Lorsque naît Jeanne d’Arc en 1412, c’est au cœur d’un monde troublé : en 1378 s’est ouvert le Grand Schisme d’Occident qui voit s’installer un pape à Avignon et un autre à Rome (jusqu’en 1417) ; à l’Est, les Turcs menacent l’Occident ; et en France, le roi Charles VI est atteint de folie. Du fait de la maladie du souverain, ce sont les grands seigneurs qui tiennent la réalité du pouvoir (notamment les ducs de Bourgogne – Jean sans Peur à partir de 1404 – et d’Orléans).
Au début du XVe siècle c’est une guerre civile qui éclate entre les Armagnacs et les Bourguignons. Ces deux partis se sont formés autour de Louis puis Charles d’Orléans (pour le premier) et de Jean sans Peur (pour le second). Le premier parti défend l’idée d’un État fort et ferme envers ses ennemis, les seconds insistent plus sur les libertés et l’idée de réforme. Plus grave, les deux partis n’hésitent pas à faire appel aux Anglais.
I. Anglais et Français, Armagnacs et Bourguignons
En Angleterre, si Henri IV (1399-1413) incarne le parti de la guerre, les troubles intérieurs l’empêchent d’intervenir sur le continent. En revanche, avec l’avènement d’Henri V (1413), les hostilités reprennent. Revendiquant la couronne de France, il profite de l’anarchie politique française pour mener ses opérations. En 1415, il remporte la bataille décisive d’Azincourt puis conquiert la Normandie (1417-1419).
En 1420, l’assassinat de Jean sans Peur par les Armagnacs jette les Bourguignons dans le camp anglais. La même année, Henri V et Philippe de Bourgogne se jurent la paix à Troyes et déshéritent le dauphin (futur Charles VII), la couronne devant revenir à Henri V à la mort de Charles VI. Lorsque le roi « fou » meurt, la moitié nord du royaume et une partie de l’Aquitaine sont occupées, le dauphin n’étant que le petit « roi de Bourges ». Henri V meurt lui aussi en 1422, quelques semaines avant Charles VI. Son fils Henri VI doit assumer la double couronne, ce qui choque une partie de l’opinion française (le principe dynastique est violé) mais aussi anglaise (qui craint que le roi ne privilégie le continent au détriment de l’île).
Entre l’accession au trône de Charles VII en France et le siège d’Orléans, victoires et défaites alternent des deux côtés. A partir de 1427, le duc de Bedfort, chef de guerre anglais, se donne pour objectif de forcer le passage de la Loire, et pour cela de faire sauter le « verrou » que constitue Orléans (début du siège en octobre 1428). Charles VII songe alors à se réfugier en Dauphiné, voire hors de France.
II. D’un petit village de Lorraine à la Cour du Roi
Jeanne d’Arc est née en 1412 à Domrémy de l’union de Jacques d’Arc, laboureur aisé et d’Isabelle Romée. Le village est alors tenu par le capitaine de Vaucouleurs Robert de Baudricourt et est resté dans le giron du Valois. A 12 ou 13 ans, elle entend des voix célestes lui demandant d’obéir à Dieu : l’Archange saint Michel et les saintes Catherine et Marguerite. Ces voix lui révèlent qu’elle doit chasser les Anglais hors de France mais elle décide de les ignorer dans un premier temps. C’est lorsqu’elle en parle à son oncle que celui-ci décide de l’emmener chez Baudricourt.
Incrédule, le châtelain la renvoie chez elle. Ce n’est qu’un an plus tard, lorsque l’on commence à parler du siège d’Orléans par les Anglais, que le capitaine fait revenir la jeune fille, cette-fois escortée par des villageois qui ont pris cause pour elle.
Après une entrevue avec le duc Charles de Lorraine, le capitaine décide de l’emmener à Chinon. Elle y est le 6 mars 1429. Jeanne aurait reconnu le roi déguisé en courtisan et mêlé à sa Cour. Elle le rassure quant à sa légitimité : « De Messsire, je te dis que tu es le vrai héritier de France, et fils du roi. Et Il m’envoie à toi pour te conduire à Reims ». D’abord prudent, le roi, poussé par son confesseur Gérard Machet (qui prend l’affaire au sérieux), et après avoir pris l’avis de théologiens et de docteurs, décide de laisser à Jeanne sa chance. Elle reçoit une armure, une épée, et fait peindre sur un étendard le Christ entre deux anges et fait inscrire « Jésus, Maria ! ». Plusieurs hommes de guerre (le duc d’Alençon, La Hire, Gilles de Rais, …) offrent leurs services.
Ce qui reste de l’armée royale est alors à Blois. L’armée venue de Chinon s’y agrège puis fait route vers Orléans, sur le point de tomber dans les mains anglaises. Les eaux de la Loire sont importantes : Jeanne gagne la ville en barque le 29 avril, tandis que l’armée royale l’accompagnant retourne à Blois.
III. Jeanne d’Arc à Orléans
Carte du siège d’Orléans. Cliquez pour agrandir (la carte s’ouvrira dans un nouvel onglet).
Jeanne d’Arc adresse à Henri VI, Bedford et Talbot un message : « Rendez à la Pucelle ci envoyée de par Dieu les clés de toutes les bonnes villes que vous avez prises et violées en France… Je suis ci venue de par Dieu le roi du Ciel, corps pour corps, pour vous bouter hors de toute France ! » A ce moment-là, la Pucelle n’a pas fait ses preuves et le message déclenche l’hilarité chez l’ennemi.
C’est le 4 mai que l’armée royale est de retour avec des vivres, avec à sa tête Boussac. Elle contourne la ville par le Nord et attaque la bastide Saint-Loup (à l’Est d’Orléans) tenue par John Talbot. Jeanne d’Arc, lorsqu’elle apprend que le combat fait rage, fait une sortie et donne une victoire aux Français sur les Anglais qui commençaient alors à redresser la situation. Jeanne est cependant furieuse qu’on ait pris l’initiative de l’attaque à son insu, et le fait savoir.
Pourtant c’est encore sans elle que les chefs de guerre se concertent le 5 et prennent la décision d’attaquer la bastide des Augustins (au Sud). Jeanne finit pourtant par deviner le projet, et c’est elle qui donne l’assaut le 6 au matin qui se conclut, après une heure de combats, par une nouvelle victoire. Jeanne envoie alors une nouvelle lettre à l’ennemi mais il lui répond sans détour d’aller garder ses vaches, sans quoi elle serait livrée aux flammes.
Le 7 mai est décisif : le capitaine de la ville Raoul de Gaucourt refuse de sortir pour un nouvel assaut, prétextant l’attente de renforts supplémentaires, mais Jeanne n’est pas de cet avis et ordonne l’assaut des Tourelles (qui verrouille le pont au Sud). Elle part en première ligne, saisit une échelle qu’elle place contre la muraille et y grimpe. Un carreau d’arbalète lui transperce l’épaule et la jette à terre. Elle se croit morte et pleure. Les Français déferlent alors sur l’enceinte anglaise tandis que Jeanne leur cri : « Tout est à vous, et y entrez ! ». Le lendemain (8 mai), les Anglais lèvent le siège.
IV. Après Orléans
En 1429, la levée du siège d’Orléans paraît être le premier coup d’arrêt donné depuis longtemps à l’expansion anglaise. La nouvelle des exploits de Jeanne d’Arc (Orléans, Patay,…) parviendra aux oreilles de Christine de Pisan, retirée dans un couvent, qui versifiera sur ce renouveau attendu : « L’an mil quatre cent vingt et neuf / reprit à luire le soleil. / Il ramène le bon temps neuf / Que on n’avait vu du droit oeil / Depuis longtemps… » Réfugié à Lyon, le chancelier de l’Église de Paris se demande si l’on peut soutenir la Pucelle et conclut positivement « parce que sa cause finale est des plus justes : rendre le roi à son royaume, repousser et vaincre justement les plus odieux des ennemis. »
Après la libération d’Orléans, les chefs de guerre se posent la question de la poursuite de la campagne pour l’année. Frileux après les déboires passés (Azincourt…), la plupart entendent se contenter d’Orléans. Jean de Dunois, bâtard d’Orléans, arrive néanmoins à convaincre les chefs à poursuivre l’équipée, qui mènera au sacre de Charles VII à Reims…
Sources :
FAVIER, Jean. La guerre de Cent Ans. Fayard, 1980.
GOBRY, Ivan. Charles VII, la reconquête de la France. Tallandier, 2001.
KERHERVÉ, Jean. Histoire de la France : la naissance de l’État moderne, 1180-1492. Hachette, 1998.
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