Plus de 3 700 documents de Lénine sont restés censurés jusqu'en 1999. Ils donnaient une trop mauvaise image du régime...
Rapidement, après la mort de Lénine en 1924, on prépare l'édition de ses oeuvres complètes. C'est un processus qui va prendre des dizaines d'années. Les premières éditions, incomplètes, datent des années 1930-1940. En 1958, sous Krouchtchev, est lancée la cinquième et plus grande édition, achevée en 1965 : 55 volumes des œuvres dites complètes.
Or, à leur grande surprise, les archivistes découvrent, après l'écroulement du régime soviétique, des milliers de documents de Lénine qui avaient été écartés des œuvres complètes. Pour quelles raisons ? Une note confidentielle, rédigée en décembre 1991, quelques jours avant la démission de Gorbatchev, en livre une explication. Le directeur de l'Institut du marxisme-léninisme, où étaient pieusement conservés les 30 820 textes autographes du fondateur, y expose pourquoi 3 724 documents, non seulement n'avaient pas été publiés, mais ne devaient pas l'être « dans la situation présente et à l'avenir ».
Trois considérations principales étaient mises en avant. D'abord, une partie de ces documents montre à quel point Lénine « avait encouragé la subversion révolutionnaire et la violence visant à déstabiliser toute une série d'états indépendants », et « tenté d'instrumentaliser des tensions nationales ou ethniques ». Il s'agit là de documents portant notamment sur la soviétisation des pays baltes (en 1918-1919) et sur la politique internationale.
Ont ensuite été écartés des documents où Lénine prône trop ouvertement « une politique de terreur, de répression et d'épuration sur une grande échelle à l'encontre des couches les plus diverses de la société, et à des moments où aucune menace ne pèse sur le régime », par exemple, au début de la NEP (Nouvelle Politique économique), en 1921.
Enfin, troisième type de documents, ceux qui révèlent des « aspects contradictoires » de Lénine - un euphémisme pour désigner la mentalité policière et conspiratrice de Lénine. En URSS même, on a donc considéré certains de ces textes trop durs, trop « extrémistes ».
En 1999 paraît à Moscou un volume entier de textes de Lénine qui n'étaient jamais entrés dans les Œuvres complètes. Parmi les 420 documents inédits publiés, figure le télégramme suivant, envoyé le 11 août 1918 par Lénine à trois dirigeants bolcheviques de la région de Penza, les « camarades » Kouraiev, Minkin et Bosh.
« Camarades, le soulèvement koulak dans vos cinq cantons doit être écrasé sans pitié. Les intérêts de la révolution tout entière l'exigent, car partout la lutte finale avec les koulaks est désormais engagée. Il faut
1) Pendre (et je dis pendre de façon que les gens le voient) pas moins de cent koulaks, richards, vampires connus.
2) Publier leurs noms.
3) S'emparer de tout leur grain.
4) Identifier les otages comme nous l'avons indiqué dans notre télégramme hier. Faites cela de façon qu'à des centaines de verstes à la ronde le peuple voie, tremble, sache et s'écrie : ils étranglent et continueront à étrangler les koulaks-vampires. Télégraphiez que vous avez reçu et mis à exécution ces instructions.
» Votre Lénine.
» PS : Trouvez des gens plus durs. »
À la date du 12 août 1918 figurent trois nouveaux télégrammes envoyés par Lénine, cette fois individuellement à chacun des « camarades de Penza ». Ceux-ci ont répondu trop « mollement » au goût de Lénine, qui revient à la charge :
« Bien reçu votre télégramme. Extrêmement étonné de l'absence de toute information concrète concernant la répression du soulèvement koulak des cinq cantons insurgés. Je ne veux pas croire que vous ayez pu faire preuve de nonchalance ou de faiblesse dans l'écrasement des koulaks et la confiscation exemplaire de tout le patrimoine et notamment des céréales des koulaks insurgés. Lénine. »
N. W. L'HISTOIRE OCTOBRE 2007
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