Le
jeune Charles IX poursuit son périple à travers la France. Suivi par un
immense cortège, il rappelle à l'ordre les parlements et lance des
appels à la paix dans un royaume divisé par les luttes religieuses.
Cette année-là, la
cinquième de son règne, Charles IX, quinze ans, poursuivait son “tour de
France” organisé par la reine mère Catherine de Médicis. Parti de
Fontainebleau le 13 mars de l'année précédente, l'immense cortège
rassemblait autour du jeune roi ses frères et cousins dont nul ne
pouvait savoir combien leurs destinées seraient bouleversées par les
guerres de religion qui ne marquaient alors qu'une pause assez
aléatoire.
Hiver glacial
Rejoignons donc la
Cour qui aborda le Sud-Ouest par un hiver glacial et se trouvait à
Toulouse le 31 janvier, après avoir évité certaines villes huguenotes.
On raconte qu'un peu taquin, le jeune roi lança le bonnet de son cousin
Henri de Bourbon-Navarre, douze ans, dans la cathédrale pour l'obliger à
y entrer. Geste prémonitoire ?… Catherine fit ici rebaptiser ses deux
plus jeunes fils : en passant près de l'Espagne, mieux valait que les
enfants de France ne fussent point affublés de prénoms trop marqués par
l'Antiquité païenne. Alexandre-Édouard, duc d'Orléans, quatorze ans,
devint donc Henri (futur Henri III), et Hercule, duc d'Alençon, dix ans,
devint François (sa mort en 1585 allait faire d'Henri de Navarre le
successeur immédiat d'Henri III).
Par Mont-de-Marsan et
Dax, on arriva à Bayonne début juin. Philippe II ne daigna point
rencontrer sa belle-mère, pas assez catholique selon lui, mais se fit
représenter par son épouse Élisabeth de France, laquelle était
accompagnée du très entêté duc d'Albe. Élisabeth, vingt ans, n'en fut
pas moins ravie de revoir sa mère et ses jeunes frères dont le roi de
France et sa petite soeur Marguerite, six ans (future “reine Margot”).
Néanmoins, aux propositions d'alliances, notamment matrimoniales de
Catherine, Élisabeth et le duc d'Albe opposèrent les exigences
espagnoles d'une sorte de croisade pour épurer l'Europe de la Réforme.
La volonté de Catherine de soutenir en France l'Église catholique ne
leur suffisait pas et l'entrevue de Bayonne fut un échec. Un échec
masqué toutefois par d'éblouissants festins et de luxueux
divertissements qui durèrent jusqu'au 2 juillet. Charles IX mit autant
d'empressement à participer aux danses paysannes qu'à suivre pieusement
la procession de la Fête-Dieu.
Remontant la
Gascogne, on fut le 28 juillet à Nérac, où l'on retrouva Jeanne
d'Albret, reine de Navarre, protestante acharnée, épouse d'Antoine de
Bourbon. Catherine caressait déjà le projet de marier la petite
Marguerite à Henri, le fils de Jeanne… Les temps n'étaient pas venus.
Museler les parlements
D'Angoulême à Jarnac,
puis à Cognac, Charles IX reçut en ces pays protestants un accueil
poli, sans plus. Plusieurs fois il dut rappeler l'obligation pour tous
les parlements de respecter le traité de pacification d'Amboise, signé
trois ans plus tôt. Sur le port de Brouage le 6 septembre, après avoir
assisté au baptême de neuf cents catholiques, le roi vit pour la
première fois l'Atlantique.
Le 14 septembre,
solennelle entrée dans La Rochelle : nouvel appel du roi à la paix, de
même à Loudun, puis à Nantes, capitale de la Bretagne qui n'était alors
française que depuis trente ans et pas encore consolée de n'avoir plus
ses anciens ducs. Accueil très froid, si bien que l'on préféra éviter
Rennes…
Angers et Tours,
terres catholiques, ne ménagèrent pas leur enthousiasme. Le jeune roi
rencontra à Saint-Cosme le poète Pierre de Ronsard, avant de s'extasier
devant les châteaux de la Loire. Puis l'on s'installa pour trois mois à
Moulins, dans le fief ancestral des Bourbons. Ici, le chancelier Michel
de L'Hospital mit au point avec ses conseillers une ordonnance en vue de
museler les parlements dans le domaine politique et de leur interdire
de sortir de leur rôle judiciaire. Sempiternelle question posée à la
monarchie française…
Espérance
Après avoir donné au
jeune Henri, déjà duc d'Orléans, ville protestante, le titre de duc
d'Anjou, terre très catholique, Charles IX et sa suite visitèrent
l'Auvergne, le Nivernais, la Champagne, la Brie et regagnèrent Paris le
1er mai 1566, après deux ans et quatre mois d'une absence qui commençait
à peser. Néanmoins, comme écrit Georges Bordonove dans son Charles IX, «
en montrant le jeune roi aux populations, le reine mère avait éveillé
le vieux fond de loyalisme des Français et leur dévouement à la couronne
». De fait, nous l'avons vu, les Grands cachaient mal leurs humeurs
partisanes, mais le peuple se portait de grand coeur au devant du roi.
Et dans les malheurs que la couronne n'arriverait pas à épargner à la
France, la flamme de cette fidélité au principe monarchique allait
entretenir l'espérance, jusqu'à ce que trente ans plus tard Henri de
Navarre devînt Henri IV…
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 15 janvier au 4 février 2009É
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