Simple cour de justice, qui tenait son existence et son autorité de la couronne, les parlements s'érigèrent progressivement en Sénat. Soutenus par une opinion publique manipulée, ils ont joué un rôle important dans l'agitation des années 1780 préparant la Révolution en empêchant toute réforme.
Les méfaits du système parlementaire ne datent pas d'hier. Pendant qu'on négociait la paix de Rueil, en 1649, qui mit fin à la première Fronde, on pensa convoquer les états généraux à Orléans. Voici la réaction du parlement de Paris à qui le parlement de Rouen demandait s'il convenait d'envoyer des députés :
« Jamais les parlements qui sont eux-mêmes composés des trois états, n'ont député aux états généraux ; ils sont supérieurs à ces assemblées, puisqu'ils jugent en dernier ressort ce qu'elles ont arrêté et délibéré. Les états généraux n'agissent que par prières et ne parlent qu'à genoux comme les peuples et sujets ; les parlements tiennent un rang au-dessus d'eux, comme médiateurs entre le peuple et le roi. » (1)
Telle est, au XVIIe siècle, l'orgueilleuse prétention du parlement de Paris. Simple cour de justice, qui tenait son existence et son autorité de la couronne, il s'érigeait en véritable sénat.
Usurpations politiques
On n'imagine pas l'esprit subversif qui se développe dans les assemblées et autour d'elles. En 1649, la même année, au mois de mars, lors d'une sortie solennelle du parlement de Paris, un groupe d'hommes s'écria : « République ! République ! » Comme on leur faisait remarquer qu'ils devaient respecter le roi et les magistrats, l'un d'eux répliqua : « Qu'est-ce à dire ? le peuple n'a-t-il pas fait les rois, lesquels ont fait les parlements ? Il est donc à considérer autant les uns que les autres. » La même année tombait en Angleterre la tête du roi Charles Ier.
Louis XIV saura mettre un terme aux usurpations politiques du parlement de Paris ; en 1673, il interdit aux parlements de faire quelque remarque que ce soit avant l'enregistrement des édits, mais les parlements relevèrent la tête en négociant leur droit de remontrance avec le régent Philippe d'Orléans, à qui ils attribuent, en cassant le testament de Louis XIV, les pouvoirs que ce dernier avait fortement limités. À partir de 1750, les parlements bloquent les réformes du pouvoir royal. Louis XV sévira un peu tard et mourra ensuite trop tôt. En 1771, le chancelier de Maupeou enlève aux parlements leurs attributions politiques et les divise en six conseils supérieurs. Mais en 1774, Louis XVI, conseillé par Maurepas (« Sans parlement, point de monarchie »), commet l'erreur de faire rappeler les parlements. Le roi reculera devant leur opposition. Soutenus par une opinion publique manipulée ils jouent un rôle important dans l'agitation des années 1780 et, en empêchant toute réforme, ils préparent la Révolution.
Voyons comment Napoléon traita le parlementarisme. La Constitution de l'An VIII prévoit un Conseil d'État « chargé de rédiger les projets de lois et les règlements d'administration publique, et de résoudre les difficultés qui s'élèvent en matière administrative ». Le Tribunat, ensuite, discute les projets de lois proposés par le Conseil d'État mais ne vote pas. Le Corps législatif vote enfin les lois sans avoir le droit d'en discuter. Le Sénat, en outre, est chargé de veiller à la conservation de la Constitution.
Empire de la parole
Dès que cette constitution est mise en place, le Tribunat se révèle un foyer d'opposition. Benjamin Constant y prononce un discours dans lequel il dénonce « le régime de servitude et de silence » qui se prépare. Épuré en 1802, le Tribunat sera supprimé en 1807. Remarquons bien ce fait : devenu plus autoritaire qu'en ses débuts, Napoléon ne supprime pas l'assemblée qui vote, et pourrait donc rejeter les lois proposées par le Conseil d'État, il supprime l'assemblée qui semble détenir le moins de pouvoir, celle où l'on parle sans rien décider. L'empereur, qui connaissait les rouages de la Révolution, supprime l'assemblée la plus dangereuse, celle qui dispose de la parole. Le faible Conseil des Cinq-Cents avait failli mettre fin à la carrière du général Bonaparte, auréolé de ses victoires, en criant « Hors-la-loi ! », « César ! » et « Cromwell ! » Tel est l'empire de la parole dans les assemblées.
GÉRARD BAUDIN L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 7 au 20 mai 2009
1 - Journal d'Olivier Lefèvre d'Ormesson, tome I.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire