C'est l’action décisive de la cour de Versailles qui a libéré les États-Unis d'Amérique de la domination anglaise. Un fait d'histoire que M. Obama ne connaît peut-être pas…
Lorsque le président Barack Obama se penchera aux fenêtres de la Maison Blanche, il pourra apercevoir une superbe statue de Marie Joseph Paul Yves Roch Gilbert du Motier, plus connu sous le nom de marquis de La Fayette. Le célèbre auvergnat est en bonne place dans un parc qui jouxte l’Executive Mansion.
Détail flatteur pour l’historien ou le touriste français. Mais détail presque futile pour les Américains : 85 % ignorent à peu près tout de l’action décisive de la cour de Versailles avant, pendant et après les batailles qui les ont libérés de la domination de la cour de Saint James. Ils ignorent que sans les cinquante millions de livres, les soixante navires, les vingt et un mille marins, les six mille fantassins, les trois cents canons fournis par Louis XVI, les Anglais auraient réussi à s’accrocher encore longtemps à leur lucrative conquête. Il n’y aurait eu ni La Fayette, ni Rochambeau, ni de Grasse. Il n’y aurait pas eu la bataille navale de la baie de Chesapeake. Il n’y aurait pas eu le siège de Yorktown. Ce fut le tombeau de l’Anglais. Or, Chesapeake et Yorktown sont des victoires fleurdelisées.
Louis XVI a tenu parole
Tout commence le 14 août 1781. Ce jour-là, le général George Washington reçoit confirmation que l’amiral François Joseph Paul, marquis de Grasse-Tilly, comte de Grasse, a quitté les Antilles françaises et cingle vers la baie de Chesapeake. Information capitale pour les insurgents : Louis XVI a tenu parole et verrouille son dispositif. Il pousse ses pions sur mer et sur terre. Pour Washington, c’est une étape décisive. Le soir, il danse et chante avec ses officiers.
Sept jours plus tard, il reprend la tête de son armée et, en compagnie des six mille soldats commandés par le général Jean-Baptiste Donatien de Vimeur, comte de Rochambeau, s’engage sur les routes du Sud. Fin du premier acte. C’est le récit d’une longue marche de deux compagnons d’armes et de deux forces alliées qui vont fraterniser pendant cinq semaines. Rejoints par La Fayette et ses deux mille cinq cents hommes, Washington et Rochambeau arriveront en Virginie, sur le champ de bataille, le 28 septembre. Le deuxième acte avait commencé quelques jours plus tôt – exactement le 5 septembre – lorsque les vingt-huit navires de De Grasse arrivèrent en vue de la baie de Chesapeake.
Chesapeake
Les Français sont aussitôt rejoints par les vingt-trois navires de l’amiral anglais Thomas Graves. Les deux flottes forment leur ligne de combat – les haut-bords les mieux armés face à l’ennemi – au moment où éclate une formidable canonnade. Imaginez trois mille cinq cents boulets qui partent en même temps dans un espace qui n’excède pas dix kilomètres. Infernal ! Et cet enfer va durer plusieurs heures. Le soir, le Shrewsbury, l’Ajax, le Terrible et le Montagu, avec chacun soixante-quatorze canons appartenant à Sa Gracieuse Majesté, sont gravement touchés et doivent quitter le combat. L’Intrepid et l’Europe (soixante-quatre canons chacun) sont réduits à l’état d’épave. Graves perd la première manche.
Il perdra également la seconde à la suite de trois erreurs. D’abord, il se montre incapable de profiter d’un coup de vent qui disperse fâcheusement une fraction importante des plus lents navires français. Ensuite, il fait hisser des ordres contradictoires, si bien qu’une partie de ses marins croit qu’il faut attaquer à l’instant ou une autre comprend qu’on doit au contraire tirer un bord. Enfin, troisième erreur de Graves : il sous-estime la rapidité, le courage et l’endurance des canonniers français. Il sous-estime également la perspicacité et l’intuition de De Grasse.
Le 6 septembre, lendemain de la bataille, les deux flottes ennemies font voile vers le sud en cherchant un nouveau contact. Dans le camp anglais règne la confusion, dans le camp français la confiance. Au moment où Graves se rend compte qu’il n’a plus assez de navires pour reprendre l’offensive, De Grasse estime qu’il est temps pour lui de peaufiner son coup de maître.
Le 7 septembre, les deux flottes se retrouvent au large de la Caroline du Nord. De Grasse décide alors de remonter vers la baie de Chesapeake. Graves suit péniblement sans tirer un seul coup de canon. Les journées du 8 et du 9 se passent à longer la côte. Le 9 septembre au soir, la flotte française prend position à l’embouchure de la baie où elle trouve, sous pavillon fleurdelysé, huit navires de haut bord, des frégates,des bateaux de transport de troupes et de matériel venus en renfort de Newport. Coordination parfaite.
Le 13 septembre, Graves arrive en vue de la baie de Chesapeake, constate qu’il a désormais en face de lui trente-six navires de ligne, accepte sa défaite et prend la fuite en direction de sa grande base arrière : New York.
Yorktown
L’Anglais laisse donc à De Grasse le contrôle absolu du secteur où se déroulera le troisième et dernier acte. Cela signifie que le général anglais Charles Cornwallis,retranché avec ses sept mille hommes derrière des fortifications construites autour de Yorktown, port de tabac en Virginie, ne doit compter que sur ses propres forces. Pour lui, aucun secours ne pourra venir de la mer.
Ce troisième acte commence le 30 septembre avec l’encerclement à peu près complet des Anglais par dix-sept mille soldats alliés. Washington, Rochambeau et La Fayette se partagent le terrain.
À l’Est et au Sud, six régiments de l’infanterie légère américaine appuyés par la milice de Virginie. À l’Ouest, les six régiments français : Touraine, Agenais, Saintonge, Soissonais, Royal Deux Ponts et Bourbonnais. Le siège dure dix-sept jours marqués par d’intenses duels d’artillerie et par de sanglants assauts à la baïonnette. Les Anglais échouent en risquant une sortie afin de desserrer l’étau qui menace de les asphyxier. Ils échouent également en essayant de conserver une redoute d’importance stratégique, où s’illustre le Royal Deux Ponts.
La position de Cornwallis devient intenable. Le 17 octobre le drapeau blanc remplace l’Union Jack sur des fortins détruits et deux jours plus tard le général anglais fait remettre son épée à Rochambeau qui l’offre aussitôt à Washington. C’est la fin de la guerre et pour Londres l’abandon d’une colonie prestigieuse. Abandon qui sera scellé deux ans plus tard par le traité de Paris.
PHILIPPE MAINE L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 20 novembre au 3 décembre 2008
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