Après la mort de Charles IV le Bel, la loi salique s'impose, naissant de l'expérience des faits, comme toujours avec les Capétiens.
Cette année-là, la sixième de son règne, Charles IV le Bel, trente-quatre ans, mourut à Vincennes le 1er février, sans héritier mâle direct. La chose se produisait pour la première fois chez les Capétiens, lesquels, depuis Hugues Capet, s'étaient toujours perpétués de père en fils sans contre-temps ; si le fils aîné mourait jeune, le premier des cadets prenait sa place dans la succession et la vie de la lignée continuait. Ce fut la grande chance des premiers Capétiens d'avoir, pendant trois cent trente-neuf ans, pu affermir leur dynastie sans se heurter à la moindre difficulté de succession.
Le cas de Charles IV était exceptionnel. Troisième fils de Philippe IV le Bel et de Jeanne 1ère de Navarre, il était monté sur le trône après ses deux frères aînés, Louis X le Hutin et Philippe V le Long, lesquels étaient eux-mêmes morts sans laisser d'enfant mâle ! Pour être tout à fait exact rappelons que l'aîné Louis X le Hutin, roi de France de 1314 à 1316, avait eu de sa première épouse Marguerite de Bourgogne (répudiée pour adultère) une fille, Jeanne ; or sa seconde épouse, Clémence de Hongrie, était enceinte quand il mourut.
Celle-ci mit au monde le 15 novembre 1316 un petit Jean qui décéda dès le 20 novembre et devait rester dans l'histoire comme Jean 1er le Posthume.
Philippe, alors comte de Poitiers, frère du roi défunt, avait alors couru à Reims pour se faire sacrer sous le nom de Philippe V le Long, barrant ainsi la route à quelques partisans de Jeanne, le premier enfant du Hutin. Il avait fallu une assemblée des seigneurs de la cour et des docteurs de l'Université pour approuver l'exclusion de la petite fille de la succession, tout simplement parce qu'une fille reine pourrait en se mariant apporter un jour en dot la couronne de France à un prince étranger.
Philippe V avait ensuite régné jusqu'à sa mort en 1322, n'ayant eu que des filles de son épouse Jeanne de Bourgogne, elle aussi soupçonnée d'adultère mais non répudiée.
Le tour de Charles IV le Bel était alors venu, il avait remis de l'ordre dans les finances, avait oeuvré pour venir en aide aux chrétiens d'Orient, mais il avait dû répudier sa première épouse, Blanche de Bourgogne aussi volage que ses belles-soeurs, accusées toutes les trois par des rumeurs de s'être livrées à des ébats bien peu catholiques dans la tour de Nesle… Sa deuxième épouse Marie de Luxembourg, mourut enceinte dans un accident. La troisième, sa cousine Jeanne d'Evreux, n'eut que des filles, mais se trouvait enceinte en cette année 1328 quand mourut le roi, le 1er février.
Loi fondamentale
Philippe de Valois, fils de Charles de Valois, lui-même frère de Philippe IV le Bel, donc le plus proche par les mâles de la succession, fut désigné comme régent en attendant la naissance. Tout laissait à penser qu'il serait roi si une fille naissait. Ce ne fut pas l'avis d'Isabelle, soeur des trois rois défunts, qui venait de faire assassiner son mari Édouard II, roi d'Angleterre, par des intimes de son amant, Roger Mortimer : elle revendiqua la couronne de France non pour elle-même (question réglée depuis 1316), mais pour son fils, quatorze ans, petit-fils de Philippe le Bel, devenu Édouard III, roi d'Angleterre.
Dès le 2 février une grande assemblée se réunit au Palais pour traiter « la plus noble cause qui fut oncques », dit le juriste Guy Coquille. Nul ne voulait comme roi de France d'un Anglais qui était par ailleurs vassal du roi de France pour ses possessions d'Aquitaine. Tous admirent et promulguèrent à jamais que « femme, ni par conséquent son fils, ne pouvait par coutume succéder au royaume de France ». Cette loi, qu'on allait appeler la loi salique pour la faire dériver d'un vieux texte franc, fut dès lors la première loi fondamentale du royaume, née non pas d'un texte abstrait posé a priori, mais de l'expérience des faits, comme toujours avec les Capétiens.
Jeanne d'Evreux ayant accouché d'une fille, Philippe put se faire sacrer à Reims dès le 29 mai. La branche des Valois accédait ainsi au trône et allait se le transmettre brillamment jusqu'en 1589, s'éteignant là encore - et c'est assez singulier - avec trois frères rois sans enfants : François II, Charles IX, Henri III.
Insistons encore sur le fait que la monarchie capétienne ne fut en rien antiféministe : les femmes, notamment les régentes, y jouèrent bien souvent un rôle primordial. Leur exclusion de la succession exprime seulement dès 1328 une haute conscience de l'unité et de la continuité françaises et des besoins défensifs de la nation. La couronne n'est pas une propriété qui peut passer en diverses mains, elle est un bien commun inaliénable. C'est ce qui la rend bienfaisante.
MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 n° 2760 – du 4 au 17 décembre 2008
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