lundi 17 janvier 2011

23 janvier 1860 : Traité de libre-échange franco-britannique

Le 23 janvier 1860 est signé le traité de libre-échange franco-britannique. C'est le début d'une courte période de désarmement douanier qui séduit à peu près toute l'Europe.
Conversion des Anglais au libre-échange
Le ralliement des Anglais aux supposées vertus du libre-échange remonte seulement à une quinzaine d'années plus tôt, avec l'abrogation des «corn laws» (1846).
Ces lois protectionnistes, votées après 1815 à l'initiative des grands propriétaires terriens, avaient permis aux Anglais de protéger leur paysannerie contre les importations à bas prix de céréales américaines.
Dès lors que leur industrie a été en mesure de relayer l'agriculture comme moteur de l'économie, les Anglais ont sacrifié les «corn laws» et leur agriculture afin de permettre à leurs ouvriers de se nourrir à moindre prix avec des céréales d'importation. Cela a eu pour effet de relâcher la pression sur les salaires et par voie de conséquence de favoriser les exportations industrielles.
De fait, les exportations britanniques relancent le commerce mondial mais elles montrent assez rapidement montré des signes d'essoufflement.
Triomphe du libre-échange
Le traité franco-britannique vient opportunément soutenir les exportations britanniques. Il est négocié par les économistes Michel Chevalier et Richard Cobden.
Le premier est un polytechnicien titulaire de la chaire d'économie politique du Collège de France. Le second est un économiste qui a fait fortune en ouvrant en 1828, dans le Lancashire, une manufacture de toiles peintes. Idéaliste, il anime la Ligue anglaise contre les «corn laws». Il est convaincu que le libre-échange est la clé de la paix et de la prospérité universelles.
Les deux négociateurs bénéficient du soutien déterminé de William Gladstone, chancelier de l'Échiquier (ministre de l'Économie) dans le cabinet Palmerston et l'appui décisif de l'empereur des Français Napoléon III.
Conclu en cachette des industriels français qui vont s'y opposer en vain, ce traité traduit une libéralisation sans précédent des échanges commerciaux. C'est aussi le signe éclatant de l'entente cordiale entre Napoléon III et la reine Victoria et du rapprochement entre les deux ennemis héréditaires que sont la France et l'Angleterre.
Le monde occidental atteint un équilibre qu'il ne retrouvera plus de sitôt.
Massacrer au nom du libre-échange
Le rapprochement franco-britannique se traduit la même année par une expédition conjointe en Chine. Le principal fait d'armes de cette équipée est la mise à sac et l'incendie du Palais d'Été.
Il s'ensuit la signature de la convention de Pékin avec le gouvernement impérial chinois. Par cette convention, les Chinois, contraints et forcés, ouvrent leur marché aux produits européens.
Cet autre triomphe de l'idéologie du libre-échange se solde par la ruine de l'empire mandchou et l'appauvrissement à grande vitesse de ses habitants.
Crépuscule du libre-échange
Le traité franco-britannique est suivi d'autres traités entre la France et l'Angleterre et leurs autres voisins européens. Ils aboutissent à un désarmement douanier de l'Europe.
L'apogée du libre-échange se situe vers 1866-1877 mais dès le milieu de cette période débute ce que l'on appellera la «grande dépression européenne» (*).
En 1870, le taux de croissance économique en Europe occidentale chute à 0,6% par an au lieu de 1,6% dans la décennie précédente. Le commerce international ralentit aussi son rythme de croissance (2,3% par an environ au lieu de 5 à 6% dans les décennies précédentes).
L'Angleterre, la France et les grands États européens restent néanmoins fidèles à l'approche libre-échangiste jusqu'en 1892. Cette année-là voit la fin de la «grande dépression» et l'arrivée à expiration de plusieurs traités libre-échangistes. En France est votée la loi Méline du double-tarif, qui rétablit des protections douanières sur les produits agricoles.
Alban Dignat http://www.herodote.net

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