Le 27 novembre 1095, le pape Urbain II profite d'un concile à
Clermont (Auvergne) pour lancer un appel aux chevaliers afin qu'ils
fassent le voyage à Jérusalem et repoussent les infidèles.
Ceux-ci, des Turcs, menacent d'abattre l'empire chrétien d'Orient
et multiplient les obstacles aux pèlerinages en Terre Sainte, sur le
tombeau du Christ...
Cet appel est l'amorce de ce que l'on appellera beaucoup plus tard la première croisade. (1)
Un appel à moins de violence
De son vrai nom Odon de Lagery, le pape Urbain II, né en
Champagne 53 ans plus tôt, a été à Reims l'élève de Saint Bruno avant de
devenir moine à Cluny.
Il succède en 1088 à Victor III sur le trône de Saint-Pierre. Il
s'inscrit dans la lignée des grands papes réformateurs d'après l'An Mil
comme Grégoire VII.
Il veut en particulier moraliser la chevalerie, éradiquer la violence
et mettre fin aux guerres privées entre seigneurs féodaux, brutales,
incessantes et cruelles.
Au concile de Clermont (aujourd'hui Clermont-Ferrand, en
Auvergne), le pape tente d'abord de régler les problèmes matrimoniaux du
roi capétien Philippe 1er.
Cela fait, il prononce un sermon retentissant à l'adresse des 310
évêques et abbés français. Il rappelle les menaces très graves qui
pèsent sur les chrétiens byzantins, du fait de la défaite de leur
empereur face aux Turcs à Malazgerd (1071).
Le pape s'inquiète aussi des violences faites aux pèlerins depuis que le Saint-Sépulcre
(le tombeau du Christ à Jérusalem) a été détruit sur ordre du sultan
fatimide d'Égypte El-Hakim, dans un accès de fanatisme (c'était en
1009). Il encourage en conséquence les «Francs» de toutes
conditions à secourir leurs frères chrétiens. Et il accorde l'indulgence
plénière, c'est-à-dire la rémission de tous leurs péchés, à tous ceux
qui perdraient la vie au cours de leur combat contre les infidèles (il
s'agit essentiellement des Turcs).
L'appel de Clermont est dans le droit fil des «trêves de Dieu»
par lesquelles le clergé, tout au long du Xe siècle, appelle les
chevaliers à interrompre leurs combats et à respecter les
non-combattants (femmes, enfants, ecclésiastiques, marchands...).
Un enthousiasme immédiat
Après le concile, le pape Urbain II développe ses objectifs dans plusieurs lettres aux clergés des différentes régions d'Europe.
Les ecclésiastiques, tel le prédicateur Pierre l'Ermite,
répercutent son message auprès des fidèles qui lui réservent un accueil
enthousiaste. Paysans et chevaliers se font coudre une croix sur leurs
vêtements et se préparent à partir au cri de «Dieu le veut !»... Les uns et les autres s'apprêtent au «voyage», chacun de leur côté.
André Larané.
(1) 1095 L'appel du pape Urbain II
Le 27 novembre 1095, le pape Urbain II prononce devant les évêques et les abbés du concile de Clermont (Auvergne) un sermon
dans lequel il enjoint ses auditeurs à favoriser la paix et mettre fin
aux guerres privées entre seigneurs. Il appelle aussi les guerriers à
partir secourir les chrétiens d'Orient menacés par les Turcs et les
Arabes musulmans.
Ce sermon à l'origine des croisades nous est connu par le chroniqueur Foulcher de Chartres, qui lui-même assista au concile et participa au premier voyage en qualité de chapelain du futur roi de Jérusalem Baudouin 1er.
Ce sermon à l'origine des croisades nous est connu par le chroniqueur Foulcher de Chartres, qui lui-même assista au concile et participa au premier voyage en qualité de chapelain du futur roi de Jérusalem Baudouin 1er.
Le récit de Foulcher de Chartres a été publié à sa mort, vers 1127, sous le titre Historia Hierosolymitana.
Il
passe curieusement sous silence la délivrance de Jérusalem et des Lieux
Saints, bien que le pape ait évoqué cet objectif à Clermont d'après
divers témoignages... Peut-être Foulcher évite-t-il d'en parler parce
que lui-même n'a pas participé à la prise de Jérusalem ?
Voici ci-dessous l'appel de Clermont d'après Foulcher de Chartres (traduit du latin par François Guizot) :
L'appel de Clermont
Vous venez, dit-il, enfans (sic)
du Seigneur, de lui jurer de veiller fidèlement, et avec plus de
fermeté que vous ne l'avez fait jusqu'ici, au maintien de la paix parmi
vous, et à la conservation des droits de l'Église.
Ce n'est pas
encore assez ; une oeuvre utile est encore à faire ; maintenant que vous
voilà fortifiés par la correction du Seigneur, vous devez consacrer
tous les efforts de votre zèle à une autre affaire, qui n'est pas moins
la vôtre que celle de Dieu.
Il est urgent, en effet, que vous
vous hâtiez de marcher au secours de vos frères qui habitent en Orient,
et ont grand besoin de l'aide que vous leur avez, tant de fois déjà,
promise hautement.
Les Turcs et les Arabes se sont précipités sur
eux, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont certainement entendu
raconter, et ont envahi les frontières de la Romanie jusqu'à cet endroit
de la mer Méditerranée, qu'on appelle le Bras de Saint-George [le détroit du Bosphore],
étendant de plus en plus leurs conquêtes sur les Terres des Chrétiens,
sept fois déjà ils ont vaincu ceux-ci dans des batailles, en ont pris ou
tué grand nombre, ont renversé de fond en comble les églises, et ravagé
tout le pays soumis à la domination chrétienne.
Que si vous
souffrez qu'ils commettent quelque temps encore et impunément de pareils
excès, ils porteront leurs ravages plus loin et écraseront une foule de
fidèles serviteurs de Dieu.
C'est pourquoi, je vous avertis et vous conjure, non en mon nom, mais au nom du Seigneur, vous les hérauts du Christ [les évêques et abbés du concile],
d'engager par de fréquentes proclamations les Francs de tout rang, gens
de pieds et chevaliers, pauvres et riches, à s'empresser de secourir
les adorateurs du Christ, pendant qu'il en est encore temps, et de
chasser loin des régions soumises à notre foi la race impie des
dévastateurs. Cela, je le dis à ceux de vous qui sont présens (sic) ici, je vais le mander aux absents ; mais c'est le Christ qui l'ordonne.
Quant
à ceux qui partiront pour cette guerre sainte, s'ils perdent la vie,
soit pendant la route sur terre, soit en traversant les mers, soit en
combattant les Idolâtres, tous leurs péchés leur seront remis à l'heure
même ; cette faveur si précieuse, je la leur accorde en vertu de
l'autorité dont je suis investi par Dieu même.
Quelle honte ne
serait-ce pas pour nous si cette race infidèle si justement méprisée,
dégénérée de la dignité de l'homme, et vile esclave du démon,
l'emportait sur le peuple élu du Dieu tout-puissant, ce peuple qui a
reçu la lumière de la vraie foi, et sur qui le nom du Christ répand une
si grande splendeur !
Combien de cruels reproches ne nous ferait
pas le Seigneur, si vous ne secouriez pas ceux qui, comme nous, ont la
gloire de professer la religion du Christ ?
Qu'ils marchent, dit
encore le pape en finissant, contre les infidèles, et terminent par la
victoire une lutte qui depuis longtemps déjà devrait être commencée, ces
hommes qui jusqu'à présent ont eu la criminelle habitude de se livrer à
des guerres intérieures contre les fidèles ; qu'ils deviennent de
véritables chevaliers, ceux qui si longtemps n'ont été que des
pillards ; qu'ils combattent maintenant, comme il est juste, contre les
barbares, ceux qui autrefois tournaient leurs armes contre des frères
d'un même sang qu'eux ; qu'ils recherchent des récompenses éternelles,
ces gens qui pendant tant d'années ont vendu leurs services comme des
mercenaires pour une misérable paie ; qu'ils travaillent à acquérir une
double gloire, ceux qui naguère bravaient tant de fatigue, au détriment
de leur corps et de leur âme.
Qu'ajouterai-je de plus ? D'un côté
seront des misérables privés de vrais biens, de l'autre des hommes
comblés de vraies richesses ; d'une part combattront les ennemis du
Seigneur, de l'autre ses amis. Que rien donc ne retarde le départ de
ceux qui marcheront à cette expédition ; qu'ils afferment leurs terres,
rassemblent tout l'argent nécessaire à leurs dépenses, et qu'aussitôt
que l'hiver aura cessé, pour faire place au printemps, ils se mettent en
route sous la conduite du Seigneur. Ainsi parla le pape.
Foulcher de Chartres, Histoire des Croisades, édité par François Guizot, Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Paris, J-L-J Brière, 1825, p. 7-9.
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