Le 19 mai, Henri Ier épouse Anne de Kiev.
Cette année-là,
la vingtième de son règne, Henri Ier, quarante- trois ans, petit-fils
d’Hugues Capet, épousait une princesse venue du bout du monde… Il était
difficile pour le roi de France de rencontrer en Occident une fille de
roi qui ne fût pas sa cousine à quelque degré, et il ne voulait pas
connaître à son tour les difficultés avec l’Église vécues par son père
Robert II le Pieux quand celui-ci s’était épris de Berthe de Bourgogne.
En outre, Henri
n’avait pas eu de chance avec les femmes issues des pays voisins : sa
première fiancée, Mathilde, fille de l’empereur Conrad lI le Salique,
avait quitté ce monde à l’âge de sept ans en 1034 ; il avait épousé la
même année une autre Mathilde, fille de Luidolf de Frise, nièce de
l’empereur Henri III, alors âgée de moins de dix ans et qui mourut en
1044 après lui avoir donné, semble-t-il, une fille morte au berceau.
Le roi veuf dut
se remettre en quête… Or voici que vers 1049, il entendit son entourage
louer la Russie, ce grand pays devenu chrétien grâce au prince de Kiev,
saint Vladimir Ier le Grand (958-1015), qui, à l’instar de notre Clovis
cinq cents ans plus tôt, avait reçu le baptême en 988, converti par son
épouse Anne Porphyrogénète, soeur de l’empereur de Constantinople Basile
II. Le fils de ce dernier, Iaroslav le Sage (978-1054), donnait à son
pays un grand essor. De son épouse Ingigerd de Suède, il avait deux
filles dont la deuxième, Anne, âgée d’une vingtaine d’années, était
réputée pour sa beauté ravissante, même sensuelle, comme des
informateurs l’avaient rapporté à Henri…
Il n’en fallut
pas plus pour que le roi envoyât, sous la conduite de Roger, évêque de
Chalons-sur-Marne, une ambassade chargée de bijoux qui demanda à
Iaroslav la main de sa fille Anne pour le roi de France. Une telle
proposition ne pouvait être refusée, et le prince slave était trop
heureux d’ouvrir son pays à l’Occident. Anne fut sans tarder conduite en
France sous une brillante et galante escorte. Henri, la voyant arriver à
Reims au printemps 1051, en tomba aussitôt amoureux. Certains ont
raconté qu’écartant les présentations d’usage, il se serait
littéralement jeté sur elle devant tout le monde pour l’embrasser et
que, l’étreinte un peu desserrée, elle lui aurait dit en rougissant : « Je suppose que c’est vous, n’est-ce pas, qui êtes le roi »…
Le charme slave
Le mariage fut
célébré le 19 mai et la nouvelle reine se révéla aussitôt pieuse et
charitable, avec le sourire et toujours dans la discrétion. Elle donna
le jour en 1053 au futur Philippe Ier, ainsi prénommé en souvenir des
rois de Macédoine dont prétendait descendre la Maison de Kiev. Tous les
Philippe français, dont six rois, doivent depuis lors leur prénom à
cette première alliance russe. Une alliance qui n’eut guère le temps de
porter tous ses fruits, puisque le roi Henri Ier mourut dès 1060, après
avoir l’année précédente pris la sage et désormais habituelle précaution
de faire sacrer Philippe qui, de sa frèle et charmante voix de six ans,
prononça impeccablement le serment du sacre.
La régence
revenant à l’oncle de l’enfant, Baudouin, comte de Flandre, Anne se
retira dans le Valois d’abord à l’abbaye Saint-Vincent de Senlis, puis
se mit à organiser des réceptions plus mondaines, attirant de galants
seigneurs. L’un d’eux, Raoul, comte de Crépy-en-Valois, avait en 1051
accueilli au nom du roi la future reine à Montreuil-sur-Mer pour
l’escorter jusqu’à Senlis : il ne l’avait jamais oubliée ! Marié, puis
veuf, puis remarié sans amour, il osa tout bonnement enlever la
reine-mère et la conduire secrètement à un prêtre facile… qui les maria.
Les amoureux bravèrent des années durant les foudres de
l’excommunication, puis tout s’apaisa à la mort de l’épouse légitime de
Raoul. Après la mort de celui-ci en 1071, les historiens perdent la
trace de la reine Anne, selon certains retournée en Russie, selon
d’autres morte discrètement près de La Ferté-Allais vers 1076.
Quoi qu’il en
soit, ce mariage fut un événement de grande portée. Se rappeler que les
relations franco-russes sont plus que millénaires et que tous les rois
capétiens depuis Philippe Ier ont dans les veines du sang russe, n’est
pas sans intérêt pour les relations diplomatiques de notre monde
d’aujourd’hui.
MICHEL FROMENTOUX L’Action Française 2000 du 18 septembre au 1 er octobre 2008
MICHEL FROMENTOUX L’Action Française 2000 du 18 septembre au 1 er octobre 2008
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