Du passé il faut faire table rase : ce principe, exprimant une logique révolutionnaire implacable, guida en 1792 et 1793 les partisans les plus farouches d'un bouleversement total sur le plan politique jet social. Ces Montagnards (surnom donné à l'origine par dérision par des journalistes aux députés les plus extrémistes de l'Assemblée législative siégeant sur les bancs les plus élevés) étaient résolus à imposer leurs vues par tous les moyens. D'où le déclenchement de la Terreur, qui « correspond à un gouvernement défait reposant sur la force et la coercition, et non à un pouvoir légal, de droit » (Jean Tulard, Jean-François Fayard et Alfred Fierro, Histoire et dictionnaire de la Révolution française 1789-1799, Robert Laffont, 1987). La guillotine devint l'instrument préféré des terroristes (même si certains d'entre eux utilisèrent bien d'autres moyens, en particulier dans des villes comme Lyon et Nantes). On estime à 16 594 le nombre des personnes exécutées et à 500 000 le nombre des emprisonnés.
Pour les chefs révolutionnaires, qui se retrouvaient au club des Jacobins, il ne pouvait y avoir de vraie révolution sans élimination de la monarchie et, donc, du monarque. Le 29 juillet 1792, Robespierre réclama, à la tribune des Jacobins, la suspension du roi et l'élection d'une Convention nationale. Ce mot d'ordre fut repris dans les sections parisiennes (un décret de la Constituante du 21 mai 1790 avait découpé Paris en 48 sections, les citoyens de chaque section se réunissant régulièrement pour exprimer leurs exigences ; les sections, dont certaines avaient choisi de s'appeler « du Bonnet rouge », « de Brutus », « des Sans-Culottes », « des Piques », ont joué un rôle dominant lors des “journées” révolutionnaires).
Une Commune insurrectionnelle ayant pris le pouvoir par la force à l'Hôtel de Ville, l'assaut lancé contre les Tuileries à partir du 9 août au soir aboutit, le 10, au massacre des Gardes suisses et de gentilshommes (il y eut 800 morts). La Commune exigea de l'Assemblée législative la déchéance du roi, la réunion d'une nouvelle assemblée, la Convention, et l'internement de la famille royale au Temple.
Le 21 septembre 1792 se réunit la Convention fraîchement élue (l'élection s'était déroulée dans de telles conditions d'irrégularités que la nouvelle assemblée résultait du choix d'une faible minorité du corps électoral). Quelques jours plus tôt avaient eu lieu, du 2 au 5 septembre, dans les prisons parisiennes, des massacres qui firent, selon les sources, entre 1 090 et 1 395 victimes (prêtres réfractaires, Suisses fait prisonniers aux Tuileries mais aussi une forte majorité de prisonniers de droit commun). En décrétant l'abolition de la royauté puis l'avènement de la République, les conventionnels posaient, de fait, la question du sort réservé au roi. Lui faire un procès ? Robespierre n'en voulait pas : « Louis ne peut être jugé, il est déjà jugé, il est condamné ou la République n'est point absoute ». Faut-il rappeler que c'est un avocat qui s'exprimait ainsi ? Marat, lui, voulait un procès « pour l'instruction du peuple ». Les Girondins (on appelait ainsi les conventionnels “modérés”) voulaient préserver le roi. Mais, comme tous les modérés, ils se montrèrent inefficaces.
Le 11 janvier 1793, la Convention décréta qu'il fallait se prononcer sur la culpabilité du roi. On procéda au vote, par appel nominal. Les 707 conventionnels présents (quelques-uns s'étant fait porter malades ou s'étant récusés) déclarèrent « Louis Capet coupable de conspiration contre la sûreté générale de l'État ». Fallait-il envisager de soumettre cette décision à la ratification populaire ?
Une majorité de députés répondirent par la négative. Puis, pendant 36 heures, du 16 janvier à 10 heures du matin au 17 à10 heures du soir, il fallut décider de la sanction infligée à « Louis Capet ». La mort fut votée par 361 voix sur 721 votants, soit la majorité à une voix près…
Le 21 janvier, entouré de 1500 hommes en armes, le roi monta d'un pas ferme sur l'échafaud. Par un roulement de tambour on l'empêcha de dire quelques mots à la foule. À laquelle on montra triomphalement la tête coupée, accueillie par des hurlements « Vive la nation ! ».
Dans l'inconscient collectif, la tête est le siège de la pensée, de l'intelligence, de la volonté. La tête est « le chef » du corps (protégée par un “couvre-chef). C'est pourquoi, sur le plan du symbolisme, décapiter le roi était enlever à toute une construction sociale (« l'Ancien Régime »), à un ensemble de valeurs leur justification et leur raison d'être. L'exécution de Louis XVI fut l'assassinat politique par excellence.
Pierre VIAL. Rivarol du 28 janvier 2011
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