Après avoir été condamné à mort par le Tribunal Révolutionnaire, Philippe-Égalité est guillotiné le jour même. Lui qui se croyait plus malin que tout le monde est écrasé, à son tour, par la machine infernale qu'il a largement contribué à mettre en marche.
Emporté par le délire idéologique du jacobinisme, il a voulu faire table rase de ses racines, y compris de son nom. Car celui qui a pris le nom ridicule de Philippe-Égalité s'appelle en réalité Louis-Philippe d'Orléans. C'est-à-dire qu'il descend du fils cadet de Louis XIII, Philippe II d'Orléans, son arrière-grand-père étant le Régent, Philippe III d'Orléans. Né en 1747, ce prince du sang a porté successivement le titre de duc de Montpensier jusqu'en 1752, de duc de Chartres jusqu'en 1785, de duc d'Orléans jusqu'en 1791 avant de prendre le nom étrange de Louis Philippe Joseph, prince français, auquel il renonce en 1792 pour devenir Louis Philippe Joseph Égalité.
Ces changements successifs ne sont pas anodins : après avoir suivi une tradition familiale liée à ses origines, il coupe les ponts avec le monde de l'Ancien Régime, contre lequel il nourrit un ressentiment tenace. Il s'estime en effet victime d'injustices à répétition. Ce libertin amateur de tous les plaisirs entend jouer un rôle politique, en prenant la tête de ceux qui critiquent la monarchie, accusée de tourner au “despotisme”. La reine Marie-Antoinette répond en traitant avec dérision ce gros homme qui, très riche mais perpétuellement endetté par des dépenses excessives, cherche à faire argent de tout. II installe ainsi des boutiques sur le pourtour des jardins de sa résidence du Palais-Royal, au cœur de Paris, qui devient vite le rendez-vous des agitateurs politiques, des trafiquants et agioteurs, des dames de petite vertu.
Philippe d'Orléans tisse ses réseaux d'influence et, par exemple, se fait recevoir comme grand-maître d'une Franc-Maçonnerie qui recrute beaucoup dans les années qui précèdent la Révolution et qui marquent ses débuts. Utilisant sans vergogne la démagogie, Orléans est élu aux États-Généraux, où il manifeste une hostilité totale à la monarchie. C'est dans les jardins du Palais-Royal que s'organisent les premières journées révolutionnaires et Camille Desmoulins, lançant à la foule une proclamation enflammée, y improvise, le 12 juillet 1789, une manifestation qui va déboucher sur la prise de la Bastille. Début octobre, des agents du duc d'Orléans attisent le mécontentement des Parisiens, provoqué entre autres par la hausse du prix du pain. Les 5 et 6, des cortèges de manifestants, conduits par des femmes, vont chercher à Versailles le roi, la reine et le dauphin pour les ramener à Paris. En 1791, après la fuite à Varennes, le peuple de Paris est invité le 17 juillet à signer une pétition réclamant la déchéance de Louis XVI. Le duc d'Orléans est soupçonné d'en avoir été l'instigateur. En tout cas il participe désormais régulièrement aux séances du club des Jacobins.
Devenu « Philippe Egalité », il est élu député de Paris à la Convention, où il siège chez les Montagnards, aux côtés de Robespierre, de Marat, de Saint-Just et du boucher Legendre.
Il vote l'abolition de la royauté, puis la condamnation à mort de Louis XVI — ce qui surprend même les plus virulents des Montagnards. Lorsqu'il vote, le 10 mars 1793, la création du Tribunal Révolutionnaire, il contribue à mettre en place un système terroriste qui va le broyer, comme bien d'autres. Son fils Louis-Philippe s'est compromis avec l'intrigant Dumouriez et accompagne celui-ci lorsqu'il passe à l'ennemi en demandant la protection de l'armée autrichienne. Le déshonneur en rejaillit sur son père, désormais tenu en suspicion malgré tous les gages qu'il a donnés. Décrété d'accusation par le Comité de Salut public, pour crime de conspiration contre la République, devant le Tribunal Révolutionnaire de Paris, Philippe-Égalité est condamné à mort. Selon des témoins, il a pris grand soin de sa toilette et de sa coiffure poudrée avant de monter sur la charrette devant le conduire à l'échafaud.
Pierre VIAL. Rivarol du 26 novembre 2010
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