« Officiers, sous-officiers, gendarmes, marins, soldats et aviateurs : je suis à Alger avec les généraux Zeller et Jouhaud et en liaison avec le général Salan pour tenir notre serment : garder l'Algérie ». Cette déclaration lapidaire du général Maurice Challe, qui retentit sur les ondes de Radio Alger le 22 avril 1962, est suivie du Chant des Africains. Elle officialise l'entrée en rébellion de quatre généraux, tous anciens résistants ou combattants de la France Libre, contre un Charles De Gaulle accusé de préparer la livraison de l'Algérie au FLN. Accusation fondée : le discours de De Gaulle du 16 septembre 1959 sur l'autodétermination ne laissait guère de doute sur son intention de trahir tous les espoirs mis en lui, le 13 mai 1958, par une armée victorieuse sur le terrain et des pieds-noirs viscéralement attachés à leur terre natale. Lesquels n'avaient pas conscience du caractère machiavélique du personnage, prêt à tous les mensonges, toutes les trahisons pour revenir au pouvoir. Celui-ci misait, à juste titre, sur la lâcheté des Français. Ils lui apportèrent en effet un soutien massif par le référendum du 8 janvier 1961, qui visait, selon les propres paroles de De Gaulle, à reconnaître « la voie de l'Algérie algérienne ». S'en suivit, logiquement, l'annonce de négociations avec le FLN. Tous ceux qui s'étaient battus pour l'Algérie française comprirent que celle-ci était condamnée à mort. C'est pourquoi Challe, Zeller, Jouhaud et Salan franchirent le Rubicon.
C'est ce que Michel Winock, qui fait partie de ceux qui sont la honte du métier d'historien, appelle un « coup de folie ». Pour les gens comme lui, il est certes fou de vouloir être fidèle à la parole donnée, alors qu'on pouvait vivre paisiblement sa retraite en vivant sur la planète Sirius… L'honneur ? Voilà un mot qui fait bien rire les crapules comme Winock.
Le 23 avril, De Gaulle désigne à la vindicte publique le “quarteron” des généraux révoltés, déformant ainsi sans hésiter un mot peu usité de la langue française (”quarteron” désigne, selon le Littré, un « homme (ou une femme) provenant de l'union d'un Blanc avec une mulâtresse ou d'un mulâtre avec une Blanche »). Le Premier ministre Michel Debré, de son côté, quelque peu paniqué, incite les habitants de la région parisienne à venir « à pied ou en voiture » faire barrage aux paras qui vont être forcément envoyés par Alger pour prendre le contrôle de Paris…
Psychodrame inutile : en Algérie, le contingent ne veut pas s'engager dans le camp du putsch. Par conviction, comme l'a prétendu plus tard l'imagerie d'Epinal fabriquée par la propagande gaulliste ? En fait, parce que les bidasses métropolitains se contrefichent du sort de l'Algérie et des pieds-noirs et, par veulerie, ne pensent qu'à la “quille”. C'est à l'occasion de ces événements qu'un certain nombre de jeunes militants et militantes de l'Algérie Française conclurent qu'un pays apparaissant encore sur les cartes sous le nom de “France” était mort et qu'il n'y avait plus aucune raison de s'attacher à son cadavre.
On ne peut, dans l'échec du putsch, négliger la responsabilité des quatre généraux censés être les guides de l'insurrection. Challe, en particulier, en voulant donner au putsch un caractère purement militaire, a refusé de comprendre qu'un soulèvement contre De Gaulle devait prendre un caractère forcément politique. Ce n'était pas une révolte qu'il fallait, mais une révolution. Avec, comme dans toute révolution, la nécessité de faire quelques exemples sanglants, spectaculaires, pour inciter à la réflexion et à un sage alignement la masse des hésitants qui n'entend que le langage de la force.
Quelques hommes comprirent cela, avec la création de l'OAS, où s'investirent des soldats politiques dignes de ce nom. Mais il était bien tard. Trop tard. Il reste que ces combattants sont encore aujourd'hui des exemples pour tous ceux qui refusent de plier le genou devant l'inacceptable. Honneur à eux.
Pierre VIAL. Rivarol du 29 avril 2011
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