mercredi 20 juillet 2011

Polémistes et pamphlétaires français : François-René de Chateaubriand

François-René de Chateaubriand, né à Saint-Malo le 4 septembre 1768, est considéré comme l'une des grandes figures du romantisme et de la littérature française. Il fut aussi le plus grand polémiste de son époque. Chacun connaît ne serait-ce que les titres de ses chefs-d'œuvre :  Atala, qui suscita à sa parution, en 1801, une admiration générale, René, qui devint un modèle pour les écrivains   romantiques, le Génie du christianisme, publié en 1802, qui démontre que le christianisme, bien supérieur au paganisme par la pureté de sa morale, est tout autant favorable à l'art et à la poésie que ne l'était le paganisme. Ce livre eut un rôle important, puisqu'il donna le signal d'un retour du religieux après la Révolution. Mais l'œuvre monumentale, et posthume, de Chateaubriand reste les Mémoires d'outre-tombe, parus en 1850. Remarqué par le Premier Consul Napoléon Bonaparte, il est choisi en 1803 pour accompagner le cardinal Fesch à Rome, comme secrétaire d'ambassade, et nommé en 1804 représentant de la France auprès de la République de Valais. C'est là qu'il apprend l'exécution du duc d'Enghien. Il démissionne immédiatement et passe dans l'opposition à l'Empire. Voilà ce qu'il écrira : « Lorsque dans le silence de l'abjection, l'on n'entend plus retentir que la chaîne de l'esclavage et la voix du délateur ; lorsque tout tremble devant le tyran et qu'il est aussi dangereux d'encourir sa faveur que de mériter sa disgrâce, l'historien paraît chargé de la vengeance des peuples. C'est en vain que Néron prospère, Tacite est  déjà né dans l'Empire ; il croît, inconnu auprès des cendres de Germanicus, et déjà l'intègre Providence a livré à un enfant obscur la gloire du maître du monde. » Napoléon en fut furieux : « Chateaubriand croit-il que je suis un imbécile, que je ne comprends pas ? Je le ferai sabrer sur les marches de mon palais », déclara-t-il. Au moment de l'entrée des alliés à Paris, le 31 mars 1814, il lança une brochure qui fit grand bruit : De Buonaparte, des Bourbons et de la nécessité de se rallier à nos princes légitimes pour le bonheur de la France et celui de l'Europe. On y lit ce tableau de la Révolution où se révèle l'aristocrate : «  Alors, sortirent de leurs repaires tous ces rois demi-nus, salis et abrutis par l'indigence, enlaidis et mutilés par leurs travaux, n 'ayant pour toute vertu que l'insolence de la misère et l'orgueil des haillons ». Et puis, Bonaparte, auquel Chateaubriand ne pardonne rien. Bonaparte, « l'étranger qui n'était pas encore roi, (qui) voulut avoir le corps sanglant d'un Français pour marchepied au trône de la France… On se demande de quel droit un Corse venait de verser le plus beau comme le plus pur sang de la France. Croyait-il remplacer par sa famille demi-africaine la famille française qu'il venait d'éteindre ?... » Chateaubriand, comme tous les pamphlétaires, ne recule pas devant l'exagération : « Il a plus corrompu les hommes, plus fait de mal au genre humain dans le court espace de dix années que tous les tyrans de Rome ensemble, depuis Néron jusqu'au dernier persécuteur des chrétiens ».
Dans ses Mémoires d'Outre-tombe, voilà cet extrait, qui passera à la postérité, évoquant « le vice appuyé sur le bras du crime ». C'était à Saint-Denis. Chateaubriand attendait d'être reçu par le roi Louis XVIII, qui s'apprêtait à entrer pour la seconde fois à Paris, après la défaite de Napoléon : « ..Je me rendis chez Sa Majesté ; je m'assis dans un coin où j'attendis. Tout à coup, une porte s'ouvre, entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr : l'évêque apostat fut caution du serment ». Comme le relève Pierre Dominique dans « Les polémistes français depuis 1789 », « les siècles les verront toujours entrer dans cette chambre et passer devant le polémiste, puis disparaître, le grand diplomate et le grand policier, le pourri et le massacreur… » Chateaubriand meurt le 4 juillet 1848.

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