Avant notre ère, le territoire compris entre les Pyrénées, les Alpes et le Rhin (France, Bénélux, Suisse et Rhénanie actuels) a une unité toute fictive et ce n'est en rien un pays de sauvages selon l'idée cultivée par les historiens du XIXe siècle…
Appelé Gallia (Gaule) par Jules César dans son célèbre compte-rendu de la guerre des Gaules, ce territoire appartient à l'immense domaine de peuplement celte qui s'étend des îles britanniques jusqu'au bassin du Danube et même jusqu'au détroit du Bosphore (le quartier de Galatasarai, à Istamboul, rappelle encore aujourd'hui la présence de Galates, cousins des Gaulois, dans la région).
Brennus, le premier Gaulois
Le nord de la péninsule italienne est lui-même baptisé Gaule cisalpine par les Romains qui n'en gardent pas de bons souvenirs… En 390 avant JC, la jeune république sénatoriale avait été assiégée par des Gaulois de cette région, les Sénones. Les habitants n'avaient dû leur salut qu'à la vigilance des oies sacrées du Capitole. Selon l'historien Tite-Live, celles-ci, par leurs cris, les avaient prévenu d'une tentative d'effraction nocturne des Gaulois.
Finalement contraints à la reddition et à un lourd tribut, les Romains avaient osé mettre en doute la fiabilité de la balance utilisée par les Gaulois pour peser l'or. Le chef gaulois, Brennus, avait alors jeté son épée sur la balance en lançant : «Vae Victis ! » (Malheur aux vaincus !).
Une unité fictive
La Gaule proprement dite est partagée entre Rome et des tribus indépendantes celtes, mais aussi ibères ou encore germaniques.
Jules César lui-même a perçu cette diversité : « La Gaule, dans son ensemble, est divisée en trois parties, dont l'une est habitée par les Belges, l'autre par les Aquitains, la troisième par ceux qui dans leur propre langue, se nomment Celtes, et, dans la nôtre, Gaulois. Tous ces peuples diffèrent entre eux par la langue, les coutumes, les lois. Les Gaulois sont séparés des Aquitains par le cours de la Garonne, des Belges par la Marne et la Seine. Les plus braves de tous ces peuples sont les Belges, parce qu'ils sont les plus éloignés de la civilisation et des mœurs raffinées de la Province, parce que les marchands vont très rarement chez eux et n'y importent pas ce qui est propre à amollir les cœurs, parce qu'ils sont les plus voisins des Germains qui habitent au-delà du Rhin et avec qui ils sont continuellement en guerre » (La guerre des Gaules).
Avant que le général ne débarque en Gaule, les Romains occupent déjà la partie méditerranéenne du pays, dont la capitale a été Narbonne avant de devenir Lyon. Cette région, la Gaule Narbonnaise, est aussi appelée la Province (dont nous avons fait Provence) car c'est dans l'ordre chronologique la première province de Rome !
La Gaule qui échappe à Rome est communément appelée «Gaule chevelue». En fait, ses habitants sont loin d'être tous chevelus… Ainsi, les Éduens, qui habitent au centre de l'hexagone, sont fortement influencés par la culture latine, portent les cheveux courts et s'habillent à la romaine. Les régions proches des Pyrénées sont plus précisément appelées Aquitaine ; au-delà de la Seine, elles sont appelées Belgique.
Les 64 pays gaulois («pagus») sont très différents les uns des autres et sensibles aux influences des pays riverains (Italie, Germanie, Espagne) et même plus lointains (Grèce). Certains sont des chefferies héréditaires, d'autres des républiques plus ou moins démocratiques.
Le trésor de Vix
En 1953, on a découvert à Vix, en Bourgogne, la tombe d'une princesse celte morte vers 480 avant JC.
Son trésor funéraire incluait un cratère (vase) en bronze de 1,64 mètre, originaire de l'Italie du Sud qu'on appelait alors la Grande Grèce !
Cette découverte atteste que, très tôt, les Celtes de l'hexagone, plus tard appelés Gaulois, avaient des liens commerciaux nombreux avec les civilisations de la Méditerranée
Un pays prospère et fortement peuplé
Dans son ensemble, la Gaule se caractérise par une forte densité de population. On évalue à douze millions le nombre de ses habitants, soit davantage qu'à certaines époques du Moyen-Âge.
Loin d'être un pays de forêts impénétrables uniquement peuplées de sangliers comme le laisseraient croire certaines bandes dessinées, la Gaule est en grande partie défrichée et couverte de belles campagnes comme l'atteste l'archéologie aérienne.
Ses habitants manifestent un exceptionnel savoir-faire dans l'art de l'agriculture et de l'élevage comme l'atteste un bas-relief en pierre découvert dans le bassin parisien : il montre une moissonneuse-batteuse antique, poussée par des chevaux et manoeuvrée par deux hommes ! D'ailleurs, le potentiel agricole de la Gaule compte pour beaucoup dans l'intérêt que lui portent les Romains.
Les Gaulois reviennent à la vie
En janvier 1789, à la veille de la Révolution française, l'abbé Joseph Sieyès publie un opuscule retentissant : Qu'est-ce que le tiers état ? Dans ce petit ouvrage, il présente les Gaulois et plus précisément les Gallo-Romains comme les ancêtres du tiers état (le peuple), en les opposant aux Francs, ancêtres des nobles et aristocrates.
C'est ainsi que sortent de l'ombre «nos ancêtres les Gaulois», éclipsés jusque-là par les chroniqueurs officiels qui se contentaient de relater les exploits de la monarchie et faisaient remonter celle-ci à Clovis (Ve siècle de notre ère).
Les Gaulois vont acquérir leurs lettres de noblesse avec Napoléon III ! Féru d'histoire antique, l'empereur écrit en collaboration avec Victor Duruy une biographie de Jules César et par la même occasion, se pique de passion pour Vercingétorix. Il le fait représenter sous ses traits à Alise-Sainte-Reine, lieu supposé de la bataille d'Alésia.
C'est le début d'une étrange dichotomie chez les Français cultivés qui considèrent les Gaulois comme leurs ancêtres et dans le même temps, les voient comme des sauvages que les Romains ont eu le bon goût de soumettre et civiliser… Les historiens et archéologues de la fin du XXe siècle ont fait litière de ces schémas.
La Gaule à la veille de la conquête romaine
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