue aux États-Unis comme l'«ère des bons sentiments» (era of good feelings).
Il meurt modestement le 4 juillet 1831, le jour de la fête nationale
(comme son mentor Thomas Jefferson, cinq ans avant lui).
Confronté au problème noir, le président James Monroe entérine le compromis du Missouri
et prône rien moins que le retour des esclaves en Afrique. Une société
charitable met en oeuvre ses préconisations. Elle installe un premier
groupe de Noirs en Afrique, sur le golfe de Guinée, en bordure de
l'actuelle Côte-d'Ivoire.
Les émigrants baptisent Libéria
leur nouveau pays. C'est le premier État indépendant d'Afrique noire (à
l'exception de l'Éthiopie). Son drapeau est calqué sur celui des
États-Unis, avec une seule étoile. La capitale, baptisée Monrovia
en l'honneur du président, tire fierté d'une copie du Capitole de
Washington. Les anciens esclaves eux-mêmes reproduisent les
comportements de leurs anciens maîtres, jusque dans leur habillement et
leur logement...
Avatars de la doctrine de Monroe
À la fin du XIXe siècle, les États-Unis, devenus une puissance de
premier plan, vont prendre prétexte de la doctrine de Monroe, purement
défensive, pour chasser l'Espagne de ses dernières colonies
de l'hémisphère occidental et intervenir directement, de façon
offensive, dans les affaires d'Amérique latine, soit par le biais de
leurs entreprises, soit au besoin par le biais de leurs troupes.
La doctrine de Monroe est prise en défaut en 1961, lorsque le
nouveau maître de Cuba, Fidel Castro, prend l'initiative d'un
rapprochement avec l'Union Soviétique et met le territoire américain en
situation d'être attaqué par des missiles soviétiques lancés depuis
l'île.
Alban Dignat. http://www.herodote.net/
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