Des ultras à l'Action Française de Charles Maurras, les monarchistes français ont marqué l'histoire politique française des deux derniers siècles.
Les royalistes français apparaissent comme la gauche et la droite au début de la Révolution française, au moment où, pour la première fois dans notre histoire de France, se pose la question de la nature du régime. Après la tourmente de la Révolution et de l'Empire, des penseurs d'envergure comme Joseph de Maistre et Louis de Bonald alimentent la réflexion contre-révolutionnaire. Les royalistes « ultras » soutiennent la monarchie restaurée, sans toutefois se priver d'en critiquer les gouvernements.
En 1830, la révolution qui chasse Charles X et l'avènement de la branche cadette des Orléans, avec l'accession au trône de Louis-philippe 1er, roi des Français (et non plus roi de France) donnent naissance au légitimisme, dont les défenseurs se retranchent politiquement dans les provinces françaises. Cette parenthèse est très justement évoquée dans l'œuvre de Jean de La Varende.
Après la chute du Second Empire et la fin de la guerre contre la Prusse, une restauration semble possible au profit du petit-fils de Charles X, Henri V, qui porte le titre de Comte de Chambord. Cependant, les royalistes, majoritaires à la Chambre des députés et au Sénat, se divisent entre légitimistes et orléanistes. En 1872, le comte de Chambord se réconcilie avec les Princes d'Orléans, mais l'affaire du « drapeau blanc » met fin en 1873 aux espoirs des légitimistes, leur prétendant refusant le drapeau tricolore - dont l'adoption signifierait son ralliement à une monarchie parlementaire telle que l'envisageaient les milieux orléanistes. « Ma personne n'est rien, mon principe est tout », répond Henri V. Paradoxalement, c'est un député monarchiste, Henri Wallon, qui, par un amendement voté en 1875, fera inscrire dans la loi la forme républicaine du régime ; et le premier président de la République, le maréchal de Mac-Mahon, sera lui aussi monarchiste !
À la même époque s'élabore, autour de René de La Tour du Pin et d'Albert de Mun, deux représentants du légitimisme, la doctrine du catholicisme social.
Après la mort du comte de Chambord, en 1883 en Autriche, la grande majorité des légitimistes se rallient au prétendant orléaniste, le comte de Paris, qui devient à leurs yeux le nouveau chef de la Maison de France. Celui-ci est exilé de France en 1886, après le mariage de sa fille avec l'héritier du trône portugais.
En 1893, le « Ralliement » des catholiques à la République à la demande du pape Léon XIII semble condamner politiquement le royalisme en France, des personnalités importantes comme Albert de Mun abandonnant alors le combat monarchiste. Il va pourtant renaître de ses cendres une décennie plus tard.
L'Action Française
En 1899, quand l'Action française est fondée par Henri Vaugeois et Maurice Pujo en pleine affaire Dreyfus, elle n'est pas royaliste mais veut pallier les insuffisances de la Ligue de la Patrie Française. Ce n'est que quelques années plus tard que, sous l'influence de Charles Maurras et de son Enquête sur la Monarchie, l'ensemble de ses dirigeants prône le retour du roi comme élément essentiel de salut public. Maurras, qui se lie alors au duc d'Orléans, arrière-petit-fils de Louis-Philippe, défend une monarchie héréditaire, traditionnelle, anti-parlementaire et décentralisée, qui a peu de traits en commun avec l'orléanisme proprement dit. En 1908, L'Action française devient un quotidien dont l'influence se fait sentir bien au-delà des milieux royalistes.
En 1914, l'AF, mettant en sourdine sa critique du régime républicain, défend l' « Union sacrée » contre l'Allemagne. Après la Première Guerre mondiale, le mouvement parvient à faire élire à l'Assemblée nationale, comme député de Paris, l'écrivain Léon Daudet, fils de l'auteur des Lettres de mon moulin. L'expérience durera de 1919 à 1924.
Là condamnation de l'AF par le Pape XI en 1926, puis la brouille avec le comte de Paris en 1937, portent deux rudes coups à l'organisation royaliste. L'excommunication ne sera levée qu'en 1939, par Pie XII.
L'AF joue néanmoins un rôle important dans l'insurrection parisienne avortée du 6 février 1934. Suite à des incidents en marge du cortège funèbre de l'historien Jacques Bainville, ses organisations, les camelots du roi, la Ligue et les Étudiants d'Action française, sont dissoutes par le Front populaire en 1936.
Pendant l'Occupation, si beaucoup de royalistes rejoignent la France libre ou la Résistance, Maurras et ses proches se réfugient à Lyon, en zone libre, soutenant le maréchal Pétain, ce qui vaudra au vieux lutteur germanophobe d'être absurdement condamné à la prison en 1945 pour collaboration avec l'ennemi, avant d'être gracié en 1952. Le journal quotidien ayant cessé de paraître à l'été 1944, les militants d'Action Française se regroupent alors autour de l'hebdomadaire Aspects de la France.
Le principal penseur royaliste de l'après-guerre est le philosophe Pierre Boutang, disciple de Maurras. Dans son hebdomadaire La Nation Française (1955-1967), celui-ci réhabilite la notion de légitimité politique. Une longue suite de scissions affaiblit progressivement le mouvement d'Action Française, qui voit périodiquement refleurir en son sein de nouvelles générations d'étudiants royalistes. De l'une de ces scissions naît la Nouvelle Action Française, qui prendra par la suite le nom de Nouvelle Action Royaliste (NAR) et dont le meneur, Bertrand Renouvin, appellera à voter pour Mitterrand en 1981 !
Parallèlement aux mouvements issus de l'AF, on constate à partir des années soixante un développement de plus en plus important d'un courant monarchiste qui reconnaît la légitimité des princes de la branche aînée de la maison de Bourbon, descendant de Louis XIV par son petit-fils Philippe V, roi d'Espagne.
Une nouvelle querelle de légitimité divise donc de nouveau les milieux royalistes, non sans passerelles entre les deux tendances. Par ailleurs, le développement des nouveaux moyens de communication, en particulier d'internet, rend quelque peu caduques les formes traditionnelles de militantisme. À côté des anciens mouvements qui, comme l'Action française, continuent cependant d'exister, la mouvance royaliste, toujours riche d'individualités, fonctionne aujourd'hui en réseaux, parfois appuyés sur des associations qu'inspirent les princes eux-mêmes.
Jacques Cognerais monde&vie . 14 mai 2011
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