Clovis est baptisé à Reims avec 3000 guerriers francs le 25 décembre 498 (ou 496 selon certains historiens).
C'est le point de départ d'une irrésistible ascension qui va faire de Clovis et de ses successeurs les héritiers de l'empire romain d'Occident.
Fabienne Manière.
Barbares ariens et Gallo-romains catholiques
En adhérant par le baptême à la religion catholique, les Francs se distinguent des autres barbares qui occupent la partie occidentale de l'empire romain. Ceux-là sont pour la plupart fidèles à l'arianisme. Il s'agit d'une hérésie chrétienne très mal vue de la population gallo-romaine et des élites urbaines, massivement catholiques.
Grâce à leur baptême, les Francs obtiennent le soutien du clergé gallo-romain dans la compétition qui les oppose à leurs rivaux barbares pour la domination de la Gaule.
Des Francs aux origines obscures
Clovis, ou Khlodowig (dont on a fait en latin Ludovicus puis Louis, prénom de 19 rois de France), est le fils de Childéric, le chef d'une tribu établie dans la région de Tournai (Belgique actuelle) et de Basine (ou Bassine), une princesse originaire de Thuringe.
La tribu de Childéric appartient aux Francs Saliens, un peuple germain établi de part et d'autre du Rhin, fort d'environ 200.000 personnes. Un nombre incroyablement bas, si l'on songe au rôle qu'il allait jouer dans la Gaule romaine peuplée à l'époque d'environ huit millions d'habitants.
À partir de 457, Childéric réunit autour de lui tous les Francs Saliens. Il devient assez puissant pour que le dernier représentant de Rome en Gaule du nord, le «maître de la milice» Aegidius, lui confie la défense du territoire. Celui-ci a beaucoup souffert, quelques années plus tôt, du passage des terribles Huns. Il est maintenant menacé par les Wisigoths. Ces Germains occupent déjà le sud de la Gaule et ont établi leur capitale à Toulouse.
Les deux alliés repoussent les Wisigoths près d'Orléans. Childéric repousse également les pirates saxons qui tentent d'envahir la Gaule en remontant la Loire. Après la mort d'Aegidius en 464 et de son successeur, le comte Paul, en 468, Childéric devient l'homme le plus puissant de la Gaule du nord et son principal rempart face aux menaces extérieures.
Une relève bien assurée
Childéric meurt en 481 à Tournai (sa tombe et son trésor ont été découverts dans cette ville, près de l'église Saint-Brice, le 27 mai 1653).
Son fils Clovis est élu par les guerriers francs pour lui succéder. Il a seulement 15 ans. À peine élu, il complète la conquête de la Gaule mais il rencontre sur sa route Syagrius, fils d'Aegidius. Ce général, qui s'intitule «roi des Romains», maintient l'illusion d'une permanence de l'empire romain entre la Meuse et la Loire.
Le roi des Francs bat Syagrius en 486 et le fait égorger avant de s'installer dans sa résidence de Soissons. C'est, avec Reims, l'une des principales cités de ce qu'on appelle alors la Belgique seconde, la Belgique première s'ordonnant autour de Metz.
Clovis le païen découvre alors un milieu très romanisé et de religion catholique. Il est même subjugué par Remi, évêque de Reims, comme le montre l'anecdote du vase «de Soissons».
Un baptême politique
En 492, après une guerre contre les Burgondes et un traité avec leur roi Gondebaud, Clovis épouse Clotilde, nièce de celui-ci. Ce mariage lui vaut d'entrer dans le cercle restreint des grandes dynasties barbares d'Occident (Burgondes, Ostrogoths d'Italie, Wisigoths d'Aquitaine). Il le rapproche aussi du catholicisme dont Clotilde est une fervente représentante.
En 496, Clovis reçoit un appel à l'aide de son homologue, le roi des Francs rhénans. Celui-ci est menacé par les Alamans, une tribu germanique à laquelle nous avons emprunté le nom de l'Allemagne.
Le jeune roi accourt à son secours. Il veut prendre à revers les Alamans qui assiègent son allié dans la place forte de Tolbiac (en allemand, Zülpich), près de Cologne. Mais peu avant son arrivée, son allié fait reddition et les Alamans se retournent contre les nouveaux venus, inférieurs en nombre.
Le choc survient, croit-on, le 10 novembre 496. En situation périlleuse, Clovis aurait imploré le secours du Dieu de Clotilde et pris la résolution de se convertir en cas de victoire. À peine aurait-il fait ce voeu que le roi des Alamans était frappé à mort d'un coup de hache ! Cette légende a été inspirée plus tard au chroniqueur Grégoire de Tours par le souvenir de l'empereur Constantin au pont Milvius.
Nonobstant toute intervention divine, Clovis est poussé à se convertir par sa femme, pieuse catholique, ainsi que par l'évêque Remi et par Geneviève, une sainte femme auxquels les Parisiens sont reconnaissants de les avoir préservés des Huns.
Celle-ci lui fait part de l'animosité des Gallo-Romains catholiques à l'égard des Wisigoths ariens, au retour d'un pèlerinage à Tours, sur le tombeau de Saint Martin, en terre wisigothe, et lui montre tout l'intérêt de rallier la religion majoritaire du pays.
Mais lui-même hésite longtemps. Selon les croyances de son peuple, il bénéficie d'une ascendance divine dont atteste sa chevelure blonde qui n'a jamais connu le ciseau. Il se demande s'il n'a pas plus à perdre qu'à gagner en se convertissant.
Il passe enfin à l'acte deux ans plus tard, le jour de Noël. Avant tous ses guerriers, il plonge dans le baptistère, une immense piscine dont les archéologues ont retrouvé les restes sous l'actuelle cathédrale. L'évêque Remi lance au roi la formule célèbre : «Depona colla, Sigamber !», ce qui signifie : «Dépose tes colliers [les amulettes des païens], Sicambre [autre nom donné aux Francs]».
Pour le clergé catholique, qui craignait une victoire de l'hérésie arienne, la conversion de Clovis a un caractère providentiel. «Votre foi est notre victoire !» lui écrit Avit, évêque de Vienne, en pays burgonde… L'empereur de Constantinople, qui dirige en théorie tout l'empire romain depuis la déposition du dernier empereur d'Occident en 476, témoigne aussi de sa satisfaction en conférant au roi franc le titre symbolique de «Consul des Romains».
Et la Gaule devient franque
Le roi des Francs tire parti de sa conversion pour achever la conquête de la Gaule. Il doit affronter pour cela les Wisigoths qui occupent le sud de l'hexagone (l'Aquitaine) et une grande partie de l'Espagne. Leur capitale est Toulouse. Comme les autres barbares, à l'exception des Francs, les Wisigoths pratiquent l'arianisme. Aussi leur roi Alaric II a-t-il du mal à asseoir son autorité sur ses sujets gallo-romains.
L'habile roi des Ostrogoths Théodoric le Grand se méfie à juste titre des ambitions de Clovis. Il tente de coaliser contre lui les Wisigoths, les Burgondes et les Germains de Rhénanie. Mais le roi burgonde, l'avisé Gondebaud, préfère rester dans l'expectative. Quant aux Germains de Rhénanie, ils se montrent indifférents à la menace franque (ce qui leur vaudra d'être soumis plus tard par les héritiers de Clovis). Comble de malchance, Théodoric est victime d'une attaque de revers par la flotte de l'empereur de Constantinople, alliée pour la circonstance à Clovis.
Les Francs en profitent pour attaquer les Wisigoths avec les encouragements de l'épiscopat catholique. Le choc a lieu à Vouillé, près de Poitiers, en 506 ou 507. Alaric II, en fuite, est rattrappé et tué par Clovis en personne si l'on en croit la chronique. Les villes d'Aquitaine tombent les unes après les autres aux mains des Francs et les Wisigoths n'ont d'autre alternative que de se replier en Espagne, au-delà des Pyrénées.
Clovis domine désormais toute la partie occidentale de l'ancien empire romain, entre l'embouchure du Rhin, qui reste aux mains des tribus frisonnes, et les Pyrénées, où sévissent les terribles Basques. Il décide de déplacer sa résidence à Paris. L'ancienne Lutèce, qui a pris le nom des premiers habitants de la région, les Parisii, accède pour la première fois au statut de capitale. Et l'on ne désigne plus la région sous le nom de Gaule mais sous le nom de «Regnum francorum» - ou royaume des Francs -, dont la postérité fera Francie puis France.
Les Francs triomphent
Le baptême de Clovis a facilité la fusion entre les Gallo-Romains et leurs vainqueurs, les Francs. Il a assuré la domination de ces derniers sur l'Occident romain.
Quand le roi franc meurt le 27 novembre 511, à 45 ans, il est inhumé à Paris, dans la basilique des Saints-Apôtres, auprès de Sainte Geneviève, sur l'emplacement de l'actuel Panthéon. Selon la coutume germanique, son empire est divisé entre ses quatre fils, Thierry, Childebert, Clodomir et Clotaire.
Les descendants de Clovis vont régner cahin-caha pendant trois siècles sous l'appellation de Mérovingiens (d'après Mérovée, aïeul légendaire de Clovis) avant de laisser la place à Charlemagne et aux Carolingiens.
La France et l'Allemagne émergeront à l'aube de l'An Mil sur les ruines du «Regnum francorum» de Clovis et Charlemagne. http://www.herodote.net/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire